POURQUOI SUIS-JE DEVENU MOINE BOUDDHISTE ?
Premier texte vietnamien du Maître thiền, Vénérable THÍCH THANH TỪ Traduit par Diệu Anh
Extrait du livre « Les Trois Questions Essentielles Dans Ma Vie De Moine »
Revu par le Groupe Saddharma [source]
De par le monde, les religions sont nombreuses. Pourquoi ai-je embrassé la religion bouddhiste et pourquoi suis-je devenu moine ? -Tout simplement parce que l'Enseignement de Bouddha répond exactement à mes pensées profondes et à mes voeux intimes. Le but de celui qui entre en religion est la recherche de la Vérité, aussi arrête-t-il ses pas là où il trouve une explication plausible et captivante. Se faire moine signifie que le pratiquant a choisi de sacrifier sa vie pour la bonne cause qu'est la Vérité. De ce fait, il ne lui est pas permis de faire son choix à la légère avec le risque de s'égarer et de rendre vain son sacrifice mûrement consenti. C'est avec tout son esprit pur que le pratiquant prononce son voeu d'entrer en religion, il serait absurde de se résigner à enfouir ce coeur confiant dans la boue souillée. C'est pourquoi, avant d'embrasser une religion quelconque, nous devons l'examiner à fond pour connaître sa vraie valeur afin de prendre notre décision en toute connaissance de cause. Quant à moi, en adoptant le bouddhisme, je suis pleinement satisfait de l'Enseignement prodigué par Bouddha et je n'hésite donc pas à vous faire part de ses réponses à certaines questions fondamentales ci-après :
I. LE BOUDDHISME DIT LA VERITE
1. Le Principe De l’Impermanence/Lý Vô Thường
Souvent le bouddhisme nous rappelle que : " toute chose en ce monde est impermanente". L'être humain et tout ce qui existe se transforment continuellement comme en une cascade ininterrompue. Chez l'être humain, des cellules se forment, d'autres meurent. Ce processus de naissance suivie de destruction se poursuit sans interruption jusqu'à la destruction complète de ce corps physique. Il en est de même pour les atomes constituant la matière, ils se forment, se détruisent rapidement et constamment sans jamais se fixer. La survie des êtres et de la matière dépend du cycle continuel des transformations des cellules et des atomes. L’arrêt brutal de ce mouvement entraîne inévitablement la mort des êtres vivants et la destruction de la matière; aussi parle-t-on de "Vie et Mouvement/Sống động". Ce mouvement continu est appelé "l'Instantanéité impermanente/Sát na vô thường". L'examen des parties et éléments constitutifs du corps humain et des animaux montre qu'ils passent tous par quatre états : naissance, vieillesse, maladie et mort. Quant aux plantes, elles passent successivement par les quatre stades de création/sanh, de stabilité/trụ, d’involution/dị et de destruction/diệt tandis que les minéraux et le globe terrestre possèdent quatre stades : constitution/thành, stabilité/trụ, décomposition/hoại et anéantissement/không globalement appelés "Principe primordial de l'impermanence". Ceci est la réalité, la vérité de ce monde.
Pourtant nombreux sont ceux qui, confrontés à la vieillesse, la maladie et la mort, sont pris de panique et d'affolement; ils ne cessent de se lamenter sur leur sort. Ceux là n'ont pas saisi le principe de l‘impermanence et s’imaginent être toujours éternels. L’illusion d'une santé durable les rend indifférents au spectacle de la vieillesse et de la mort qui les environne, et dont ils pensent qu’il ne les concernent pas. La méconnaissance du principe d'impermanence explique la crainte, l'agitation, les appels de détresse, les pleurs et les lamentations traduisant un comportement naïf et stupide à l'approche de leur propre mort. En revanche, celui qui regarde sereinement la vieillesse et la mort avec le sourire aux lèvres, a pris conscience de l’impermanence de toute chose en ce monde, y compris la vie, il accepte volontiers ce qui lui arrive, preuve de l'universalité de ce principe de non-permanence. Nul ne pourra y échapper, donc inutile de se lamenter ou d'implorer, il vaudrait mieux :
Ne soyez troublés ni par la prospérité ni par la décadence.
Celles-ci sont comparables à la rosée hivernale sur les brins d'herbe.
Maître thiền Vạn Hạnh
[Mặc cuộc thịnh suy đừng sợ hải,
Thịnh suy như cỏ hạt sương đông]
Quelle liberté! Conscient de l'existence de l‘impermanence, l'être humain averti s'arme de courage et de fermeté. Nombreux sont ceux qui pensent que le principe de l'impermanence incite au pessimisme. Ils ne se doutent pas que la connaissance de ce principe rend l'homme plus apte à vouloir se perfectionner et à se rendre utile aux autres. Ecoutons ceci "Le besoin de se perfectionner tel le feu qui brûle dans la tête/cần tu tợ lửa cháy đầu", car chaque jour passé est perdu pour toujours. Pour nous stimuler, examinons à fond un autre principe, celui de la loi de causalité/luật nhân quả, afin d'en découvrir la vraie raison.
2. Le Principe De Causalité/Lý Nhân Quả
L'homme est atteint d'une maladie très grave, celle de fuir ses responsabilités. Il est convaincu que les événements heureux ou malheureux de sa vie sont prédéterminés par le destin ou par Dieu, aussi il se résigne et s'en remet au destin. C'est une conception complètement erronée puisqu’elle supprime toute notion d’indépendance de l’homme. Sur la base du principe de la causalité, le bouddhisme nous fait découvrir qu'en réalité c'est nous-mêmes qui, à travers nos décisions, sommes responsables de nos succès ou échecs, de notre bonheur ou malheur. Dans l'univers, les animaux et les plantes se produisent et se détruisent selon le rapport de cause à effet et non fortuitement. Il ne se produit aucun aménagement par une main invisible dans la construction de notre avenir. Ainsi conscients de nos responsabilités, nous pourrons désormais bâtir notre avenir conformément à nos espérances. Par conséquent, nous devons accepter tout ce qui nous arrive de bon ou de mauvais comme fruits de nos actes passés bons ou mauvais, sans vanité, sans plainte ni supplication. Aussi, gardons-nous de nous vanter du bien récolté, mais continuons à oeuvrer dans la bonne direction pour l'avenir, et ne nous décourageons pas devant les difficultés ou les situations inopportunes tout en oeuvrant à les rendre plus tolérables. Voilà le comportement des gens conscients du principe de causalité.
Le mérite de cette loi de causalité est d'inciter l'être conscient à s'abstenir de toute pensée, toute parole et tout acte répréhensibles, causes inévitables de souffrances futures, mais à cultiver les paroles et les actes méritoires, sources de bonheur dans un prochain avenir. Ainsi, on est soi-même le responsable de son propre malheur, et s'il faut quémander faveur ou secours, c'est à soi-même qu'il faut s'adresser, puisque l'être humain est maître de ses propres décisions et que celles-ci influencent directement sa vie présente et future, sans laisser aucune possibilité d'intervention d'un pouvoir quelconque invisible et irrationnel. Aussi pouvons-nous proclamer que "nous respectons le droit de l'homme".
De nos jours, la science a démontré pleinement la véracité de la loi de causalité : telle cause produira tel effet. En se basant sur les effets/quả, la science remonte à la cause/nguyên nhân) à travers les analyses expérimentales qui ont prouvé que rien n'existe à partir de rien, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'effet sans cause. La connaissance des causes a permis aux scientifiques de les utiliser adroitement dans un but bien déterminé pour produire des effets convoités. De nos jours, la science détient un pouvoir immense grâce à l'application systématique de la loi de causalité, à tel point qu'on peut dire que "sans la loi de causalité, il n'y a pas de science". Toutefois la science ne parvient à mettre en application que le côté physique de cette loi et touche peu encore au domaine des sciences de l’esprit. En revanche, le pratiquant bouddhiste connaît cette loi de causalité aussi bien sur le plan matériel que sur le plan spirituel. La première prédication du Bouddha à l'intention du groupe Kondanna/Kiều Trần Như et ses quatre amis ascètes, s’intéresse à la loi de causalité. Dans le présent, la Souffrance/Effet/Dukkha/Khổ quả est l’Accumulation/ Cause/ Samudaya/ Tập nhân), la Cessation de la souffrance/ Effet/ Nirodha/ Diệt quả est obtenue grâce à la Voie/ Cause/ Magga/ Đạo nhân. Ce sont les quatre vérités irréfutables, incontournables, appelées les Quatre Nobles Vérités/Tứ đế.
Ces quatre causes et effets spirituels nous permettent de supprimer toutes les souffrances et d'acquérir le Nirvana, si nous savons les pratiquer et les maîtriser avec habileté.
Cependant, de nos jours, nombreux sont ceux qui usurpent le titre de descendants directs de Bouddha mais qui ignorent la notion de causalité et ne daignent pas l’intégrer dans leur pratique. Aussi ne cessent-ils d’inventer des balivernes en vue de berner les gens. De tels individus n'ont pas compris le principe de causalité à effet, comment pourront-ils pénétrer le principe de l’Interdépendance conditionnée/Lý nhân duyên ?
3. Le Principe De l’Interdépendance Conditionnée/Lý Nhân Duyên
Un père se promène avec son fils au bord de l'eau, le petit garçon questionne son père : "D'où sort ce fleuve ?". Afin de satisfaire la curiosité du petit , le père dit: "C'est Dieu qui l'a créé". Alors l'enfant continue : "Pourquoi l'eau est-elle là?". Réponse : "C'est Dieu qui l'a créée aussi" ; Question : "Mais où est Dieu ? ". Réponse: "Il est là haut dans le ciel bleu". Alors le petit garçon est rassuré.
En vérité, les choses de ce monde ne sont pas aussi simples. Cependant, étant donné la compréhension assez restreinte du genre humain, une explication simplifiée suffit à le rassurer. Le bouddhisme rejette cette sorte d’explication trompeuse eténonce le principe de l’Interdépendance conditionnée. En effet, toute forme matérielle de ce monde résulte d'un assemblage de plusieurs éléments. Aucune chose n'existe naturellement et spontanément en toute indépendance ni ne provient d’une origine unique. Cet assemblage résulte des facteurs conditionants et conditionnés. L’interdépendance conditionnée est la vérité, les scientifiques l'ont pleinement analysée et démontrée. Il ne devrait plus subsister de doute possible.
D'après les sutras bouddhiques, notre corps physique est constitué de quatre éléments fondamentaux [terre, eau, air, feu] ou cinq agrégats [la matière (sắc), la sensation (thọ), les perceptions (tưởng), les formations mentales (hành), et la conscience (thức)] en association déterminée. Si l'on tentait de l’examiner au microscope, on verrait une multitude de micro-organismes bénéfiques ou nuisibles se disputant leur rôle de protection ou de destruction. Cela confirme ce qui a été stipulé dans les sutras : "Le corps humain est empli d’une quantité des microbes s'y incrustant". De nos jours, la science a aussi démontré que le corps humain renferme une multitude de cellules vivantes et que la matière est formée à partir d'innombrables atomes.
En vertu de la loi d'Interdépendance, aucune forme ne possède de nature propre, car toutes les formations se conditionnent réciproquement et aucune ne possède de nature propre. De plus, vu le caractère impermanent de tout ce qui existe, aucune forme n'est immuable non plus. Une chose dépourvue de nature propre, et en plus changeante, ne peut être qualifiée de «réelle», c'est pourquoi Bouddha disait : "la forme est la vacuité, la vacuité est la forme" ou bien "toute chose ayant une forme n'est qu'une apparence illusoire". Le principe d'Interdépendance implique une interconnexion prodigieuse entre les êtres, et entre les êtres et toutes choses. Nul ne peut les démêler ou les séparer, c'est pourquoi il faut respecter l'être humain et aimer toutes les choses car "l'être est un tout et tout est soi".
Ce sont toutes ces raisons stimulantes qui m'ont incité à embrasser le bouddhisme. Ecouter et suivre l'enseignement de Bouddha m'a ouvert les yeux et laissé traverser une lueur de clarté. Aussi j'ai soif de recevoir davantage de lumière et, au delà de la lumière, la Sagesse.
II. LE BOUDDHISME ATTACHE UNE IMPORTANCE CAPITALE A L'EVEIL
Si, au pied de l'arbre Bodhi, le prince Siddharta n'était pas parvenu à l'Eveil, le bouddhisme n'aurait pas vu le jour ! Le fondement du bouddhisme est l'Eveil, aussi tous les pratiquants ayant atteint le plus haut degré de perfectionnement sont des êtres éveillés. Les Bodhisattvas sont des êtres éveillés et qui guident les autres êtres vers l’éveil. Les Pratyekas-Bouddhas sont des êtres éveillés par la réalisation de la pratique de l'Interdépendance conditionnée. Les Arhats sont des êtres éveillés par la reconnaissance des Quatre Nobles Vérités. Depuis plus de 2000 ans, les Patriarches transmettent incessamment les connaissances amenant à l'éveil. Par ailleurs, cette transmission est illustrée par des images telles que "transmettre de la lumière pour maintenir le flambeau/trao đèn nối đuốc". Il s'agit ici de la lumière de la sagesse qui illumine et du flambeau de la connaissance qui éclaire la Voie. La sagesse est comme le flambeau qui éclaire et conduit l'être humain à sortir des ténèbres de l'ignorance. C'est la raison pour laquelle dans l'enseignement bouddhique, la sagesse est primordiale. L’ Āgama sūtra /Kinh A Hàm parlant du Noble sentier octuple/Bát Chánh đạo réserve les premières places à la Vue juste/Chánh kiến et à la Pensée juste/Chánh tư duy, tandis que dans le Prajῆāpāramitā Hṛdaya Sūtra/Sūtra du Coeur/Kinh Bát nhã parle des Six vertus cardinales/Lục độ, dont la Méditation/Thiền định et la Sagesse/Trí tuệ occupent les deux dernières places. L'adepte débutant doit suivre pour son entraînement le processus de Trois Connaissances/Tam Tuệ : perspicacité dans l'écoute /Văn tuệ, dans la réflexion/Tư Tuệ, et dans la pratique /Tu Tuệ. Les pratiquants plus avancés doivent en plus observer les règles éthiques/Giới luật, pratiquer la méditation/Thiền định et acquérir la Sagesse /Trí tuệ. Le degré d'éveil détermine les différents états de méditation atteints par les pratiquants, et la distinction des niveaux de compréhension de l’Enseignement est fondée sur la sagesse.
La sagesse est une vertu essentielle dans le bouddhisme. C’est la lumière qui éclaire et qui permet au pratiquant de voir la réalité de la vie, tout comme le flambeau de la sagesse éclaire le chemin afin que le pratiquant se libère de la souffrance engendrée par l'Ignorance. C'est grâce à cette lumière de sagesse qu'à son tour le pratiquant éveillé peut orienter le voyageur égaré hors des fossés dangereux, faute de quoi il sera dans l'incapacité de venir en aide aux êtres vivants. De nos jours, les humains apprécient beaucoup leur "matière grise" qu'ils utilisent dans différents domaines : injectée dans l'agriculture elle enrichit la terre et donne une récolte meilleure, fournie à l'industrie elle améliore les techniques et permet une production exceptionnelle, investie dans la politique elle rend le pays prospère, la société plus civilisée... en réglant les problèmes de pauvreté, les carences des pays sous-développés, encore faut-il que les pays les moins avancés sachent bien utiliser la matière grise afin de pouvoir progresser.
Par ailleurs, dans l'enseignement bouddhique la compassion, une autre vertu de valeur égale à celle de la sagesse, devra être pratiquée simultanément avec la sagesse de façon bien équilibrée et proportionnée. La sagesse démunie de compassion est une sagesse tarie/Càn tuệ, tout comme la compassion dépourvue de sagesse est une compassion aveugle/Si từ. Le couple sagesse-compassion est comparable à un oiseau pourvu de ses deux ailes ; privé d'un de ces atouts, l'oiseau serait dans l'incapacité de voler. Hélas! dans le monde actuel, la majorité des gens se préoccupent surtout de la matière grise. Rares sont ceux qui s'intéressent à leur coeur autant qu’à leur esprit. Mais utiliser sa matière grise sans y mettre du coeur n'est que vain espoir et ce déséquilibre mènera l'humanité à un inévitable désastre, et même à sa perte dans le futur.
III. LE BOUDDHISME EST LA RELIGION DE LA COMPASSION
L'enseignement bouddhique ne met pas l'accent sur la théorie mais sur la pratique de la compassion. Le devoir primordial de l'adepte débutant dans le bouddhisme est d'observer les cinq préceptes et le fait de bien les respecter, c'est déjà faire preuve de compassion.
En effet, ne pas tuer, c'est respecter la vie des êtres vivants. Ne pas voler, c'est respecter les propriétés et les biens d'autrui. Ne pas se livrer à l’inconduite sexuelle, c'est respecter son bonheur familial et celui des autres. Ne pas mentir, c'est préserver sa propre réputation et respecter la valeur humaine. Ne pas boire de boissons alcoolisées, ne pas consommer narcotiques ou stupéfiants, c'est préserver sa lucidité et sa santé et en même temps respecter la sécurité et l'ordre social. Concernant les religieux, Bouddha déconseille d'arracher un brin d'herbe sans raison valable, de couper une branche d'arbre ou de détruire tout bourgeon de la vie. Ne pas importuner les hommes ou leur nuire ni dégrader les choses, c'est déjà faire preuve de compassion. Il est évident que ce n'est là qu'un aspect basique de la compassion. Il faut faire un pas de plus pour pouvoir porter secours à tous, rendre service aux êtres vivants, faire don à la charité. C'est cela la vision large de la compassion.
Faire la charité c'est donner, aider, secourir ceux qui sont dans les difficultés ou dans la misère. La générosité doit être motivée par l'amour, sans quoi ce n'est pas un véritable acte de charité. Nombreux sont les fidèles qui vont à la pagode à l'occasion des grandes fêtes religieuses, pour assister par exemple à la cérémonie des prières pour les âmes errantes. Très souvent après la cérémonie, les fruits et gâteaux sont offerts à l’intention des enfants du quartier qui se disputent pour avoir le plus de friandises possibles, c'est ce que l'on appelle communément : "offrir la nourriture aux âmes errantes/Thí cô hồn". Ces fidèles confondent cette façon de donner, en jetant en l’air les vivres, avec la vraie charité. Ils se contentent aussi, en guise de charité, d'envoyer sans ménagement à l'adresse des pauvres les subsides qui ont été prévus pour eux, ou alors ils se contentent de considérer que les menus fretins qui leur ont été dérobés comptent comme une obole qu’ils auraient faite au voleur incriminé.
Or le don doit être motivé par les deux composants essentiels que sont l'amour et la considération à l'égard de celui qui reçoit. Venir en aide aux nécessiteux et aux malheureux avec tout son coeur et son respect pour le prochain, c'est agir en parfait accord avec l'esprit de la charité bouddhique. La quantité donnée importe peu, car l'essentiel réside dans l'amour et le respect à l'égard de celui ou celle qui bénéficie de notre aide. Ce sera une grande consolation pour le malchanceux qui souffre de nous voir nous pencher sur son sort avec amour, compréhension et sollicitude. Il existe différentes manières de faire la charité : soit en donnant de l'argent ou des choses utiles et nécessaires, soit en utilisant ses capacités et ses possibilités pour créer des emplois permettant aux chômeurs de trouver un gagne-pain, ou même en prêtant, sans désir d’en tirer profit, les fonds nécessaires à la création d'un petit commerce ou d’une micro-entreprise, qui sera le moyen pour le bénéficiaire de gagner de quoi nourrir sa famille, ou encore prêter main forte à ceux qui en ont besoin… Toute bonne action motivée par l'amour et l'estime, visant à secourir autrui est la concrétisation de la compassion à travers la charité.
Il est évident que la souffrance de l'homme n'est pas seulement physique, à cause de la pauvreté et du manque de quoi se nourrir, se vêtir, mais qu’elle est aussi morale, à cause des soucis, des inquiétudes, des peurs de toutes sortes, etc. Dans cecas, le don du dharma peut être d'un grand secours, car l'enseignement bouddhique peut ouvrir les yeux de celui qui le reçoit à la lumière de la sagesse, qui permet à l'homme de voir la réalité de l'existence, une existence souvent remplie des souffrances engendrées par les désirs illusoires et chimériques. La connaissance de la vérité de l’existence a le pouvoir de supprimer toute souffrance comme la lumière solaire dissipe le brouillard. Généralement, l'être humain se nourrit d'illusions et de faux espoirs, aussi sera-t-il vite désenchanté, contrarié, désespéré au premier heurt d’une réalité si différente de ce qu'il attend. L'homme qui connaît bien la vérité, lui, ne souffre plus et reste serein durant tous les instants de sa vie. Alors que l'enfant non préparé pleure et hurle de peur à l'approche d'un médecin muni d’une seringue montée d’une aiguille, l’adulte averti, malade, acceptera la piqûre sans crainte. Comme ce malade, l'individu qui est conscient de la réalité de l'existence, garde son sourire et ne se lamente pas, à l'opposé de l'être aveuglé par l'illusion, perpétuellement malheureux, mécontent et plaintif. C'est la raison pour laquelle Bouddha estime que faire la charité du dharma est bien plus indispensable que faire celle des choses matérielles, car les biens matériels ne font qu'adoucir momentanément la souffrance dans l'immédiat, alors que le don du dharma a l'avantage d'apporter à l'homme une tranquillité durable. D'où la nécessité pour les religieux de considérer le don du dharma comme l'essentiel de leur pratique en vue d'aider les êtres vivants.
Le bouddhisme respecte la vie des êtres et des choses, car tout ce qui existe aspire à la vie et redoute la mort, et donc il est insensé de vouloir détruire la vie des autres pour favoriser la sienne. Non seulement le bouddhiste ne tue pas ses semblables ni les animaux, mais il doit sauver la vie des êtres et libérer les animaux captifs, si les circonstances s’y prêtent. La compassion bouddhique est un amour immense pour les êtres de tout genre à qui l'on souhaite une longue vie saine et heureuse. Sans compassion, le bouddhisme se tarit. C’est la raison pour laquelle l’on a symbolisé la compassion par une sorte d'eau bénite, bienfaisante. Cette eau rafraîchit et fait disparaître les souffrances de toutes sortes tels que le feu de la haine qui brûle le coeur des êtres sensibles, les chagrins et soucis qui brunissent leur peau, ou la chaleur de la peur qui assèche la gorge, ce qui justifie cet adage : "La souffrance s'évanouit lorsque la compassion arrive" ou bien "Là où passe la compassion, la souffrance disparaît". Avec la compassion, l’on n’a plus le coeur de tuer ou de ligoter les êtres et animaux, mais plutôt l’on participe à la libération des êtres afin qu’ils retrouvent la liberté.
IV. LE BOUDDHISME RESPECTE LA LIBERTE
Tous les hommes aspirent ardemment à la liberté, et toute interdiction, toute contrainte venant de l'extérieur porte atteinte à la liberté. Aussi le bouddhisme n'exige de ceux qui viennent vers lui aucune obligation sinon la foi. Après avoir librement pris son engagement, le laïc bouddhiste reste libre de choisir le mode de perfectionnement à sa convenance : soit aller à la pagode pour profiter des conseils adéquats, soit rester chez lui. Il est exact qu'au cours de la cérémonie de prise de Refuge aux Trois Joyaux, le maître lui a cité cinq préceptes fondamentaux à observer qu'il est libre d'accepter ou non selon ses capacités. En réalité, ces règles ne sont que des moyens efficaces lui permettant de trouver la paix et la tranquillité de l’esprit. Cependant, le respect de la liberté n'est salutaire qu'à celui qui en a conscience et qui est doté d’une certaine volonté. Le bouddhisme n'impose aucune condition contraignante à ses adeptes, il leur laisse la liberté et la responsabilité de leur choix.
Il conçoit même que l'homme se crée des illusions et des besoins, source de souffrance ou de bien-être, de joie ou de tristesse. Par conséquent, l'homme est responsable de sa propre décision conduisant à la souffrance ou au bonheur. Nul n'a le droit d'intervenir en faveur ou en défaveur, pas même Bouddha. L’Honoré est juste un guide compétent qui nous montre le bon chemin à suivre et le mauvais à éviter. Par raison éthique, si l'on désire vivre en paix, on doit avant tout apporter la paix à son prochain. Nul autre n'est assez qualifié pour peser nos actes et nous distribuer mérite ou démérite. Préparons-nous donc à recueillir la joie si nos actions passées s'avèrent bonnes ou bien à souffrir au cas où nous avons mal agi. Puisque l'être humain est le seul maître à bord, entièrement libre de choisir la direction de sa vie et à opter pour la part de bonheur ou de malheur, il est inutile de se dérober à sa responsabilité en se remettant à une puissance invisible quelconque.
De plus, être libre c'est être capable de résister tout seul aux tentations extérieures, sans compter sur quiconque. C'est aussi vaincre les désirs d’argent, du sexe, de gloire et du pouvoir. Nombreux sont les gens qui revendiquent la liberté, tout en restant enfermés dans la prison de la gloire, de la boisson enivrante, de la concupiscence. Dans de pareils cas, comment peuvent-ils trouver la liberté ? La liberté est la vraie valeur pour les êtres humains. Pour en jouir à leur guise, il leur est nécessaire de s'armer d'énergie et de volonté tenace afin de vaincre les démons du désir charnel, de l’argent, de la célébrité, du lucre... qui sont déguisés en mille formes, dans dix mille situations, en vue de les corrompre. Il ne nous faudra pas rejeter la faute sur tous ces démons. Mais plutôt, nous devrons nous observer intérieurement jusqu’aux tréfonds de nous-mêmes. Nous découvrirons alors que les désirs viennent de nous et que c’est nous qui courons derrière nos passions. Si à l’intérieur de nous-mêmes, toutes les passions sont refroidies, les démons extérieurs ne pourront pas nous séduire. Si nous avons le courage de vaincre nos démons intérieurs, alors les monstres extérieurs capituleront. Par analogie, on peut dire que les démons intérieurs/convoitise, cupidité, etc. sont comparables aux racines d'un arbre, si l'on prend la peine de déraciner soigneusement, l'arbre meurt, faute de renouvellement des branches et des feuilles, tout comme le coeur humain est comparable à un lac. Si l'on le laisse bien se décanter, l'eau devient limpide, la boue souillée étant déposée au fond, même un vent fort ne pourrait soulever le dépôt boueux, tout juste fait des vagues à la surface du lac. Réussir à épurer les sources d'attachement aux phénomènes extérieurs, c'est devenir réellement libre, et cette véritable liberté est la cause qui conduit l'être humain à la libération totale.
La libération n'implique pas le passage dans un monde mystérieux de l’au-delà, ni une excursion en pays merveilleux, mais elle survient ici même, en ce bas monde, du seul fait que l’esprit est débarrassé de l'influence des six objets de connaissance, à savoir la vue, l'ouïe, l'odorat, le goût, le toucher et le mental. L'attachement est synonyme de perte de liberté, le non-attachement est la liberté. En fait, les six objets de connaissance, eux-mêmes, ne sont pas la cause de l'attachement, le véritable fautif étant notre coeur assoiffé. Il est insensé d'incriminer à tort la beauté ou les voix attrayantes d'avoir fait usage de leur pouvoir d’attraction pour nous ligoter, ce sont plutôt nos fâcheux penchants pour les belles choses, les mélodies harmonieuses, les plats succulents qui nous poussent à nous jeter dans leur piège. En vérité, nul n'a besoin d'aller chercher loin la libération : ici même, à condition d'avoir un esprit apte à maîtriser toutes les situations. C'est cela la véritable délivrance, la liberté parfaite.
V. BOUDDHA PRODIGUE SON ENSEIGNEMENT A CEUX QUI LE SOUHAITENT /Phật Hóa Hữu Duyên Nhơn
Le bouddhisme n'enseigne qu'à celui qui le recherche : à première vue cette attitude paraît négative. Jadis, presque toutes les pagodes étaient construites sur des montagnes reculées. Rares étaient celles installées en pleine ville. La propagation du bouddhisme elle-même se fait de façon discrète et silencieuse, non tapageuse, ce qui renforce encore plus cet aspect négatif. Mais en fait cette attitude s'accorde bien avec l'esprit bouddhique. Si nous détenons un bien précieux que nous voulons mettre à l'abri des regards inquisiteurs, nous ne pouvons pas empêcher la nouvelle de son existence de s'ébruiter tôt ou tard, car "un parfum précieux se répand au loin malgré lui, nul n'a besoin de soulever le vent/ Hữu xạ tự nhiên hương, hà tất đương phong lập", un vieil adage connu par coeur par tous les Orientaux. Conscient du caractère multiforme de la nature de l’homme, Bouddha ne veut aucunement influencer sa manière de voir et de comprendre les choses, ni son choix. Libre à chacun de choisir ce qui lui convient le mieux. C'est pourquoi le bouddhisme se garde bien de s'afficher publiquement, avec ostentation. Il préfère le calme, la réserve et la tranquillité, c'est à ceux qui le souhaitent de venir à lui. Alors c'est au tour des moines bouddhistes d'accueillir les visiteurs en quête de vérité, puis de leur prodiguer les enseignements de Bouddha, avec les explications qui leur sont appropriées afin de les amener à réaliser la Vérité. Mais il faut bien faire la part des choses: un religieux enseignant fermement convaincu de la supériorité insurpassable de sa religion, pourra, par altruisme exagéré, vouloir à tout prix convertir tout le monde à sa religion et n’hésitera pas, pour arriver à ses fins, à employer tous les moyens d’explication, tous les arguments et les prêches possibles, sans toutefois réussir à persuader des auditeurs non convaincus. S’il est affligé par cet échec, il pourra aller jusqu’à recourir à des agissements indignes et non religieux. En somme, un tel enseignant est atteint de "la maladie d’attachement à des bonnes actions/bệnh chấp thiện", une maladie fâcheuse pour l'humanité. A l’opposé de ce cas extrême, le bouddhisme se contente de propager le dharma dans ses pagodes. Ceux qui s'intéressent à l'enseignement de Bouddha viennent y assister, mais ils sont libres de s'abstenir. Peu importe la distance, quand on est motivé par la volonté de perfectionnement de soi et que l'on est conscient de la précieuse valeur d'une vraie doctrine, on fera l'effort nécessaire pour y arriver. En revanche, il est vain d'insister pour convaincre celui qui ne montre pas d'intérêt, si l’on ne veut pas risquer de subir des remontrances désagréables. Prenons un exemple concret : les plats cuisinés servis au repas peuvent convenir à un tel et non à tel autre, il vaut mieux ne pas s’attacher aux refus, étant donné la diversité des goûts, sauf à risquer des rebuffades désobligeantes. Il en est strictement de même pour les religions de ce monde : laisser à chacun la liberté de choisir sa religion selon son tempérament et son niveau de compréhension est une attitude intelligente et sage.
L'essence d'une religion est d'apporter le bonheur et le bien-être à l'humanité. Mais de nos jours, au nom de la religion, c'est plutôt le spectacle douloureux de familles profondément endeuillées qui s'offre à nos yeux. De telles erreurs graves de jugement et de conception ont conduit les êtres vivants à la souffrance. Quelle désolation! surtout lorsque l’on pense que la motivation à l'origine de toute cette souffrance est un sentiment d'altruisme, mais un altruisme passionné dépassant tout contrôle.
Quand on contemple tout cela, l'affirmation que "Bouddha ne prodigue son enseignement qu'à ceux qui y aspirent" nous paraît plus compréhensible, mieux adaptée et moins négative qu'elle ne le paraît.
RESUME
A travers ce que je viens de vous présenter, je reconnais en effet que le bouddhisme convient parfaitement à mon esprit et à mon aspiration. Au fur et à mesure que j'avance sur la voie bouddhique, je découvre toujours d'autres traits plus attrayants propres au bouddhisme qui me confortent encore davantage dans l’enthousiasme de ma pratique. Je me réjouis à l'idée que grâce à l'influence favorable de mes bons karmas antérieurs, j'ai pu adopter une religion à la fois authentique, rayonnante, compatissante, libre et tolérante. Au XXe siècle, maintes religions sont troublées par l'idée que "lorsque la science progresse, la religion recule/ Khoa học tiến thì tôn giáo thối". Pour ma part, après une analyse approfondie, je suis absolument convaincu que "le progrès de la science fait rayonner le bouddhisme/Khoa học tiến càng làm sáng tỏ đạo Phật". Quel privilège pour moi d'avoir pu choisir une religion qui ne soit pas invalidée par la science, mais plutôt qui puisse apporter, avec celle-ci, un bonheur véritable et durable à l’humanité.