POURQUOI AI-JE CHOISI DE VALORISER LE BOUDDHISME SOUS LA DYNASTIE DES TRẦN ? Thiền Thất Thường Lạc
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- Được đăng ngày Thứ bảy, 30 Tháng sáu 2012 08:32
- Viết bởi chanhdao
POURQUOI AI-JE CHOISI DE VALORISER LE BOUDDHISME SOUS LA DYNASTIE DES TRẦN ?
Texte vietnamien du Maître thiền, Vénérable THÍCH THANH TỪ
Extrait du livre « Les Trois Questions Essentielles Dans Ma Vie De Moine »
Traduit par Diệu Anh
Revu par le Groupe Saddharma [Source]
Pendant presque dix huit siècles, du IIème au XXème siècle, l'histoire du bouddhisme vietnamien a connu des périodes fastes et des périodes de déclin. Comme nous faisons partie d'une génération descendante, nous éprouvons la nécessité de faire redécouvrir à notre époque contemporaine la meilleure période du bouddhisme vietnamien afin de le revaloriser aux yeux des moines et moniales ainsi qu’aux bouddhistes laïcs vietnamiens pour qu’ils puissent suivre la voie. Il s'agit là d'une lourde responsabilité. Ayant bien assimilé la sagesse de la pratique bouddhique au vu de la bonne utilisation des deux unités de principe et de circonstance propice, nos moines bouddhistes auront le privilège d’aborder le courant de la voie bouddhique actuelle, de repérer dans l’histoire du bouddhisme vietnamien l’épisode approprié qui peut s’adapter au rythme de la conjoncture actuelle du pays.
Nous nous efforçons de porter sur nos propres épaules cette importante tâche. C'est ainsi qu'après plusieurs années de réflexion, j'ai pris la décision de choisir le bouddhisme sous la dynastie des Trần comme une passerelle dans la reconstruction du bouddhisme du Vietnam actuel. Une telle décision s’appuie sur de nombreuses raisons.
I. REVALORISER LE BOUDDHISME VIETNAMIEN
1.1 Période De Déclin
Entre le milieu du XIXème siècle et celui du XXème siècle, au Vietnam, le bouddhisme a connu l'épisode le plus sombre de son histoire, car durant presque un siècle, notre pays était sous la domination française, interdisant tout regroupement collectif, toute religion à caractère national. Comme le bouddhisme était intimement lié au peuple vietnamien, les dominateurs déployaient tous les moyens de restriction possibles afin de déprécier la fidélité du peuple et de le soumettre. C'est ainsi que durant cette période, les éminents sages se retiraient peu à peu sans pouvoir former de futurs successeurs. Dans les pagodes, il n'y avait plus de talentueuses personnalités vertueuses pour enseigner, mais d’autres individus qui, de plus en plus nombreux, "s'abritent derrière Bouddha/Ẩn dương nương Phật", ou qui se réfugient sous "le couvert de la miséricorde/Núp bóng từ bi" comme moyen de survivre. Ecoutez ce chant populaire pour en prendre conscience:
Quelle tranquillité d'être gardien de pagode,
A psalmodier des Sūtra, invoquer Bouddha et avoir plus de vivres qu’il ne faut pour sa subsistance.
Que Bouddha ne joue pas le mauvais tour de s'en aller,
Car pagode sans Bouddha, le gardien devra aussi la déserter.
En se réfugiant dans la pagode mais sans aucune motivation de pratiquer le Dharma, ces individus sans scrupule, n'hésitent pas à commettre les pires actions. C'est en cela qu'ils causent des préjudices incalculables suscitant de nombreuses réactions ironiques et satiriques:
Pour la vie de moine, Bouddha recommande le régime végétarien,
Alors l’on peut manger de la viande de chiot et non du chien…
C'est ainsi que les pagodes se transforment en refuge familial d’individus pour qui, les seuls moyens d'existence se résument à "se mettre à l'abri, sous le couvert de la miséricorde/Núp bóng từ bi". Alors, pour exprimer les mécontentements, les profanes profèrent des railleries telles que:
L’épouse du moine s’occupe de ses affaires,
Sa tunique noire, son chapelet, sa belle maisonnette
Pour qu'il puisse mener une vie heureuse…
Durant cette période de déclin du bouddhisme vietnamien, la majorité des gens entraient en religion soit après des échecs personnels ou par dépit amoureux ou encore pour cause de maladie, de vieillesse... De tels états d'esprit influençaient fortement la vie littéraire de l'époque. Paraissaient alors en abondance des romans et des pièces de théâtre ayant pour thème la vie affligeante des religieux et religieuses de cette catégorie. Même à l'heure actuelle en 1977, certaines personnes persistent à croire que c'est le désappointement, la déception amoureuse.... qui ont motivé les jeunes gens à se faire moines ou moniales. Il n’y a ni égard ni déférence envers les moines bouddhistes. Avec un tel état d’esprit, comment pourrait-on avoir encore de la considération pour les enseignements de Bouddha ? Voilà la douloureuse question qui m'a incité à œuvrer pour la restitution du bouddhisme vécu sous la dynastie des Trần.
1.2 Le Roi Devenu Moine
En Inde un prince quittait sa famille pour la quête de la voie de la libération afin d'adoucir les souffrances des êtres vivants. De même au Vietnam un roi délaissait son trône et se retirait dans les hautes montagnes pour se consacrer à la pratique spirituelle afin de pouvoir apporter de l’aide à son prochain. Si un prince indien sacrifiait richesse et gloire, y compris le futur trône d'empereur, à la recherche de la Voie qui permettrait de délivrer les êtres vivants de toute souffrance, cette Voie devrait être sublime et transcendante.
Longtemps après, au Vietnam, le roi Trần Nhân Tông, ayant bien saisi l’essence du bouddhisme, abandonna son trône au sommet de sa gloire au profit de son fils, et se fit ordonner moine. Si le bouddhisme n'est pas sublime et extraordinaire, comment a-t-il pu amener un roi à "déconsidérer le trône doré comme une vieille sandale déchirée", à troquer le manteau royal contre l'habit de moine, et enfin à se retirer pour sa vie de moine dans la montagne ?
En Inde comme au Vietnam, le bouddhisme possède une force exceptionnelle au point de convaincre un prince et un roi de sacrifier leur vie sociale radieuse pour une vie austère vouée à la pratique de perfectionnement de soi. Au Vietnam, sous la dynastie des Trần, l'ascension du bouddhisme est prodigieuse. Deux événements marquants de cette période en témoignent : le roi lui-même et le lauréat des concours impériaux/Trạng Nguyên se retirèrent pour l’ordination bouddhique. Leur consécration a permis aux religieux de ce temps de retrouver leur dignité d'antan, tout en redorant l'emblème bouddhique. En évoquant la qualité exceptionnelle du bouddhisme à l'époque des Trần, nous n’aspirons qu’à revaloriser le bouddhisme vietnamien actuel.
1.3 Le Premier Patriarche Vietnamien Du Bouddhisme Thiền Tông
Au Vietnam, du VIIème siècle au XVIIIème siècle, la propagation du bouddhisme était assurée par les différentes lignées de Méditation/Thiền Tông. La plupart des Voies descendantes de Méditation répandues au Vietnam sont venues de Chine, telles que la lignée « Tỳ Ni Đa Lưu Chi », la lignée « Vô Ngôn Thông » et la lignée « Thảo Đường ». La plupart des maîtres fondateurs de chacune d'elles sont d'origine chinoise, ou indienne, à l'exception de la lignée « Trúc Lâm/ Forêt de bambou du mont Yên Tử » dont le fondateur Trúc Lâm Đại Đầu Đà est bien légitimement un vietnamien. Etant donné qu'un maître vietnamien est plus communicatif et mieux approprié pour prodiguer un enseignement plus adapté à ses compatriotes, il aurait répondu plus justement aux souhaits, aspirations, habitudes et besoins spirituels des bouddhistes vietnamiens.
II. L'EVEIL N'EST PAS LE PRIVILEGE SPECIFIQUE DES RELIGIEUX, LES LAÏCS PEUVENT EGALEMENT Y ACCEDER PAR LA PRATIQUE
2.1 Le Roi Trần Thái Tông (1218-1277)
Voici le premier roi de la dynastie des Trần, un roi naturellement attaché au bouddhisme. Ayant vécu des situations difficiles et douloureuses, il décida de se réfugier au mont Yên Tử en 1236 avec l'espoir de suivre l’enseignement du maître Viên Chứng qui résidait à la pagode Hoa Yên. En réponse à la sollicitation du roi, ce maître disait: "Je ne suis qu'un vieux moine vivant depuis longtemps dans ce lieu sauvage. Mes os sont devenus rigides, mon visage émacié. Je me contente de légumes et de quelques marrons pour me nourrir, de l'eau de montagne pour me désaltérer et de la forêt comme lieu de méditation. Mon esprit est aussi léger qu’un nuage ballotté par le vent. Votre majesté! qu'espérez-vous trouver en quittant votre position de maître suprême pour venir dans cet endroit montagneux et sauvage ? "
Le roi lui répondit: "Mes parents m'ont abandonné dès ma tendre enfance. Très tôt, je suis devenu un orphelin esseulé, sans appui. De plus, préoccupé par l'idée de la non-permanence des institutions royales antérieures avec leurs décadences et ascensions toujours fluctuantes, je suis venu ici, dans cette montagne reculée avec l’unique intention d'acquérir la bouddhéité et je n'espère rien d'autre. "
Viên Chứng répondit : "Bouddha ne réside pas dans la montagne, il est plutôt présent dans notre esprit. Dès que celui-ci demeure silencieux et omniscient, cette connaissance est la bouddhéité. Maintenant, si votre majesté réalise cet état d’esprit, vous deviendrez immédiatement Bouddha, sans nul besoin de chercher à l’acquérir ailleurs."
Peu après, le premier ministre Trần Thủ Độ accompagné d'un régiment royal partit à la recherche du roi. Il le retrouva au mont Yên Tử et le persuada le revenir au palais. Sur les insistances de son premier ministre, le roi demanda l'avis du maître Viên Chứng qui conseilla: "Un roi se doit de considérer le désir de son peuple comme sien. A présent, si le peuple souhaite votre retour auprès de lui, vous ne pourrez pas agir autrement. Cependant, que cela ne vous disperse pas de renforcer votre quête bouddhique en approfondissant l’étude des Sūtra."
Le roi se trouva donc contraint de revenir auprès de son peuple et de continuer à régner. Durant plus de dix années, dès qu’il disposa des moments libres, il invita d’éminentes personnalités bouddhistes à se rendre au palais pour s’enquérir de leur connaissance religieuse, en particulier sur l’essence de la méditation. Le roi racontait: « Je lis souvent le sutra du Diamant, arrivé à la phrase "Délivré de toute attache, la bouddhéité apparaît/ Ưng vô sở trụ nhi sanh kỳ tâm", je dépose le livre canonique, et en la murmurant, subitement l’éveil me saisit.» Aussitôt j’ai transcrit cette illumination en cantique nommé "Guide de la Méditation".
Même en pleine fonction de souverain, le roi continuait à approfondir l’enseignement bouddhique et à pratiquer la méditation jusqu'à l'Eveil. C'est une preuve suffisante pour affirmer que c'est le manque de détermination et non les circonstances multiples et préoccupantes qui rendent la pratique difficile à réaliser. Qui peut prétendre avoir des préoccupations et des responsabilités plus complexes qu’un roi, surtout un roi intensément préoccupé de l’avenir de son pays ! Etant fermement déterminé à se perfectionner, ce roi Trần est parvenu à atteindre l'Eveil. Voilà un brillant modèle exemplaire à suivre sur notre chemin du perfectionnement.
En 1257, lorsque les Mongols/Nguyên Mông envahirent notre pays, le roi Thái Tông commandait lui-même les troupes sur plusieurs fronts. Il était présent à tous les endroits périlleux, ce qui maintint considérablement le moral des soldats et les incita à combattre vaillamment. Au début de l'année 1258, leurs troupes avaient finalement combattu avec succès contre les envahisseurs et chassé les Mongols qui s'enfuirent à Vân Nam. Ce roi est un véritable maître Thiền, très imprégné du bouddhisme. Il a maintes fois écrit des cantilènes ayant pour but d'éviter d'ôter la vie des autres:
Les morts bien enveloppés dans des sacs de couverture,
Redoutaient tous la mort et aimaient la vie.
C’est pourquoi les Saints et les Sages depuis longtemps
ne souhaitaient pas voir mourir ceux qui préfèrent vivre.
Pourtant, lors de l’envahissement des Mongols, il avait dû commander ses troupes pour combattre les ennemis, il avait sûrement une raison à cela.
Après avoir cédé le trône à son fils, il se retira dans la région montagneuse Vĩ Lâm, ancienne capitale Hoa Lư, y construisit la cabane Thái Vi où il se réfugiait pour sa pratique spirituelle tout en prodiguant des conseils utiles aux habitants. Il les incitait à observer les Cinq Préceptes, dont le troisième a été commenté comme suit:
Joues discrètement parfumées, visage satiné comme une pêche épanouie.
A les voir, les yeux s’y sont rivés et l'esprit est légèrement ébranlé.
Pourtant cela n'est qu'une enveloppe charnelle malodorante,
Capable de découper les entrailles humaines sans nul besoin de couteau.
Les quatre états de naissance, vieillesse, maladie et mort, ont été souvent rappelés dans son enseignement. Dans les Sūtra, ces quatre états sont dénommés "les Quatre Monts" dont le deuxième a été décrit comme suit :
La vie humaine est tellement éphémère,
Qu'il s'agisse d'un être humain ou divin, aucun espoir de prévoir s'il mourra jeune ou vieux.
A la tombée du jour, l'ombre se couche sur les champs de mûriers
Le corps est fragile comme le jonc ou le saule en automne.
A cette époque, les cheveux de Phan Lang étaient encore noirs
Aujourd'hui les cheveux de Lã Vọng sont déjà blancs.
La vie continue à tourbillonner sans regret
Comme le soleil se couchant derrière la montagne ou l’eau qui suit son cours.
Quelques Observations Sur Le Roi Trần Thái Tông
Si l’on compare le roi Trần Thái Tông à l’empereur de Chine Lương Võ Đế, on peut mettre en valeur les caractéristiques suivantes:
Le roi Lương Võ Đế (464-549) était un fervent bouddhiste, un assidu prêcheur des sutras tel que Phóng Quang Bát Nhã/Emission de lumière de la Sagesse, un commentateur talentueux des Sūtra … Toutefois en l'an 520, le patriarche Bodhidharma/Tổ Bồ Đề Đạt Ma est venu en Chine. Il a rencontré le roi, lui a parlé de la Méditation, sans l'avoir convaincu. Bodhidharma continua alors son chemin vers le nord où il résida à la pagode Thiếu Lâm. A la fin du règne de Lương Võ Đế, Hầu Cảnh complotait pour le détrôner. Avec ses régiments, il assiégea la capitale Kiến Khang. Malgré les propositions de contre-offensive de ses ministres, le roi s'y refusa et même donna l'ordre de fermer les portes de la ville, puis se contenta de prier en vue d'éloigner l'ennemi. Il n'avait pas obtenu le résultat souhaité et finit par perdre son pays, y compris sa propre vie.
Contrairement à Lương Võ Đế, le roi Trần Thái Tông, bien qu’ayant déjà réalisé la conscience thiền, n’avait pas hésité à conduire ses troupes pour lutter contre les envahisseurs mongols, et avait réussi à chasser l'ennemi hors de son pays qui retrouva enfin la paix. Le réflexe approprié du roi Trần Thái Tông lui a apporté succès et possibilité de continuer paisiblement sa pratique de la méditation.
Voilà une démonstration probante mettant en relief la différence des résultats obtenus par ces deux rois épris de bouddhisme selon leur prise de position face à des situations similaires.
Quand la citadelle fut assiégée par l'ennemi, au lieu de haranguer ses troupes pour la défendre, le roi Lương Võ Đế les incita à la prière avec l’intention de chasser l'ennemi. Ainsi, il s’est servi de la religion pour gérer un conflit politique, ce qui a causé sa perte. Quant au roi Trần Thái Tông, il a su faire la part des choses. Il n'imposa pas les doctrines de la religion, ce qui lui permit de sauver son pays du danger. La pratique bouddhique consistant à perfectionner les vertus et à développer la sagesse relève du domaine de la religion et d’un choix personnel. Quand le pays fut envahi par les ennemis extérieurs, tout le peuple se mobilisa pour lutter. Le chef souverain fit appel au patriotisme de son peuple et commanda l’état-major pour défendre son pays. Ceci relève du domaine de la politique. Il s’avère fondamental de savoir faire la distinction entre le domaine religieux et le domaine politique. Le bouddhiste ayant pris refuge auprès des Trois Joyaux se doit d’observer les Cinq Préceptes. Il se rend fautif s'il commet un acte de tuerie car cela concerne son propre perfectionnement et relève du domaine religieux. Mais lorsque le pays est envahi, la responsabilité de chaque citoyen est de se mobiliser pour le défendre. Ainsi il aura assuré son devoir de citoyen, même si durant les batailles, il arrive que les soldats bouddhistes sont obligés de tuer leurs ennemis. Cet acte ne devrait pas être assimilé à la simple transgression du premier précepte, celui qui consiste à ne pas tuer.
Quoique le roi Trần Thái Tông ait poursuivi inlassablement sa pratique spirituelle, il a réussi durant toute sa vie à assumer sa fonction, celle de protéger et de construire son pays. En temps de guerre, il a su se sacrifier pour sauver son pays et son peuple, mais en temps de paix il n'a pas hésité à prodiguer de bons conseils à ses sujets, malgré son grand âge. Il leur enseignait la meilleure façon de défricher la terre, de créer des exploitations agricoles, tout en leur montrant la bonne pratique bouddhique afin de réaliser leur propre perfectionnement. Le bon roi Trần Thái Tông se souciait aussi bien du bien-être matériel de ses administrés ainsi que de leur confort moral et spirituel. Conscient que l'équilibre physico-psychique est la base même d'une existence réellement heureuse, le roi appliquait les principes bouddhiques à la vie courante de façon très positive.
Voilà un roi bouddhiste authentique, très imprégné de l'enseignement de Bouddha, qui possédait une connaissance profonde et vaste du Dharma, mais qui se contentait seulement de quelques principes bouddhiques de base afin d’enseigner à ses sujets les bonnes conduites dans la vie courante. Par exemple, il encourageait l'observance des Cinq Préceptes permettant d’assurer l'ordre et la sécurité dans la société. Avec des rappels incessants sur la loi de la causalité, il incitait à la pratique des bonnes actions, à l'ouverture du cœur de compassion envers les indigents, à la solidarité et à la tolérance envers autrui. En revanche, lorsqu’il s'agit de régner en tant que monarque, le roi eut recours au confucianisme pour étatiser le pays, en proférant des lois permettant la prévention ou la lutte contre les infractions. En 1238, le roi a organisé pour la première fois un concours spécial pour sélectionner les lettrés de haut niveau/Thái học sinh, cela fut réitéré une fois tous les sept ans. En 1253, il établit le concours "Les trois lauréats du grand concours impérial/Tam Khôi" : Le premier lauréat/ Trạng Nguyên, Le deuxième lauréat/ Bảng Nhãn et Le troisième/ Thám Hoa… Ayant su ainsi appliquer à bon escient les principes religieux dans les affaires de l’Etat, le roi a réussi à faire du Vietnam de son temps, un pays paisible et prospère pour longtemps.
2.2 Tuệ Trung Thượng Sĩ, Un Haut Fonctionnaire (1230-1297)
Le commandant de l'armée Trần Tung, fils de Trần Liễu, a commandé à deux reprises les troupes pour combattre les Mongols. A la fin de la guerre lorsque le pays a retrouvé la paix, il se retira au fief Tịnh Bang/Domaine paisible devenu village "Vạn Niên/10.000 ans" où il s'adonnait à la pratique de la méditation sous la direction du maître Tiêu Dao à la pagode Phước Đường. En témoignage de son respect pour lui, le roi Thánh Tông lui a décerné le titre de "Tuệ Trung Thượng Sĩ", tout en lui confiant l'éducation religieuse, en particulier la pratique de la méditation, de son fils le prince Trần Khâm. Cet homme exceptionnel méritait bien les éloges du futur roi Trân Nhân Tông. Dans un extrait du « Recueil sur les paroles célèbres de Tuệ Trung Thượng Sĩ », il écrivit : "Quel esprit et quelle tenue de Thượng Sĩ dégageant une apparence solennelle, aux gestes dénotant une droiture et une prestance surtout lorsqu’il se concentre à merveille sur la méditation sous une brise rafraîchissante au clair de lune ! Les éminents sages de l’époque disaient tous de Tuệ Trung que c'était très difficile d'estimer sa valeur, vu la profondeur de ses connaissances et la clarté de sa sagesse dans des circonstances que ce soit dans des situations favorables ou difficiles!". Des laïcs venaient solliciter son enseignement sur les principes de la méditation. Les moines également lui rendaient visite et s'enquéraient de ses précieux conseils. Cet éminent personnage enclin au bonheur de la solitude était un fort partisan de l'indépendance. Aussi l'exprimait-il clairement dans l’œuvre intitulée « Joies de vivre en harmonie avec la nature »:
Les lacs et mers ne m’ont jamais troublé l’esprit clair,
Les jours et les mois passent vite comme la flèche ou la navette.
Mes moyens d'existence se résument à la brise fraîche et au clair de lune,
La montagne verte et la mer bleue comblent mon existence.
Dès l'aube je déploie les voiles vers les océans lointains,
Le soir venu, je lève ma flûte narguant vent et nuage,
Pour remercier les Trois Joyaux qui n’ont fourni aucune nouvelle
A part la barque abandonnée sur cette plage de sable.
La vie de ce grand homme fut simple et modeste, sans gloire ni lucre, son cœur parfaitement équanime à tout moment. Le quatrain suivant "Liberté et Equanimité/Tự Tại" le montre bien:
Les liserons et les souris envahissent le terrain en l'absence de l'homme.
A l'âge avancé, je me retire parmi les monts et les forêts.
Dans ma chaumière aux portes de bois, ma vie s'écoule paisiblement.
Devant toute dualité fausse ou vraie, mon esprit demeure équanime.
Lorsque la nation fut menacée, le grand homme partit au front pour défendre son pays et sauver son peuple. En temps de paix, il se contentait de vivre en harmonie avec les principes de la méditation, de s'adonner en toute liberté aux charmes tranquilles des lacs et océans, aux délices de la liberté des contrées sauvages, mais toujours prêt à venir en aide à autrui en cas de nécessité. La belle vie de Thượng Sĩ est à l'image d'un tableau dessiné à l'encre de chine.
2.3 Le Roi Trần Thánh Tông ( 1240-1290 )
Fils du roi Trần Thái Tông, il accéda au trône en 1258, sous le règne Thiệu Long. Il suivit l'enseignement de la méditation du moine national Đại Đăng. C'est au cours de la lecture du Recueil des enseignements du maître Đại Huệ que le roi fut pris d'un accès d'émotion qu'il exprima dans cette stance:
Depuis trente ans, j’ai brisé les tuiles et perforé les carapaces de tortues.
Que de fois, j'ai transpiré au cours de séances de méditation.
Jusqu'au jour où j’ai découvert mon vrai visage
Et me suis aperçu que depuis toujours, il manquait la moitié de mon nez.
Parlant de la Méditation, le roi Trần Thánh Tông disait : " Les manifestations de l’esprit sont claires et silencieuses, sans allée ni venue, sans augmentation ni diminution, flottant sur tout phénomène grand ou petit, qu’il soit favorable ou défavorable, mouvant comme le nuage ou tranquille comme le mur, léger comme une plume ou pesant comme un rocher. L’esprit s’expose dans son intégralité sans objet ni trace à tel point qu’il nous est difficile de le sonder ; mais pour vous j’ai tâché de le décrire aussi clairement que possible " [Extrait de Thánh Đăng Lục.]
A travers ses écrits, nous voyons que le roi Thánh Tông a déjà profondément pénétré l’essence de la méditation lorsqu’il était encore sur son trône, en pleine fonction, au milieu de la Cour, sans avoir besoin de se réfugier dans la forêt ou dans la montagne pour se perfectionner, ce qui ne l'a pas empêché d'atteindre l'Eveil. C'est justement ce que le maître Viên Chứng a dit : "Bouddha est en notre esprit". A celui qui a su s’observer jusqu’aux tréfonds de son esprit atteindra un jour l'Eveil. Il est évident que se perfectionner par la pratique de la méditation ne constitue aucunement un obstacle aux préoccupations de ce monde. Tous les êtres peuvent bénéficier de cette possibilité de perfectionnement. Voilà la preuve tangible démontrant que, sous la dynastie des Trần, la pratique de la méditation a bien abouti à des résultats très positifs.
III. BUT DE LA LIGNEE DE MEDITATION TRÚC LÂM YÊN TỬ
3.1 Le Premier Patriarche Trúc Lâm (1258-1308)
Il est le fils de roi Trần Thánh Tông et de la reine mère Nguyên Thánh, nommée Trần Khâm. Devenu adulte il apprit la pratique de la méditation sous la direction du maître Tuệ Trung à qui son père l'a confié pour son éducation religieuse. Un jour, pour répondre à sa question sur "l'obligation essentielle de la méditation", Tuệ Trung disait : "S'éclairer soi-même est le devoir primordial, ne pas attendre d’aide extérieure/Phản quan tự kỷ bổn phận sự, bất tùng tha đắc". Ces paroles lui ont ouvert l'accès à la voie, aussi a-t-il reconnu Tuệ Trung comme son maître.
A l'âge de 21 ans (1279), il est devenu empereur sous le titre Trần Nhân Tông. A deux reprises en 1285 et en 1288, il a dû diriger ses troupes pour lutter contre les envahisseurs mongols et ramener la paix au pays. En l'an 1293, il céda le trône à son fils Trần Anh Tông et devint le Guide suprême du roi régnant/ Thái Thượng Hoàng. En 1299, il se fit ordonner moine à Yên Tử. Il portait le nom de " Le grand ascète de la forêt de bambous/ Trúc Lâm Đại Đầu Đà" et devint par la suite le premier Patriarche de cette lignée de Méditation Yên Tử. Tenant compte de l'origine de sa prise de conscience, l’Ecole de méditation Yên Tử a choisi comme guide la devise suivante : "Il est primordial de s'éclairer soi-même et de ne pas compter sur l'aide extérieure."
3.2 La Devise " Le Devoir De S'éclairer Soi-Même Sans Compter Sur Autrui" Vue A Travers La Vie De Bouddha, Son Dharma Ainsi Que Les Méthodes De Méditation Qui S’ensuivent.
3.2.1 Bouddha a établi la totalité de sa pratique spirituelle sur l’observance de la vision profonde
En l’occurrence pendant quarante neuf jours et nuits assis au pied de l'arbre Bodhi, Bouddha pratiqua la vision pénétrante et en atteignant l'Eveil, Il devint Bouddha. Le Bienheureux, fondateur du bouddhisme, a acquis l'Eveil grâce à la pratique de la vision pénétrante ; d’où le leitmotiv de "s’éclairer soi-même est un devoir primordial", et dans son accomplissement, Il ne comptait que sur lui-même, sans aucune aide extérieure ; d’où l’expression "sans compter sur autrui."
3.2.2 L'enseignement de Bouddha
Les quatre Tomes d’Āgama sūtra/Kinh A Hàm, les six cents volumes de Sūtra du Prajñā/Kinh Bát Nhã, le Sūtra du Lotus/Kinh Pháp Hoa… ne sortent pas du cadre de cette devise "S'éclairer soi-même…". Le Sūtra Āgama est basé sur la doctrine des "Quatre Nobles Vérités/Tứ Diệu Đế", et aucune des "Trente sept Rubriques auxiliaires de l’Eveil/ Ba mươi bảy Phẩm trợ đạo" n’a jamais omis de recourir à la pratique de la vision profonde. De tous les Sūtra de Prajñā, le Sūtra du Cœur est le condensé ultime dans lequel la sentence telle que "la pratique de la vision profonde des cinq agrégats permet de reconnaître leur vacuité propre" constitue la base du travail de perfectionnement. Le but exprimé dans le Sūtra du Lotus est de reconnaître la nature de Bouddha en soi. L'aventure du Misérable qui a retrouvé son richissime de père est bien l’allégorie de "l'éclairement de soi".
3.2.3 Toutes les méthodes de la Méditation Bouddhique sont basées sur la Vision profonde:
a) L'Ecole Theravāda
A l'heure actuelle, en matière de Méditation, l'Ecole Theravāda enseigne soit la Méditation sur les Quatre Etablissements de l’Attention/Thiền Tứ Niệm Xứ/Catvari-sṃṛṭiupasṭhānani, soit la Méditation de Vipassanā/Thiền Minh Sát Tuệ.
La Méditation sur les Quatre Etablissements de l’Attention comporte:
▪ L’Attention au Corps reposant sur la concentration de l'état d'impureté corporelle.
▪ L’Attention aux Sensations ayant pour trame la souffrance.
▪ L’Attention à l’Esprit basée sur son caractère impermanent.
▪ L’Attention aux Dharma/Phénomènes fondée sur leur Non-soi.
En somme la Méditation sur les Quatre Etablissements de l’Attention constitue un entraînement de l’éclairement de soi.
Quant à la Méditation de Vipassanā, elle tire profit d'abord de la parfaite conscience de la respiration, c'est-à-dire de la durée respiratoire et du rythme des inspirations et expirations… Ainsi concentré sur le mouvement respiratoire, le mental parviendra à se pacifier. Dans la foulée, le pratiquant développe sa vision profonde sur son entité physico-psychique, identifiant ainsi la non-permanence, la souffrance, la vacuité, et le non-soi comme faisant partie de la nature exacte des êtres et des phénomènes. Suivre la respiration et méditer sur la non-permanence du corps et de l'esprit… ne sont que des moyens habiles de "l’introspection permettant de s'éclairer soi-même. "
b) L'Ecole Mahayaniste est basée sur la vision profonde selon l’enseignement dans le Sūtra de Prajñā:
▪ Soit "la pratique de la vision profonde des cinq agrégats permettant de reconnaître leur vacuité propre" enseignée dans le Sūtra du Cœur.
▪ Soit "la visualisation pénétrante de tous les êtres et phénomènes qui ne sont que songes, chimères, écume, ombre, rosée et éclair…, donc illusoires et éphémères" dans le Vajracchedikā Prajῆāpāramitā sūtra/ Sūtra du Diamant/ Kinh Kim Cang Bát Nhã.
Ces deux modes de concentration de méditation ne sont autres que "l’éclairement de soi". Il en est de même pour les "Trois Méditations/Tam quán" qui ont été mises au point par le maître Huệ Văn, suite à la réalisation de sa conscience zen lors de l’étude du Madhyāmika Śāstra/Trung Quán Luận. Puis le Maître enseigna la méthode des Trois Méditations à son disciple Huệ Tư (515-577) qui fonda par la suite "l'Ecole Mahayaniste des Trois Méditations". Cette méthode s'appuie sur la fameuse stance suivante du Madhyāmika Śāstra: "Tous les phénomènes s’interpénètrent dans un réseau de multiples interdépendances. Or tout ceci découle de la vacuité. Comme ils sont aussi l’expression d’une identité apparente, il en résulte une vision de la Voie du Milieu". D’où la Méthode d’une Triple Méditation : la concentration sur la vacuité/Không quán, la concentration sur l’illusion/Giả quán et la concentration sur la Voie du Milieu/Trung đạo quán. La pratique de cette triple méditation revient également à "l’éclairement de soi".
c) Le Bouddhisme Thiền Tông repose effectivement sur le "principe de s’éclairer soi-même". Le premier patriarche Bodhidharma a prôné cette devise: "Aller directement à l’esprit de l'homme afin de découvrir la vraie nature de Bouddha en soi/ Trực chỉ nhơn tâm kiến tánh thành Phật". En effet, sans cette vision profonde, comment peut-on voir clair en soi? Et sans avoir découvert sa vraie nature, on n’aura pas la possibilité de reconnaître la bouddhéité, car effectivement Bouddha n'est pas en dehors de soi, mais dans l’esprit de chacun de nous, selon le bouddhisme Thiền Tông.
3.2.4 Pourquoi doit-on s'observer pour mieux s’éclairer soi-même ?
Le pratiquant bouddhiste se doit de connaître son corps et son esprit tels qu’ils sont. Les êtres se méprennent d’eux-mêmes car toutes leurs activités ne servent qu’à assouvir le moi alors qu’ils ignorent complètement qui ils sont. A cause de l’attachement mental provenant de l’ignorance, ils ont commis des erreurs qui engendrent des souffrances à eux-mêmes et à autrui. S’ils se donnent la peine d'éclairer leur for intérieur afin de voir les choses telles qu’elles sont, alors toutes les idées préconçues seront anéanties. Ce serait une source de paix et de bonheur pour soi et pour les autres.
La vision profonde s’opère en deux temps:
a) Reconnaître parfaitement l’impermanence du corps et du mental
Ecoutez la stance intitulée "l’auto-recommandation à soi" de Tuệ Trung Thượng Sĩ:
Les jours et les mois passent comme l'eau qui s’écoule, la fortune et la célébrité sont semblables aux nuages qui flottent.
Le souffle du feu d’incinération éteint, tout être vieux ou enfant redevient poussière.
L'esprit ainsi que son fluide mental quittent le corps comme dans un rêve.
Dans sa vie courante, l'homme se laisse manipuler comme une marionnette.
Toute la journée, il badine en cherchant à saisir les ombres…
Dans les rêves nocturnes, beaucoup d'actions se trament ; mais une fois réveillé, tout est vide.
Dans un songe, le grossier et le subtil se façonnent.
Au réveil, il n’en subsiste plus rien…
Quant au patriarche Trúc Lâm, il décrivait ses sentiments dans la stance intitulée « Joies ressenties dans une cabane en montagne »:
Des pensées bienveillantes ou malveillantes me quittent comme les fleurs tombées,
Gloire et lucre refroidissent mon cœur sous la pluie nocturne.
La pluie a cessé, la fleur est mise à nu, la montagne est silencieuse,
L'oiseau a chanté une fois et c'est déjà la fin du printemps.
Le corps composé de ses quatre agrégats ainsi que l’esprit de lucre et la gloire, le vrai et le faux sont tous impermanents et illusoires. En prenant conscience de cela, le pratiquant parachève la réalisation de l’éveil. En revanche, l'être profane ne cesse de considérer sa forme physique et son esprit discriminant comme de vraies réalités, d’où la source intarissable de souffrances. Aussi sur le chemin du perfectionnement, il est essentiel de savoir "s'éclairer soi-même" pour avoir une vision juste de toutes choses.
b) Reconnaître la vérité immuable à travers un corps impermanent
Dans la composition sur "Les louanges de l’esprit du Bouddha/Phật tâm ca" de Tuệ Trung, il y a un passage disant ceci :
Pour saisir l’esprit, ne le cherchons pas à l'extérieur,
Sa nature profonde est telle quelle, vide et silencieuse.
Le Nirvāṇa, la naissance et la mort sont reliés artificiellement,
Les souffrances et le Bodhi sont de vains adversaires.
L’esprit est Bouddha et Bouddha est l’esprit,
De tout temps resplendit cette merveilleuse instruction.
A l'arrivée du printemps, les fleurs s'épanouissent naturellement,
Au retour de l'automne, l'eau devient profonde…
Calme, calme, calme, laissons-nous aller jusqu’aux tréfonds de nous-mêmes,
La source originelle de tous les dharmas se retrouve dans l’esprit de Bouddha.
Or l’esprit de Bouddha s’identifie au nôtre,
Ainsi soit-il de tout temps.
Méditer pendant la marche mais aussi en position assise,
Une fleur de lotus illuminera le fourneau…
Le patriarche Trúc Lâm disait aussi:
Ainsi donc Bouddha est en nous, inutile de le chercher ailleurs.
Oubliant notre nature originelle, nous cherchons le Bouddha extérieur,
Finalement je me suis rendu compte que Bouddha n'est autre que "moi".....
[Extrait de la cinquième strophe de la poésie lyrique intitulée "La joie de la pratique spirituelle dans la vie courante"].
A travers les deux stances précitées, nous avons vu que l'éminent Tuệ Trung et le patriarche Trúc Lâm désignent tous les deux notre propre esprit comme la bouddhéité. Evidemment, il s’agit de l’esprit calme et omniprésent et non pas l’esprit discriminant muable et destructible. Ainsi au fond de chacun de nous, constitué par une entité physico-psychique tout à fait impermanente, il existe un esprit toujours serein et omniprésent à l'image d'une fleur de lotus d’une fraîcheur ardente dans un fourneau embrasé. Seulement la plupart du temps, nous oublions notre bouddhéité et nous recherchons le Bouddha à l'extérieur, alors qu'il nous suffit de retourner à la lumière en nous-mêmes. Nous prenons alors conscience que notre propre esprit est la bouddhéité.
IV. LA TOLÉRANCE ANIMANT LA CONDUITE DE LA LIGNÉE DE MEDITATION DES TRẦN
4.1 La Tolérance Inter-Religieuse Au Sein Du Bouddhisme
Sous la dynastie des Trần, la Méditation constitue la principale discipline enseignée, mais parallèlement la voie de la "Terre Pure/Tịnh Độ" se développe aussi librement. La voie de la "Terre Pure " présente deux aspects : Principe/Lý et Pratique/Sự.
La Pratique de la Terre Pure/Sự Tịnh Độ implique la croyance ferme/Tín à l'existence du Monde de Félicité se trouvant à l'ouest de l'univers et régenté par le Bouddha Amitābha. En invoquant avec ferveur/Hạnh le nom du Bouddha afin de le solliciter/Nguyện notre re-naissance au Monde de Félicité, alors au moment du trépas, le Bouddha Amitābha nous accueillera dans son royaume.
Le Principe de la Terre Pure/Lý Tịnh Độ prescrit que "la nature même d'Amitābha symbolise la Terre Pure" et que "l’esprit étant équanime, l’espace environnant est pur". Ce qui signifie que lorsque "notre esprit a été pacifié, la terre est calme" et que lorsque "notre nature profonde est claire, c’est Bouddha Amitābha
lui même". Le patriarche Trúc Lâm disait :
…La Terre Pure n’est autre que l’esprit pur,
Inutile de s’interroger encore sur l’Univers de l’Ouest.
Amitābha est la source de lumière rayonnante,
Inutile de chercher à renaître au royaume de la Félicité.
[Extrait de la deuxième strophe de la poésie lyrique intitulée "La joie de la pratique spirituelle dans la vie courante"].
Le Bouddhisme Thiền Tông partage le Principe de la Terre Pure et n’adhère pas à la Pratique de la Terre Pure. Le maître Vô Ngôn Thông a trouvé l'Eveil subit en écoutant le patriarche Bá Trượng qui dit : "Lorsque la Terre-Esprit est vacuité, la lumière du soleil rayonne/ Tâm địa nhược không, tuệ nhật tự chiếu". Ce qui signifie que lorsque la terre de l’esprit est vacuité, l’esprit s’éclaire lui-même et le milieu environnant est calme. La lumière du soleil qui rayonne, c’est la nature propre du Bouddha Amitābha. Le terme "Amitābha" se traduit par "lumière infinie" qui, en langage zen, symbolise "la lumière du soleil qui rayonne." Ceci prouve que sur le Principe, les pratiquants de la "Terre Pure" et ceux de la "Méditation" poursuivent en effet le même objectif final.
4.2 L'origine Commune Des Trois Doctrines/Tam Giáo Đồng Nguyên
La thèse de l’origine commune de la triple doctrine fut émise sous la dynastie des Song en Chine. Au Vietnam sous la dynastie des Trần, elle a été reconnue comme un moyen d'allier les trois doctrines: le Bouddhisme, le Confucianisme et le Taoïsme. Le peuple vietnamien a subi la profonde influence de cette triple doctrine. Dans le but de rassembler le peuple tout entier, sous la dynastie Trần, l’on associait le Bouddhisme au Confucianisme et au Taoïsme. En effet, si l’entraînement de ces trois doctrines dans la pratique du perfectionnement est différent, cela ne constitue que des moyens apparents, leur but final converge. C’est ce qu’on a dit à propos de leur origine commune. Il s’agit de l’esprit de tolérance et d’humilité du bouddhisme Thiền Tông, car à cette époque, tout le monde savait que monarque et mandarins avaient presque tous suivi les enseignements bouddhistes.
V. SOUS LA DYNASTIE TRẦN, LE BOUDDHISME S'EST MONTRÉ PARTICULIEREMENNT PRAGMATIQUE ET POSITIF
5.1 Réalisme Bouddhique
La devise du bouddhisme de l’époque des Trần fut : "Tel esprit, tel Bouddha/ Tức tâm tức Phật". L’esprit "ignorant" incombe aux profanes, l’esprit éveillé au Bouddha. Bouddha n'est pas ailleurs, il réside au sein de notre cœur. Il nous suffit de laisser se décanter notre cœur tourmenté pour que l’esprit éveillé apparaisse. Au début des "Louanges de l’esprit de Bouddha/Phật Tâm Ca" le maître Tuệ Trung disait :
Bouddha! Bouddha ! Bouddha ! Impossible de l'apercevoir,
Esprit! Esprit! Esprit! Impossible de le décrire.
Lorsque l’esprit apparaît, Bouddha apparaît,
Lorsque l’esprit disparaît, Bouddha disparaît.
Méconnaître l’esprit et adorer Bouddha est chose futile,
Ignorer Bouddha et croire à l’esprit, quand saura-t-on la vérité ?
Pour distinguer l’esprit de Bouddha de l’esprit impermanent,
Attendre la prochaine venue de Maitreya pour trancher !…
Bouddha, c'est l'Eveil. Aussi est-il insensé de rechercher la réalisation de l’éveil en dehors de son esprit, car c’est seulement en soi que l’on peut reconnaître le vrai Bouddha. Si l’on délaisse son esprit pour aller chercher ailleurs Bouddha, on ira vers le Bouddha des autres et non vers le sien. Evidemment, même si le Bouddha Maitreya intervient en ce monde, Il ne pourra pas résoudre ce problème surtout si l'on persiste à prendre son esprit impermanent et muable pour Bouddha.
Aussi le patriarche Trúc Lâm disait :
Que faire ! Pourvu qu'on saisisse l’esprit, rien d'autre à faire.
En maintenant sa nature éveillée, le mental sera pacifié.
En réprimant les pensées, le mental sera étouffé sans pouvoir s’éteindre.
Cesser toute idée de soi et d’autrui, voilà la vraie nature du Diamant,
Avidité et colère disparues, l’on retrouvera la connaissance parfaite de cet esprit merveilleux… (L’Eveil complet et parfait)
[Extrait de la deuxième strophe de la poésie lyrique intitulée "La joie de la pratique spirituelle dans la vie courante"].
Le Diamant/Kim Cương et l’Eveil complet et parfait/Viên Giác symbolisent notre vrai Bouddha. Si nous désirons le découvrir, il nous faudra dominer les pensées illusoires, éliminer l’idée de soi et d’autrui, cesser la convoitise, la colère et l’ignorance. Du fait de la présence de ces pensées illusoires, nous nous attachons à l’idée de soi et d’autrui, nous attisons la cupidité, la colère et l’illusion qui constituent une sorte de voile épais nous empêchant de reconnaître notre vrai Bouddha, tel un nuage dissimulant la lune. Pacifier cet esprit troublé et agité afin qu’il puisse retrouver sa nature calme et claire qui est l’esprit de Bouddha, constitue une pratique bien pragmatique. En effet, étant conscient de la vraie nature des choses, on agit en toute connaissance de cause et on s'assure ainsi de la réussite finale, sans avoir à attendre un appui quelconque venant de l'extérieur.
5.2 Positivité Bouddhique
En l'an 1304, le patriarche Trúc Lâm fit une longue marche parmi la population afin de lui prodiguer ses conseils sur l'observance des Cinq Préceptes et la pratique des Dix Bonnes Actions. Il a donc de manière positive introduit le bouddhisme dans la vie courante de son peuple, en commençant par éduquer l'individu qui servira de modèle à son entourage familial puis social et national. Les Cinq Préceptes préconisés par Bouddha ont pour objectif :
▪ La protection de la vie humaine en respectant le précepte de ne pas tuer.
▪ La préservation de la propriété d'autrui en respectant le précepte de ne pas voler.
▪ La défense du bonheur familial en évitant l’inconduite sexuelle.
▪ La garantie du prestige et de la valeur humaine en évitant les mensonges.
▪ La protection de la santé, de la sagesse de l’esprit et de l'ordre public en interdisant la consommation de boissons enivrantes. A l'heure actuelle, on doit ajouter l'opium, l’héroïne et tout stupéfiant. Si tous les citoyens observent ces Cinq Préceptes, le pays retrouvera une paix réelle et le peuple y vivra sans crainte ni angoisse. Bien au delà, le patriarche incitait la population à pratiquer les Dix Bonnes Actions réparties en trois groupes:
▪ Au niveau de maîtrise du corps, il conseille de ne pas tuer, de ne pas voler, de ne pas s'adonner à la luxure.
▪ Au niveau de maîtrise des paroles, il recommande d'éviter les mensonges, les médisances, les méchancetés, les paroles fallacieuses.
▪ Au niveau de pacification du mental, il enseigne la maîtrise de la colère, de l'avidité et de l’ignorance. Celui qui réussit à maîtriser ses gestes, ses paroles et ses pensées selon les Dix Bonnes Actions deviendra un sage. Un bouddhiste qui respecte les Cinq Préceptes tout en pratiquant les Dix Bonnes actions contribue à rendre la société meilleure et pacifique. Ainsi le bouddhisme pourra transformer réellement une situation malheureuse en situation heureuse, un être médiocre en un homme sage.
VI. LE CHEMIN POURSUIVI PAR LE BOUDDHISME VIETNAMIEN D'AUJOURD'HUI
Si d'aventure quelqu'un demande à un moine bouddhiste vietnamien à quelle lignée bouddhique il appartient, il sera certainement surpris car il ne saura que répondre. Pourquoi ?
6.1 Sa Pratique De Perfectionnement Se Résume A Deux Séances De Prières Quotidiennes
Depuis plus d'un siècle, au Vietnam les religieux résidants des pagodes s'évertuent à pratiquer deux séances de prières quotidiennes : une séance en début de soirée et une autre très tôt le matin. Au cours de la séance du soir, ils psalmodient le Sūtra Amitabha, suivi de la récitation du mantra invoquant la re-naissance dans l’Univers de l’Ouest/Chú Vãng Sanh, enfin ils évoquent le nom du Bouddha Amitābha. Très tôt le matin, ils récitent le mantra Śuraṃgama/Chú Lăng Nghiêm ou les dix mantras de la Compassion incommensurable ou Karamika/Đại Bi Thập Chú… Le jour où ont lieu des cérémonies spéciales telles que la prière pour les vivants/Cầu an et la prière pour les défunts/Cầu siêu, alors ils récitent d'abord le dhārani de la Compassion incommensurable, puis ils psalmodient le Sūtra adéquat. Avec de telles pratiques, on ne saurait dire à quelle lignée appartiennent ces pratiquants. Néanmoins la majorité des adeptes croient appartenir à la lignée de la Terre Pure, étant donné que celle-ci préconise la psalmodie du Sūtra Amitābha ainsi que l'invocation du nom de Bouddha Amitābha
. En revanche, la récitation du dhārani de la Compassion incommensurable et du mantra Śuraṃgama font plutôt partie des pratiques du Tantrisme tibétain/Mật Tông. Par ailleurs, l'examen consciencieux de l’emploi du temps des deux séances de prières quotidiennes y souligne la place prioritaire au Tantrisme tibétain.
Quelle est l'origine de cette pratique de la double séance de prières ? En se basant sur la préface du livre "L’équation des deux séances de prières réunies/Nhị Khóa Hiệp Giải", on sait qu'elle est née en Chine sous la dynastie des Qing/Nhà Thanh. L'empereur Thánh Tổ de la dynastie des Qing prénommé Khang Hy (1662-1772) par décret royal, invita le vénérable Ngọc Lâm Thông Tú (1614-1675) ainsi qu'un certain nombre d'autres vénérables éminents à se réunir en vue d'une préparation du livre "Nhị Thời Khóa Tụng/Double séance de prières quotidiennes". A cette époque, les moine et moniales résidants des différentes pagodes en Chine étaient tenus de se servir de ce livre comme support de leur pratique. Les Qing, descendants de l’ethnie Mãn Châu, occupaient le nord de la Chine, proche de l'Himalaya. Ils avaient bénéficié de l'influence du bouddhisme tantrique tibétain reconnu pour ses récitations de mantras. Aussi ce roi obligeait-il les vénérables rédigeant le livre "Nhị Thời Khóa Tụng" à privilégier la pratique du Tantrisme tibétain. Bien que l'instruction de ce livre se veuille impartiale, on y voit la prédominance de la pratique du Tantrisme tibétain sur celle de la Terre Pure.
Ce livre a paru vers la fin du XVIIe siècle au début du XVIIIe siècle, période de décadence du bouddhisme chinois. On ne connaît pas exactement la période de son introduction au Vietnam, mais on sait que vers la fin du IXXe siècle jusqu'à la fin du XXe siècle, dans presque dans toutes les pagodes vietnamiennes, on a recours à deux séances quotidiennes de prières comme directive commune dans la pratique encore dénommée : "Les deux temps de prière/Hai thời công phu". Il y a un adage qui dit : "le soldat craint l'escalade de la montagne, le novice redoute le Śuraṃgama". Même à l'heure actuelle en 1977, les moines qui s’occupent de la cérémonie de l’ordination des Novices/Śrāmaṇera ont toujours testé les postulants sur leur connaissance du mantra Śuraṃgama/Chú Lăng Nghiêm.
Les doctrines de la Terre Pure et du Tantrisme tibétain s'appuient sur l'aide extérieure. L'invocation du Bouddha Amitābha procure l'espérance d'être recueilli par le Bouddha Amitābha dans son royaume de la Terre Pure. Quant à la récitation des mantras et dhāranis, elle vise l'obtention de l’aide des Dragons célestes/Long Thiên, des Protecteurs de la Loi/Dharmapāla/Hộ Pháp, ou des Devas de Diamant/Thần Kim Cương pour épurer la rétribution karmique… Cet état d'esprit convenait parfaitement à la situation de notre pays de ce temps, l’époque pendant laquelle le Vietnam se trouvait sous le joug de la domination française. Cette colonisation française a fait perdre au peuple vietnamien toute confiance en lui même, étant donné que la mère-patrie désignée est la France. Aussi les vénérables bouddhistes vietnamiens ont-ils jugé convenable d’appliquer "Double séance de prières/ Nhị Thời Khóa Tụng" comme base de la pratique en corrélation avec la situation contemporaine.
Maintenant la situation a changé, le Vietnam a reconquis son indépendance, le peuple vietnamien a retrouvé sa propre confiance, sa valeur nationale, et pourtant le bouddhisme vietnamien continue à conserver la même pratique anciennement importée. Cette attitude est-elle appropriée à la progression nationale et à la reprise de confiance du peuple vietnamien de nos jours? Telle est la question qui a hanté fortement mon esprit depuis des années.
La doctrine de la Terre Pure exige trois principales conditions: la foi/Tín, la pratique/Hạnh et le vœu inébranlable/Nguyện. La foi, c'est croire fermement à l'existence du royaume de Félicité où Bouddha Amitābha est en train d'enseigner le dharma, et quiconque évoque sincèrement son nom sera assuré de renaître dans son royaume au moment du trépas. La pratique consiste à invoquer Bouddha Amitābha avec ferveur et assiduité. Le vœu inébranlable est la profonde aspiration de pouvoir renaître au royaume de la Terre Pure après la mort. Ce vœu ne sera exaucé qu'à deux conditions: l’attachement affectif au Monde de Félicité/Hân et l’éloignement de la vie ici-bas/Yểm. Puisque la Terre Pure est un monde paradisiaque et que le monde Sahā/Ta Bà comporte beaucoup de souffrances, quoi de plus séduisant de pouvoir quitter un monde de souffrances pour un monde de béatitude? Voilà le sens primordial de la pratique de la "Terre Pure". Au moment où la nation est mobilisée pour bâtir un pays riche et puissant, si nous autres, les religieux bouddhistes sommes las de cette vie de souffrance sur terre, comment pourrons-nous avoir le moral pour participer à la reconstruction du pays ? Le bouddhisme vietnamien n'aurait-il pas su s'adapter à la situation actuelle ?
Nous préconisons de revaloriser le bouddhisme Thiền Tông de la dynastie Trần. Pour cela, nous proposons essentiellement le sens "d’adaptation aux circonstances/Khế cơ" du bouddhisme afin de guider l'adepte bouddhiste dans sa pratique du perfectionnement en corrélation avec le rythme de la société. La devise "Tel esprit, tel Bouddha/Tức tâm tức Phật" de Thiền Tông génère une grande confiance au bouddhiste. Cette confiance nous donnera l’énergie nécessaire pour nous élancer plus haut et assurera le succès dans nos actions. En même temps, elle nous permettra de nous rendre compte que l'Eveil et le Nirvāṇa sont parfaitement accessibles dès cette vie. Ecoutons le sixième patriarche Huệ Năng :
…Le Dharma est en ce monde,
Ecarté du monde, il n’y aura pas d’éveil.
Rechercher l’éveil hors de ce monde,
Reviendrait à chercher la corne du lapin…
[Extrait du Sutra de l’Estrade du Trésor de Dharma, deuxième chapitre Prajῆā Pāramitā]
Le dharma est en ce monde, il est impossible d'atteindre l'Eveil en dehors du monde. Aller chercher l'Eveil ailleurs, c'est comme chercher la corne du lapin. Bouddha a réalisé l’Eveil au pied de l'arbre Bodhi en ce monde. C'est aussi en ce monde que les Arahats, ayant pris conscience des causes et effets de la naissance et de la mort, ont réussi à se libérer du cycle des renaissances et morts… C'est également en ce monde que les Pratyeka-Bouddha/Duyên Giác ont réalisé l’Eveil grâce au Principe de l'Interdépendance conditionnée… Pourquoi ne pas nous appliquer à la pratique ici même au lieu d'aller ailleurs? Ceci fait partie du pragmatisme et de la force de Thiền Tông que nos ancêtres ont déployés pour la pratique de leur perfectionnement.
6.2 Involontairement, Les Moines Sont Devenus Des Spécialistes Destinés Aux Prières
Le but essentiel de toute personne ayant quitté sa famille pour entrer en religion est de trouver l'Eveil et la libération de soi. Mais la longue période de vie en communauté a fini par atténuer peu à peu cette détermination. Le devoir d'un novice est d’apprendre à réciter par cœur les Sūtra, à manipuler cloche et gong de bois, à travailler sur la voix pour mieux psalmodier la prière, à bien faire rythmer des éloges aux Bouddhas au son du gong … Plus tard, une fois bien entraîné, il a le devoir de célébrer les cérémonies religieuses sollicitées par les adeptes. Tant qu'il n'y a qu'un petit nombre de demandes, il est en mesure d'assumer correctement son travail. Mais si les sollicitations des adeptes augmentent considérablement, le moine est sans arrêt occupé à célébrer les rituels religieux, alors il ne lui reste guère beaucoup de temps à consacrer à sa pratique d’Eveil et de Libération. De plus, il lui faut apprendre à gérer les dons et cadeaux. Toutes ces préoccupations finiront par lui faire oublier le vœu solennel de départ lors de son ordination. C'est ainsi que, inconsciemment, le moine au départ si résolument engagé à suivre la bonne voie est devenu à la longue malgré lui un moine à prières. C’est vraiment navrant! Pourtant Bouddha disait : "Même si la récitation des Sūtra est nombreuse, mais non suivie de pratique, elle n'apporte aucun bienfait au moine, tout comme le gardien de troupeaux engagé seulement pour surveiller les bêtes du propriétaire. En revanche, si le moine récite peu les Sūtra mais s’efforce, après les avoir bien assimilés, de mettre en pratique l'enseignement à travers ceux ci, cela lui permettra de maîtriser l'avidité, la colère et l’ignorance. Son esprit pacifié deviendra alors équanime et libéré de tout attachement au monde. Qu’il soit ici ou ailleurs, il pourra profiter des avantages d’un moine bouddhiste " [Dhammapada Sutta/Kinh Pháp Cú N°s 19, 20].
Un moine bouddhiste qui se contente de ces rituels de prières en guise d'activités bouddhiques quotidiennes, a involontairement projeté le bouddhisme dans un ciel nébuleux aux nuages flottants. Je suis persuadé que cela ne doit pas être ainsi. Le bouddhisme est une pratique réaliste et efficace dans la vie des humains. Le bouddhisme est une thérapie contre les souffrances humaines, une méthode d'enseigner aux êtres les moyens de progresser vers la sérénité et le bonheur. Aussi devrons-nous nous référer directement aux racines du bouddhisme et non pas nous attacher à ses branchages touffus. Nous espérons ainsi trouver des êtres compréhensifs qui partageront notre conviction.
VII. RECONNAÎTRE LES MERITES DES ANCIENS SANS ÊTRE INFÉODÉ AU MODÈLE ANCIEN
Raviver le bouddhisme Thiền Tông de la dynastie Trần nécessite un regard tourné vers le passé. En effet, du point de vue de la tradition, le présent ne saurait exister sans le passé. Puiser les richesses expérimentales des Anciens pour les appliquer dans la situation présente est très bénéfique. En revanche, obliger nos contemporains à se conformer strictement au modèle ancien s’avèrerait obsolète. Nous avons sélectionné de beaux préceptes du bouddhisme de la dynastie Trần et nous les présentons aux moines et moniales ainsi qu’à tous les bouddhistes laïcs contemporains afin qu'ils puissent choisir ceux qui soient profitables pour leur pratique. Nous ne voulons nullement imposer ce modèle ancien du bouddhisme aux pratiquants d'aujourd'hui. En effet, nous devons avoir une vue avisée, juste et compréhensive des préceptes des Anciens afin de recueillir les modèles de réussite appropriés à la situation actuelle, et savoir les utiliser à bon escient selon leur origine sociale.
CONCLUSION
Nous ravivons le bouddhisme Thiền Tông de la dynastie des Trần en vue de rehausser les valeurs de la pratique bouddhique de nos jours, tout en dissipant les méprises qui ont dévalorisé le bouddhisme. Par ailleurs, nous révélons sa valeur intrinsèque aux yeux de tous pour que chacun puisse en prendre conscience et l’appliquer à sa propre vie. Cette démarche a pour but d’accéder à la sérénité et au bonheur. Devant une telle méprise limitant le bouddhisme à un mysticisme vide de sens et l’enseignement de Bouddha à une pratique occulte, nous ne voulons qu’offrir au bouddhisme vietnamien sa valeur d’antan. Pour ce faire, notre travail consiste à raviver la flamme bouddhique afin que les responsables du bouddhisme vietnamien puissent choisir en toute transparence la voie la mieux adaptée à la situation actuelle du pays. Aussi n’aspirons-nous qu’à contribuer modestement à l’édification de la Maison Bouddhique Vietnamienne, ne serait-ce qu’en y apportant une brique ou un simple caillou.
FIN
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