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   Hôm nay Thứ ba, 19/03/2024 - Ngày 10 Tháng 2 Năm Giáp Thìn - PL 2565 “Tinh cần giữa phóng dật, Tỉnh thức giữa quần mê, Người trí như ngựa phi, Bỏ sau con ngựa hèn”. - (Pháp cú kệ 29, HT.Thích Minh Châu dịch)
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 Thiền Phái Trúc Lâm Việt Nam Thế Kỷ 20-21

POURQUOI AI-JE CHOISI LA PRATIQUE DE MEDITATION - Thiền Thất Thường Lạc

POURQUOI AI-JE CHOISI LA PRATIQUE DE MEDITATION ?

Texte vietnamien du Maître thiền, Vénérable THÍCH THANH TỪ

Extrait du livre « Les Trois Questions Essentielles Dans Ma Vie De Moine »

Traduit par Diệu Anh [Source]
Revu par le Groupe Saddharma

Après mon entrée dans les ordres, j'ai étudié consciencieusement tous les Textes Anciens de l’enseignement de Bouddha, les Etudes et Commentaires des Patriarches ainsi que l'Historique de la vie du Bouddha. J'ai pu me rendre compte qu'après avoir quitté son palais et sa famille, le prince Siddhārtha partit à la recherche de la Vérité. C'est par la Méditation qu'il est parvenu à atteindre l'Eveil et à devenir Bouddha. Par ailleurs dans la plupart des Sūtra du Bouddha et des Śāstra des Patriarches, l'enseignement est principalement basé sur la Méditation. Je me demandais pour quelle raison mon Maître enseignant et mon propre Maître ne m'ont appris que la pratique de la "Terre Pure"/Tịnh Độ" ? Cette interrogation me poussa à réfléchir longuement. A mesure que mes études religieuses avançaient, j'ai mieux pénétré les paroles de Bouddha et des Patriarches, ce qui m'a permis d'apprécier les bienfaits de la pratique de méditation qui m'a finalement séduite. Tandis que la majorité des moines vietnamiens suivent la Voie de la "Terre Pure", pourquoi ai-je décidé de choisir pour moi-même la Voie de la Méditation ? Il y a en effet bien des raisons qui me poussaient à la suivre.

I. LES RAISONS JUSTIFICATIVES DE MON CHOIX

1.1 Bouddha lui-même

Après s'être enfui du palais pour la quête spirituelle, le prince Siddhārtha a eu comme premier maître Alāra Kālāma. Celui-ci lui enseignait les Quatre États de Méditation/Tứ Thiền, à savoir : la méditation primaire/Premier jhāna/Sơ Thiền, la méditation secondaire/Deuxième jhāna/ Nhị Thiền, la méditation tertiaire/Troisième jhāna/Tam Thiền et la méditation quaternaire/Quatrième jhāna/Tứ Thiền. Après un temps d’entraînement, le prince a acquis ces quatre degrés de méditation. Toutefois constatant que ce résultat ne correspondait pas exactement au but recherché, Il quitta son maître et s'en alla trouver un deuxième maître Uddaka Rāmaputta/Uất Đầu Lam Phất. Ce dernier lui enseigna la pratique de Concentration mentale sur les quatre sphères sans limite/Tứ vô biên xứ định, à savoir :

a/ Concentration sur la sphère du néant sans limite /Không vô biên xứ định / Ākāśanantyātana-Samādhi..
b/ Concentration sur la sphère de la conscience sans limite /Thức vô biên xứ định / Vijānanantya-yatana-Samādhi.
c/ Concentration sur la sphère de la non-existence /Vô sở hữu xứ định / Akincanyāyatana-Samādhi.
d/ Concentration sur la sphère de ni cognition et de ni non-cognition /Phi tưởng phi phi tưởng xứ định / Naisvasamjhāna Samjnāyatana- Samādhi.

Pendant un laps de temps, il s'est perfectionné jusqu'à acquérir le plus haut niveau du monde sans forme. Mais estimant que le résultat ne lui avait pas encore permis d'atteindre son but, il fit de nouveau ses adieux à son deuxième maître et s'en alla.

A la fin, c'est au pied de l'arbre Bodhi, après avoir médité pendant quarante neuf jours et nuits qu'il atteignit l'Eveil et devint Bouddha le quarante neuvième jour. Ce résultat tant espéré, il l’a obtenu par la pratique de la méditation, et ce depuis le début de sa quête jusqu'au moment de son Eveil. Ainsi le Maître suprême du bouddhisme a passé sa vie à pratiquer la Méditation. Il a enseigné de nombreuses méthodes de perfectionnement, mais la méditation reste la base de son enseignement. De nos jours, en pratiquant le bouddhisme tout en nous privant de la pratique de la méditation, allons-nous à l'encontre de la voie choisie par Bouddha ?

1.2 Les Moines éveillés/Thánh Tăng

Du temps du Bouddha étaient présents les Arahats/A La Hán ayant reçu l'enseignement direct de Bouddha. Ils ont effectué leur perfectionnement en méditation et ont acquis les quatre degrés des Auditeurs/Thinh Văn, à savoir le premier degré de Śrotāpanna /Tu đà Hoàn, le deuxième degré de Sakaḍāgāmin/ Tư đà Hàm, celui de Anāgāmin/Non Retour/A na Hàm et celui d'Arahat/Saint/A la Hán. Les disciples de Bouddha ont réussi aussi à parvenir à l’Eveil grâce à la méditation. Maintenant, nous désirons aussi progresser vers cette voie de l’Eveil, mais si nous refusons de pratiquer la méditation, comment pourrions-nous y parvenir ?

1.3 Les Patriarches

Depuis le Patriarche Kaśyapa/Ca Diếp au Patriarche Huệ Năng/Hui-Neng, il y a trente trois patriarches indiens et chinois qui ont atteint l'Eveil grâce à la méditation. En tant que patriarches se succédant, ils propageaient la méditation comme pratique de réalisation de l’Eveil. Même au Vietnam depuis le VIIè au XVIIIè siècle, les patriarches des trois régions du Nord, du Centre et du Sud ont tous pratiqué la méditation, puis transmis la méthode à leurs disciples et hérité ainsi successivement du rôle de Patriarche. A présent, pour nous, ce serait trahir leur mémoire que de vouloir renoncer à la pratique de la méditation.

J'ai pris la ferme décision de pratiquer la méditation avec un profond et fidèle respect à l'égard de Bouddha, des Moines éveillés et des Patriarches de l’Inde, de la Chine et du Vietnam qui m'ont donné cet exemple. Depuis plus de deux mille ans, ils ont sans interruption propagé la doctrine bouddhique en se basant sur la pratique de la méditation, comment pourrais-je ne pas suivre le même chemin pour me perfectionner et pour la propager à mon tour par la suite, moi qui débute dans la génération postérieure à la leur? Je suis intimement persuadé que le chemin sur lequel je me suis engagé actuellement est en accord avec l’enseignement de Bouddha et des anciens Patriarches. Cependant, sur le sol vietnamien, je me trouve isolé aussi bien dans la pratique de méditation que pour sa diffusion. Malgré tout, j'ai bon espoir que des personnes compréhensives viendront se joindre à moi afin de perpétuer ma tâche encore inachevée.

II. LE BUT

2.1 La raison incitant le Prince Siddhārtha à devenir moine.

Dès sa première occasion de prise de contact avec les différentes couches de la population, le prince Siddhārtha a pu se rendre compte de l'existence de la souffrance à travers la naissance, la vieillesse, la maladie et la mort des êtres humains. Il en eut le coeur serré. Tant de questions hypothétiques concernant les conditions humaines se bousculaient dans son esprit, des questions telles que "Qui étions-nous avant d'être ici bas ? Où irons-nous après la mort ? Que faire pour se libérer du cycle de renaissances et de morts ? Voilà les trois questions dominantes qui occupent totalement son esprit. Dorénavant, à force de tourner et retourner ces questions insolubles dans sa tête, plus rien n'a de valeur à ses yeux: grandeur, faste, palais doré et tour rose ne sont que désirs éhontés. L'inquiétude le gagne peu à peu. Il devient taciturne et délaisse la nourriture à tel point que ni la présence de sa belle épouse, ni celle de son adorable fils ne suffisent à dissiper son malaise. Ces trois problématiques l'oppressent et le chagrinent. Tant qu'elles ne sont pas résolues, Il ne trouvera pas la tranquillité. Enfin Il se décida de quitter le palais et de se faire moine, laissant derrière lui le roi son père, la reine mère, son épouse, son fils, son peuple et son trône. Il erra en solitaire dans la forêt à la recherche d'un maître capable de lui enseigner la bonne Voie. D'abord Alāra Kālāma, son premier maître lui enseigna les quatre degrés de méditations :

● Le premier degré ou Méditation primaire/Sơ Thiền lui permet de se détacher des Cinq désirs/Ngũ dục pour parvenir à la béatitude/Ly sanh hỷ lạc.
● Le deuxième degré ou Méditation secondaire /Nhị thiền dont la concentration du calme mental engendre la joie et la béatitude/Định sanh hỷ lạc.
● Le troisième degré ou Méditation tertiaire/Tam thiền amène l'abandon de la joie en procurant la béatitude sublime/Ly hỷ diệu lạc.
● Enfin le quatrième degré ou Méditation quaternaire/Xả niệm thanh tịnh évacue toutes pensées et perceptions. L’esprit sera donc en parfaite équanimité.

Après quelque temps de pratique, le prince est parvenu à acquérir ces quatre états de méditation. Mais se rendant compte que ces résultats ne répondent pas expressément à ces trois questions essentielles qui le tourmentaient depuis longtemps, Il se résigne à se séparer de son maître et à continuer sa quête. Avec son deuxième maître Uddaka Rāmaputta/Uất Đầu Lam Phất, Il apprend les quatre méthodes de la concentration mentale sur les Sphères sans limite/Tứ vô biên xứ định à savoir la concentration sur la sphère du néant sans limite/Không vô biên xứ định, la concentration sur la sphère de conscience sans limite/Thức vô biên xứ định, la concentration sur la sphère de non-existence/Vô sở hữu xứ định et la concentration sur le plus haut niveau de la sphère de ni cognition et de ni non-cognition/Phi tưởng phi phi tưởng xứ định.

Le prince a ainsi magistralement réussi à atteindre le niveau le plus élevé de ces quatre méthodes de concentration. Mais à bien y réfléchir, ces réussites n'ont pas élucidé ces trois questions énigmatiques qui pesaient lourdement sur son cœur. Il quitta de nouveau son maître à la recherche d'une réponse à ses questions. Découragé, Il pense que l'ascèse en est peut-être la solution. Alors il s'est mis à pratiquer l'ascétisme jusqu'à l’épuisement physique, et s'est rendu compte à la fin que la mortification n’a fait que détruire sa santé sans pour cela aboutir au résultat attendu. Dorénavant, Il abandonne l'ascétisme en réglant sa vie au rythme d'un repas par jour en faisant l'aumône et réserve le reste de son temps à la méditation. Arrivé au pied de l'arbre Bodhi, un endroit idéal propice à la méditation assise, il s'y installe pour méditer après avoir préparé un siège constitué de brins d'herbe desséchés. Puis prenant l'arbre Bodhi à témoin, Il fait le serment de ne jamais quitter cet endroit avant d'avoir réussi à atteindre l'Eveil, au risque d'y laisser ses os.

2.2 Le résultat

Au pied de l'arbre Bodhi, après quarante neuf jours de méditation nuit et jour, dans la nuit du 49è jour, Il acquiert d'abord le pouvoir surnaturel lui ravivant la mémoire des vies antérieures/Túc mạng minh. Cela signifie qu'Il se souvient parfaitement de ses existences antérieures, de ses précédents lieux de naissance, de ses parents, de ses précédentes professions, comme si c'est arrivé la veille. Ainsi il a résolu la première question : "Qui étions-nous avant cette existence ci ?". Un ensemble des Sūtra "Mes existences antérieures/Bổn sanh kinh" dans lesquels Bouddha a raconté ses vies antérieures est conservé actuellement dans les grandes Corbeilles Pali et Chinoise.

Ensuite, Il acquiert le pouvoir de la vue céleste/Thiên nhãn minh/Sanh tử trí/la vision de la métempsycose, c'est-à-dire qu'Il a la vision claire de la renaisssance des autres selon leur karma, comme si, d'en haut à l'étage, Il regarde leurs allées et venues au carrefour. En effet, selon le karma positif ou négatif de chacun, après sa mort, l'être humain renaîtra dans l'un des six mondes -enfer, monde des petas ou âmes errantes, monde des animaux, des humains, des génies ou asura et monde des divins. C'est ainsi que la deuxième question fondamentale est résolue : "Quel sera notre sort après la mort, ou bien où irons-nous après la mort?". Bouddha l'a expliqué clairement dans le Sūtra de "la voie karmique selon les dix actes méritoires/Kinh thập thiện nghiệp đạo."

Vers 3 heures, à l'apparition de l'étoile du matin, Il acquiert l’Illumination après avoir évacué les dernières impuretés qui souillaient son esprit/Lậu tận minh. A ce stade, Il a pénétré la cause première de la naissance-mort et l'origine de la cessation du cycle de mort-renaissance. Ainsi sa troisième question cruciale "Que faire pour échapper au cycle des renaissances?" est élucidée. Enfin le prince s'est débarrassé du fardeau, Il proclama sa joie : "J'ai atteint le parfait Eveil et deviens Bouddha".

Au Parc des Gazelles, pour la première fois, il aborda sa première prédication à l'attention des cinq frères du groupe Koṇḍaῆῆa/Kiều Trần Như. Il s'agit des "Quatre Nobles Vérités/Tứ đế" à travers lesquelles Bouddha indique clairement que les causes de la naissance et de la mort/Tập đế conduisant à la souffrance provoquée par la naissance, la vieillesse et la mort/Khổ đế, que la voie acheminant à la libération/Đạo đế est la cause ayant pour effet l'effondrement du cycle des renaissances et morts/Diệt đế. Ceci est la réalité, la vérité merveilleuse sans erreur possible nommée les "Quatre Nobles Vérités/Tứ diệu đế". Dès cet instant, le prince Siddhārtha a réalisé sa Voie et devient Śākyamuni Buddha.

III. LES DIFFERENTES METHODES DE PERFECTIONNEMENT

3.1 La Méditation Theravāda/Thiền Nguyên Thủy

Ce sont des méthodes méditatives enseignées par Bouddha dans l’Āgama sūtra/Kinh A hàm.

3.1.1 Le Sūtra des Quatre établissements de l’attention (Pháp Tứ niệm xứ ou Catvari-sṃṛṭiupasṭhānani, Satipaṭṭhāna sutta)

La pratique au cours de laquelle l’on concentre son attention sur quatre points à visualiser :

a) La concentration sur l'état d'impureté corporelle (Quán thân bất tịnh) :

La visualisation des impuretés appartenant au corps peut s'effectuer de deux façons :
▪ Examiner que le corps humain est un composé de trente six éléments impurs tels que cheveux, poils, dents, ongles, peau, muscles, nerfs, os, glaires, salive, sang, pus, sueur, urine... tous plus ou moins souillés et répugnants.
▪ Visualiser un cadavre dans différents stades de décomposition: de couleur bleu-verdâtre au début, peu à peu ce dernier devient boursouflé, craquelé et finalement décomposé en dégageant de la puanteur. Cette observation du corps dans le corps a pour but la guérison de l'attachement au corps physique.

b) La concentration sur les sensations (Quán thọ thị khổ) :

Revient à visualiser que toutes les sensations constituent la souffrance, quoique dans les Sūtras Bouddha ait dit qu'il existe trois sortes de sensations douloureuses, agréables et neutres, c'est-à-dire n'apportant ni souffrance ni plaisir… Comme toutes ces sensations sont impermanentes, elles sont souffrantes. Cette vision profonde permet de lutter contre l’attachement aux sensations.

c) La concentration sur la non-permanence de l’esprit (Quán tâm vô thường) :

Consiste à bien opérer la vision profonde sur les différents états de notre mental, positif ou négatif, en se rendant compte qu'ils sont éphémères, impermanents, et ne possèdent donc pas de nature propre. Etant donné que tous ces états de l’esprit sont en perpétuel mouvement de va et vient, tantôt présent tantôt absent, leur nature n'est certainement pas réelle. Il convient de ne pas nous y attacher. Cette vision pénétrante permet de se libérer de l'attachement aux états affectifs et émotionnels comme relevant du "moi".

d) La concentration sur le non-soi des phénomènes (Quán pháp vô ngã) :

Procède par la vision profonde de tous les dharma jusqu'à accepter l'évidence de l'Interdépendance conditionnée entre tout phénomène, qu'il s'agisse des Quatre éléments/Tứ đại, des Cinq agrégats/Ngũ uẩn, des Six organes des sens/Lục căn ou des Six objets de connaissance/Lục trần. Aucun élément n'a d'existence propre, d’où le Non-soi/vô ngã. Cette vision pénétrante vise à nous dissuader d'attribuer à chaque dharma une nature propre.

3.1.2 La Méditation sur les Cinq domaines de l’esprit /Pháp Ngũ đình tâm quán.

a) Vision profonde sur l'impureté du corps afin de refréner les désirs charnels.
b) Vision profonde sur la compassion comme antidote à la colère.
c) Vision profonde sur l’Interdépendance pour éviter l'illusion.
d) Vision profonde sur la non-dualité afin d’arrêter l’attachement à soi/Chấp ngã.
e) Vision profonde sur la respiration pour dissiper l’agitation mentale/Tâm tán loạn.

3.2 La Méditation Du Mahāyāna

Il s'agit des pratiques de méditation issues des Sūtra et des Commentaires/Kinh Luận) de la tradition Mahāyāna ou du Grand Véhicule.

3.2.1 Le principe des Trois types de Méditation/Pháp tam quán relevant du Sūtra de l’Eveil parfait et complet/Kinh Viên Giác

a) Samatha (Xa ma tha) ou concentration mentale en traduction chinoise, cela signifie méditation du Calme mental. Le Sūtra dit : "Celui qui désire obtenir l’Eveil parfait doit garder son esprit clair et silencieux comme ligne de conduite face aux événements inopportuns…"

b) Samāpatti (Tam ma bát đề). Selon la signification chinoise "quán đẳng chí", il s’agit d’un stade de méditation dans laquelle le pratiquant parvient à surpasser les états de somnolence et d’agitation/Đẳng, et le mental est pacifié et équanime/Chí. Le Sūtra dit : "Celui qui désire obtenir l’Eveil parfait, devra reconnaître avec l’esprit clair et équanime toute illusion provenant du mental, des organes des sens et de leurs objets de connaissance…"

c) Dhyāna (Thiền na) en traduction chinoise signifie "Tĩnh lự"; Tĩnh signifie le calme, la concentration, Lự les pensées, la connaissance. Le Sūtra dit "Celui qui aspire à l’Eveil parfait veille à garder son esprit calme et éveillé, débarrassé de toute illusion et de toute forme afin de retrouver instantanément le calme ou de s’accommoder à la vision d’extinction complète de tous les phénomènes"

3.2.2 Les Trois méditations de l'Ecole Thiên Thai /Palais du ciel.

Le grand Maître Trí Giả vivant au Mont Thiên Thai se basait sur le Sūtra "Les vœux solennels du Bodhisattva Anh Lạc/Kinh Bồ Tát Anh Lạc Bản Nghiệp", chapitre "La pratique de la vision profonde des Sages et des Saints/Phẩm Hiền Thánh Học Quán" pour établir le principe des Trois méditations de l’unicité de l’esprit/Nhất tâm tam quán.

a) Concentration sur la vacuité /Không quán.

C'est se concentrer sur l’unicité de l’esprit en faisant abstraction de toute nature, de toute forme, ne se voyant ni à l'intérieur, ni à l'extérieur, ni au milieu, d'où l'appellation "vacuité".

b) Concentration sur l’illusion /Giả quán.

Elle se base sur la méditation que tout dharma est un tout et qu’une pensée unique englobera tous les dharma car leur nature propre est illusoire et éphémère.

c) Concentration sur le juste milieu /Trung quán.

Consiste à abandonner toute notion de dualité dans l’esprit. Une pensée n’est ni vacuité ni illusion, d’où notion de juste milieu.

3.3 La Lignée Du Bouddhisme Thiền Tông Patriarcale/Thiền Tông.

A l'Assemblée Linh Sơn sur le mont sacré des Vautours, Bouddha brandit une branche de fleur de lotus en direction des Auditeurs, s'arrêtant devant Mahā Kaśyapa/Ma Ha Ca Diếp qui se contenta de sourire. Alors Bouddha annonça : "Je possède le trésor de la vision, le Dharma authentique, l’esprit merveilleux, le Nirvāṇa, le sublime dharma qui se situe au-delà des Ecritures et qui se transmet spécifiquement en dehors des enseignements. Aujourd’hui, Je le confie à Kaśyapa …"
En Chine, le 28e patriarche Bodhidharma/Bồ Đề Đạt Ma venu de l'Inde a déclaré : "Aucune dépendance à l'égard des écritures, la transmission spéciale se fait en dehors de l’enseignement. En allant directement à l’esprit de l’homme, l’on découvre la bouddhéité en soi".
Voilà l’essence de la lignée de Méditation bouddhique patriarcale dont les patriarches successifs ont assuré la transmission. En voici quelques images représentatives :
● Après que Bodhidharma l'eût accepté comme disciple, le patriarche Huệ Khả posa cette question à son maître: "Maître, mon esprit est tourmenté, veuillez bien m'apprendre à le pacifier". D'un regard direct, Bodhidharma lui dit : "Montrez le moi afin que je puisse le pacifier". Après vaine recherche, Huệ Khả avoua: "Je ne le trouve pas". Alors le maître affirma: "J'ai déjà tranquillisé votre esprit". Immédiatement Huệ Khả prit conscience du chemin d'accès et se prosterna devant son maître. En quoi consiste ce dogme "Retrouver son esprit" ? - Effectivement, il s’agit d’un moyen habile qui désigne directement l’esprit humain !
● Un jour, le novice Đạo Tín rencontra le troisième patriarche Tăng Xán, il s'empressa de le solliciter: "Vénérable, veuillez avoir l’indulgence de m'enseigner la méthode de libération". En l’observant avec de grands yeux, le patriarche demanda: "Qui vous a attaché?" Đạo Tín répondit : "Personne ne m’a attaché". Alors le patriarche lui souffla : "Pourquoi donc aspirez-vous à la libération? Đạo Tín réalisa alors sa conscience thiền et se prosterna devant le maître.

C'est vraiment un art d'enseignement unique en son genre qui, sans avoir recours à aucun autre moyen, désigne directement l’esprit humain. C'est pourquoi on le dénomme "Méthode directe de la Méditation/Thiền trực chỉ". Plus tard, le maître Đức Sơn dit aussi: "Mon école n'utilise ni mot, ni parole, ni dharma pour enseigner".

Une telle pédagogie exige du maître une dextérité dans son instruction, de l'élève un esprit vif pour que les résultats puissent aboutir rapidement, d'où la dénomination de "Méthode subite de la Méditation/Thiền Đốn Ngộ". A première vue, il nous a semblé que cela n'a aucun lien avec les Ecritures ou Enseignements de Bouddha, mais une profonde pénétration du principe montre qu'il est la quintessence même du bouddhisme. Durant quarante neuf années, Bouddha enseigna l'essentiel pour guider l'être humain vers la libération du cycle des renaissances et morts. Mais "libérer quoi?", il s'agit juste de retrouver notre "visage originel/Bản lai diện mục" sans quoi la libération n'a pas de sens, c’est-à-dire sans sujet ni objet.

Comment faire pour reconnaître son visage originel de tous les temps? Après avoir reçu "l'habit et le bol" traditionnels des moines transmis par son maître, le sixième patriarche Huệ Năng se rendait à Thiều Châu, mais il avait été poursuivi par Đạo Minh qui essayait en vain de récupérer cet héritage. L'échec de cette tentative eut fini par faire changer les intentions de Đạo Minh qui sollicitait finalement à Huệ Năng son enseignement. Le patriarche lui suggéra de se calmer puis dit : "Faisant abstraction de toute pensée bonne ou mauvaise, quel est le vrai visage originel du vénérable Đạo Minh? Réalisant subitement sa conscience thiền, ce dernier se prosterna devant son maître. Voilà la toute première leçon du 6e patriarche Huệ Năng donnée à son disciple : désigner directement cette bouddhéité inhérente en chacun de nous.

3.4 Discernement

Les différentes méthodes de Méditation précédemment abordées sont représentatives de tout un ensemble de méthodes de méditation. Je me contente de les présenter globalement sans expliquer clairement chaque méthode de perfectionnement. Mon intention est juste de les exposer afin de prouver leur existence. Quant à la pratique même de la méditation, nous estimons qu'elle sera à la charge des spécialistes en la matière.

Le Bouddhisme Theravāda/Thiền Nguyên Thủy sert d'antidote contre les maladies des êtres humains. Ainsi selon la nature de la maladie dont l'individu souffre, Bouddha prescrit le remède adéquat pour le guérir, c'est-à-dire prescrire le médicament approprié à la maladie. C'est une pratique très réaliste et facile à réaliser, sans recourir à de lointains mystères. Il s'agit d'une lutte en face à face, tel un général face à l'ennemi sur le champ de bataille. Gagner ou perdre dépend du talent du guerrier, de sa détermination et de sa perspicacité de découvrir la cache des ennemis. Au fur et à mesure de l'avancement du perfectionnement, le résultat obtenu est visible, sans devoir attendre le verdict d'une quelconque décision extérieure. Tout comme le guerrier poursuivant l'ennemi sait pertinemment que la bataille est gagnée à chaque étape parcourue, sans nul doute ni interrogation. Les Sūtra disent : "Que l'on soit avide, coléreux ou ignorant, l’on reconnaît ses défauts, et si l'on n'est pas avide, coléreux ou ignorant, l’on s'en rend compte également."

Le Bouddhisme Mahayaniste/Thiền Đại Thừa dépasse le stade de la dualité. Elle est vaste, sans attache comme l'immensité du ciel et de l'océan. Être conscient du caractère illusoire de l'existence humaine, de la chimère de tout phénomène et continuer de croire à l'existence réelle des êtres et des choses, c'est faire preuve d’ignorance, tout comme la distinction entre deux extrêmes est une attitude dualiste, antagoniste et restreinte, donc encore liée au cycle des renaissances et morts.

Il est superflu d'aborder la libération, face à l'immensité du ciel et de l'océan où il n'y a ni création ni destruction. Pour celui qui débute dans la voie, cette forme de pratique paraît étourdissante et vertigineuse, comme si au pied d'une haute montagne, on vise son sommet. Pourtant, si nous avons le courage de nous lancer impétueusement vers l’avant, à l’arrivée du sommet, la montagne nous offre une vue panoramique captivante en même temps que la caresse du bon vent frais venu de l'océan. Une fois arrivé au sommet, cette impression de notre petitesse corporelle s'estompe et notre regard ne sera plus délimité par les montagnes et les océans.

Le Bouddhisme Thiền Tông, c’est prendre l'envol de l'oiseau, c'est franchir un ponceau sans rampe. Aussi le passant peureux et hésitant n'osera pas avancer d'un pas, seul l'être courageux pour qui la vie et la mort n'excèdent pas le poids d'un duvet, risque de s'y aventurer. Plus la situation est mystérieuse, plus elle se montre évidente; plus c'est merveilleux, plus c'est authentique; plus c'est magique, plus c'est simple; plus c’est lointain, plus c’est tout proche. A la question "Où est la voie ?", la réponse est "Sous vos talons". A la question "En quoi consiste le trésor des miens ?", la réponse est "C'est ce que vous venez de poser". Un cri, un bâton, un clin d'œil, un froncement de sourcils, un écho, une flammèche... révèlent tous la présence de leur auteur. Lâm Tế disait : "Les enseignements de Hoàng Bá sont rarissimes". Il suffit de ne pas oublier sa tête pour son ombre, de ne pas courir après l'écho et de méconnaître la voix, mais plutôt poser un regard direct comme celui de Huệ Khả qui découvrit la voie d’accès ou comme Đạo Tín qui prit conscience de sa liberté.

Le Bouddhisme Thiền Tông a joué un rôle très important dans la propagation du bouddhisme au Vietnam depuis plus de dix siècles, du VIIe au XIXe siècle. Quoi de plus naturel que le liquide nourricier de Thiền Tông circule dans mes vaisseaux, nourrisse mes fibres et m'incite à m’intéresser à cette pratique, étant moi-même foncièrement bouddhiste pratiquant. Bien que je respecte toutes les méthodes de méditation précitées, je ne peux m’empêcher de choisir Thiền Tông, étant donné que ma nature est vietnamienne.

IV. L'OUBLI DE SOI

4.1 La Poursuite Des Six Organes Des Sens Derrière Les Six Objets De Connaissance.

Quotidiennement nos six organes des sens poursuivent sans relâche les six objets de connaissance. Ainsi les yeux recherchent les formes, les oreilles captent les sons et les voix, le nez sent les odeurs, la langue goûte les saveurs, le corps apprécie le contact, l'esprit suit les objets mentaux. Que de bousculades et de disputes afin de satisfaire aux exigences des ces six organes des sens qui sont aussi reconnus comme un tonneau percé! Jusqu’à quand pourrons-nous le remplir? Penser à satisfaire les six sens, c'est comme si l'on veut chercher la lune au fond d'un puits. Dans cette poursuite effrénée, plus on récolte de satisfaction, plus vite on oublie soi-même, puisque le phare n'éclaire que le devant, laissant forcément le derrière dans l'obscurité.

Au cours de l'Assemblée où Bouddha enseigna le Śuraṃgama Sūtra/Kinh Lăng Nghiêm, en levant son bras en direction d'Ārya Ānanda/A Nan Đà et lui demanda : "Est-ce que vous le voyez ?" Réponse d’Ārya: " Oui l’Honoré! je le vois". Puis Bouddha baissa son bras en disant : "Maintenant, vous voyez?" Réponse: "Non, je ne vois pas". Alors Bouddha le réprimanda : "Vous suivez l’objet extérieur et vous oubliez vous-même". Ensuite Bouddha enjoignit son fils, Ārya Rāhula/La Hầu La de sonner la cloche, puis il demanda à Ānanda : "Entendez-vous le son de cloche ?" Réponse d'Ānanda : "Oui, je l'entends". Au moment où le son de cloche avait cessé de résonner, Bouddha posa la même question à Ānanda qui répondit : "Non, l’Honoré, je ne l'entends pas". De nouveau Bouddha réprimanda : "Vous oubliez vous-même en poursuivant autre chose ".

En réalité, le bras de Bouddha fait office de l'objet extérieur face à la faculté de vue d'Ānanda, le fait de lever ou baisser le bras représente la présence ou l’absence de l’objet, tandis que la vision d'Ananda n’a disparu en aucun moment. En donnant une réponse affirmative au mouvement de levée du bras et une réponse négative lorsque le bras est baissé, Ānanda a fait preuve d'oubli de soi pour l'objet extérieur. Il en est de même pour le son de cloche, lequel fait office de l'objet extérieur face à la faculté d'entendre, qui demeure toujours présent, quelle que soit la réponse positive ou négative d'Ānanda. En effet, les formes et couleurs, les sons... font partie des objets externes tandis que voir, entendre… est le propre de la personne elle-même, du "soi". Il est bien regrettable d'oublier "soi-même" pour les objets extérieurs à soi.

Au cours d'une promenade dans le jardin, voyant un envol de canards sauvages, Mã Tổ s'adressa à Hoài Hải : "Qu’est ce que c’est cela ?" Réponse: "Ce sont des canards sauvages". Quelques minutes plus tard, Mã Tổ s'enquit : "Où sont-ils ?" Réponse : "Ils ont déjà disparu". Alors Mã Tổ pinça fortement le nez de Hoài Hải qui hurla de douleur puis dit: "Pourquoi ne dites-vous pas que cela disparaît?" C'est ainsi que subitement Hoài Hải a pris conscience du thiền. Plus tard, chaque fois qu'il recevait des visiteurs adeptes de la méditation, il exhibait souvent le plumeau en interrogeant : "Qu’est ce que c’est ceci? ".

A la dynastie des Song, le maître Cảnh Thanh ayant remarqué une trace blanche sur le plancher, questionna son assistant : " Qu'est ce que c'est ? " Réponse: "C'est une trace blanche", le maître se contenta de soupirer : "L'être vivant poursuit les choses extérieures en s'oubliant soi-même". Un autre jour, ayant entendu des coassements des grenouilles terrifiées, le maître questionna : "C’est quoi ce bruit?" Réponse: "C'est le coassement des grenouilles pourchassées par les serpents". Alors le maître soupira : "Des êtres souffrants et la souffrance des êtres".

A travers ces deux anecdotes, nous comprenons mieux la signification de la phrase: "Oublier soi-même au profit des choses extérieures". En effet, les canards sauvages se sont envolés hors de notre vue, mais la faculté de la vue demeure. Si nous reconnaissons cette authenticité en nous, nous pourrons atteindre l'éveil. Quant au coassement des batraciens pourchassés par le reptile, le maître Cảnh Thanh l'a bien entendu, pourquoi a-t-il encore questionné son assistant? La réponse innocente de ce dernier a fait soupirer le maître: "Des êtres souffrants et la souffrance des êtres". L'appel de détresse des batraciens exprime la souffrance des êtres vivants; et le fait d’entendre les cris du batracien sans se rendre compte de sa connaissance auditive fait partie du lot des êtres souffrants. L'homme poursuit obstinément les six objets de connaissance au point de s’oublier soi-même. C'est ainsi qu'il se ligote et se laisse entraîné dans le cycle des renaissances, avec la vaine conviction de prendre soin de lui-même, alors qu'en réalité il s'est oublié complètement.

4.2 Attachement A L’entité Physico-Psychique Comme Un Véritable "Soi".

Nous sommes tous persuadés que cette forme physique constitue notre corps et que ce mental souvent agité est bien le nôtre. Un examen approfondi devra s’opérer afin de voir si cette vision est bien fondée.

Bouddha a dit que notre corps physique est constitué à partir de quatre éléments fondamentaux: le composant solide provenant de l'élément Terre, le composant liquide provenant de l'élément Eau, la chaleur venant de l'élément Feu, le mouvement venant de l'élément Vent. Il suffit qu'un de ces quatre éléments fasse défaut pour que le corps physique cesse de fonctionner. Ces quatre éléments dénommés éléments internes requièrent l’apport continuel des éléments externes afin de fortifier et de maintenir en vie ce corps. L’équilibre d’approvisionnement se fait par l'intermédiaire de l'alimentation adéquate et de la respiration régulière. Tout obstacle interrompant ce déroulement fragilise le corps et augmente les risques de maladies plus ou moins graves pouvant le mettre en péril. De nos jours, la médecine a reconnu que ce corps est constitué par une multitude de cellules classées en plusieurs sortes ayant chacune une fonction spécifique capable d'assurer le bon fonctionnement de ce corps. Ces cellules subissent elles-mêmes des transformations qui conditionnent la croissance et la dégradation de l’organisme. Etant donné que le corps est constitué à partir de ces quatre éléments ou à partir des cellules, le vrai "moi" n'existe pas, même après examen global ou détaillé de ce corps. Puisque le "moi" n'est pas vraiment contenu dans ce corps, c'est stupide et illusoire de croire à l'existence du "moi" et en conséquence à tout ce qui appartient au "moi". Tenant compte de cette non-existence du "moi", Bouddha désigne ce corps comme étant le "non-soi". A l'heure actuelle la médecine a beaucoup progressé. Elle a permis par exemple de guérir l'anémie par une transfusion de sang du même groupe, ou bien de greffer des organes sains en remplacement des organes endommagés permettant ainsi de sauver tant de vie humaine grâce à des dons d'organes. Se basant sur ces exemples et en supposant que le sang fait partie du "moi", une fois transfusé dans un autre corps où aura lieu le mélange des deux sangs du donneur et du receveur, le sang mélangé a perdu son caractère égotiste. Il en est de même pour d'autres organes vitaux. De plus le progrès moderne a rendu possible la fabrication de cœurs artificiels en matière plastique ou autre, très souvent utilisés dans des greffes cardiaques. Dans ces cas, le patient qui a bénéficié d'un tel cœur n'est plus complètement lui-même, de ce fait admettre que ce corps fait partie du "moi", c'est faire preuve d'absurdité.

De même il est aussi inconséquent de considérer un mental affairé ou agité comme le sien! Notre esprit devra être unique et omniprésent à travers le temps. Présentement il est sollicité de toute part par toute sorte d'émotions occasionnées par des pensées diverses : bonne/méchante, vraie/fausse, intention bonne /mauvaise, amour/aversion… Lequel de ces états émotionnels fait partie intégrante du "moi" ? Si nous identifions ces pensées variables et inconstantes comme le "moi", lorsque nous n’émettons pas de pensée, le "moi" ne devra pas exister! Or, nul ne peut accepter que l’absence de pensée équivaut à la disparition de "moi", car même sans réfléchir, le "moi" est bien présent. Il arrive que lors du vagabondage du mental, dès que l'individu cherche à situer le point d’émergence de ses propres pensées, celles-ci se sont subitement volatilisées. La disparition de ces pensées, un produit de l'esprit prouve en fait qu'elles ne sont pas réelles. Par conséquent, le "moi" dont elles font partie est une utopie, une chimère. A vrai dire, notre esprit n’est pas un composium de tout, tantôt présent tantôt absent, et surtout il n’est pas une notion illusoire. Cela mérite un examen plus approfondi.

Ainsi admettre que cette forme physique soit notre "moi", que ce tohu bohu de mental fasse partie intégrante de notre "moi", alors que pour le non-vrai, l’illusoire est admis comme le "moi", prouve que le "moi" authentique a été masqué. Cela revient à "oublier soi-même". Pour pouvoir dissiper cet obscurcissement afin de découvrir le "moi" authentique, la pratique de la méditation s'impose.

V. S'OBSERVER SOI-MÊME / PHẢN QUAN TỰ KỶ

C’est s'éclairer soi-même afin de guérir la maladie de "l'oubli du soi", de supprimer toute affliction masquant la connaissance, d’écarter les opinions préconçues, les idées fixes empêchant de voir la vérité.

5.1 A Libérer Des Afflictions Qui Nous Obscurcissent.

Les soucis et tracas perturbent et voilent le cœur intime tout en empêchant l'intelligence de s’éclairer. Il existe plusieurs sortes d’afflictions dont les "Cinq empêchements" tels que la cupidité, la colère, la torpeur, l’agitation, le doute et la pensée négative qui sont les plus basiques. Ils sèment pas mal de troubles et d'obstacles aussi bien aux religieux qu'aux laïcs. Toutefois, pour un individu ayant su s’observer soi même, ils ne représentent qu'un sombre nuage, un amas de brouillard ou encore un tour d'illusionniste ne suscitant d’aucune crainte. Si l'on se donne la peine d’observer profondément la nature propre de ces troubles, alors ils se dissipent, tandis qu’une erreur d'appréciation sur leur nature véritable peut être la source d'incalculables impulsions dévastatrices. "Eclairer soi-même" est comparable à l'épée de la Sagesse ou au miroir magique faisant dissiper toutes souffrances fantomatiques. En revanche, celui qui s'oublie en poursuivant tout phénomène extérieur offre aux faiseurs d’afflictions la bonne opportunité de bien développer leurs activités négatives.

5.2 A Détruire Les Opinions Préconçues Et Les Idées Fixes

La société et la famille au sein desquelles nous vivons nous ont inculqué des mœurs et coutumes qui, une fois brassées avec les sentiments personnels, finissent par former, modeler des opinions préconçues, des idées fixes, lesquelles sont à l'origine des erreurs pouvant devenir dangereuses pour l'être humain lui-même et pour l'humanité. Ainsi, du moment que l'on est convaincu que Monsieur A est bon, que Monsieur B est mauvais, même si A commet d'impair énorme, A demeurera impeccable. Par contre pour B, quoiqu'il fasse, ce sera toujours inconvenant. Dès le début, si telle chose est considérée comme vraie et telle autre non-vraie, l'être humain a tendance à apprécier celui ou celle qui partage son avis et à réprouver celui qui n'est pas du même avis, l'accueil étant favorable aux partisans et hostile aux antagonistes. Des idées arrêtées telle que sa propre religion est bonne et que les autres sont mauvaises… constituent des germes de séparation et d'animosité. S'éclairer soi-même, c'est annihiler les remparts des idées fixes, c'est supprimer les murs d'opinions préconçues afin de laisser pénétrer la lumière de la vérité permettant une vision juste des êtres et des choses, tels qu'ils sont en réalité, sans modèle imposé les réduisant à l’uniformité. Nous les verrons tels qu'ils sont tout simplement, sans comparaison ni ajout, diminution et contrainte.

Citons quelques exemples :

● Un jour en déplacement, le maître Nam Tuyền ainsi que Qui Tông et Ma Cốc ont aperçu un tigre accroupi au milieu du chemin. Ma Cốc dit : "A quoi ressemble cet animal ?" Qui Tông répond : "A un chien". Ma Cốc dit qu'il ressemble "à un chat". Pour Nam Tuyền : "c'est tout simplement un tigre". Un tigre reconnu en tant que tel, c'est-à-dire un tigre. Voilà il s’agit de la vision thiền.

● En se rendant à une ville, le maître Quế Sâm, ainsi que les maîtres Trường Khánh et Bảo Phước ont vu un carré de pivoines. Tout de suite Bảo Phước s'exclama: "Voilà de jolies pivoines". Alors Trường Khánh commenta : "Ne laissez pas votre regard rivé sur la fleur". Quant à Quế Sâm, il se contente de soupirer: "Quel dommage pour une fleur !". Une fleur, c'est une fleur. Pourquoi chercher à l'embellir, à l'entourer de sollicitude et se priver ainsi tout simplement de sa présence?

● Devant une grande assemblée de moines, le maître Vân Môn brandit un bâton en disant: « Ce bâton est réel pour les profanes, et "rien" selon les Dviyāna /Deux véhicules /Nhị Thừa. Pour les Pratyeka-buddha /Eveillés solitaires /Duyên Giác), il constitue "l’illusion", alors que les Bodhisattva, ils le considèrent comme "vide dans sa propre nature, la vacuité ". Quant au maître thiền, il voit le bâton tel qu’il est », c’est à dire simplement le bâton sans chercher à l'analyser, à le pénétrer, l’esprit étant totalement libéré de toutes idées préconçues ou opinions arrêtées.

5.3 La Découverte De L’être Authentique En Soi

Plus l’on cherche à voir plus profondément en soi-même, plus l’on découvre la vérité en l'homme. Le Sūtra du Cœur dit : "Avalokiteśvara Bodhisattva/ Bồ Tát Quán Tự Tại excella dans la pratique profonde du Prajñāpāramitā, il reconnut la vacuité des cinq agrégats/skandha et se libéra de toutes les souffrances." Reconnaître profondément que l’homme à travers sa forme physique et son entité psychique telles que les sensations, perceptions, formations mentales et la conscience, n’a pas de nature propre, cela nous aide à surpasser toutes les souffrances de l’existence. De nos jours, tant de souffrances s'abattent sur notre tête qu'il est difficile de la relever, car nous croyons que notre corps ainsi que notre esprit existent réellement. Le fait de reconnaître que ce corps n'a pas de nature propre fera basculer tous les chagrins et souffrances dans le néant. Ainsi la découverte de la nature illusoire de l'être humain permet de se débarrasser enfin de toute atteinte de la souffrance.

C'est un événement merveilleux et inimaginable que de découvrir la vraie authenticité de l'homme. Dans le Sūtra du Lotus/Saddharma Pundarika/Pháp Hoa, il est décrit l’oubli de notre vraie nature à travers le personnage d'un misérable délaissant son père pour une vie errante, malheureuse et affamée. Un jour il s'est souvenu de son père et s'est remis à sa recherche ; il finit par retrouver son père devenu richissime à présent. Mais la richesse et la gloire de son père l'effraient, aussi il n'ose pas se montrer et se faire reconnaître. De son côté, ayant reconnu son fils, le père emploie des moyens habiles pour amener son fils à accepter d'être son employé d'abord, puis il le reconnaît officiellement à la fin comme son héritier avant de lui léguer tout son héritage. Un tel événement a surpris, stupéfié et terrifié ce misérable fils. Désormais sa vie errante et malheureuse prend fin. Cet individu ne savait pas qu'une fortune inestimable l'attendait pendant qu'il vivotait dans la misère. Il lui suffisait de s'y reconnaître et de retourner chez soi. L'histoire de la pierre précieuse cousue au pan de l’habit par son ami, à l'insu du pauvre homme, en guise de cadeau utile, traduit également la même idée.

Au cours d'un déplacement à cheval le maître Úc de Trà Lăng à l’époque des Song en Chine traversa un pont, son cheval se coinça une patte dans une planche défectueuse et renversa le maître. Tout de suite celui-ci acquit l'éveil subit et composa ce quatrain:

                    Je possède un brillant joyau
                    Enfoui depuis longtemps dans le monde de misères.
                    Aujourd'hui, débarrassé des poussières,
                    Il brille et éclaire partout montagnes et océans.


Il existe bien d’autres anecdotes intéressantes que je ne pourrais pas toutes vous citer.

VI. LE BUT DE LA MEDITATION ET DE LA SCIENCE

Le but de la Science est d'asservir la nature à l'homme, alors que la Méditation a pour but de découvrir l'homme véritable afin de délivrer les êtres vivants de la souffrance. Servir l'homme et secourir l'homme sont analogues quoique leur direction diffère. Essayons de les analyser plus profondément.

6.1 La Méditation En Position Assise Est-Elle Une Attitude Négative ?

A l'heure où le temps compte pour de l'argent ou même de l'or, il existe encore des pagodes dans lesquelles des moines se tenaient assis, immobiles durant toute une partie de la journée. Une personne non avertie pourrait penser qu'ils gaspillent inutilement leur temps. En effet de nos jours, l'homme se lance éperdument après les jouissances, il s'efforce de tirer le maximum de profits possibles afin d'assouvir ses propres besoins. Pour y parvenir et même arriver en gagnant, il s'est précipité dans des courses folles, des bousculades redoutables au point de s'oublier lui-même, tout en étant convaincu de travailler pour soi, de se préoccuper pour sa propre condition, en ramassant tout pour soi. Pourtant, si quelqu'un lui pose cette question : "Connaissez-vous qui vous êtes ?’’, il sera sidéré, car il ignore tout de lui-même. En s’ignorant lui même, son travail, ses préoccupations, ses démêlés deviennent ainsi insensés. Tandis que le moine étant assis en méditation, silencieux, vise à s'éclairer et à découvrir son véritable "soi". Une fois reconnu soi-même, la vie prendra plus de valeur et le travail davantage de sens pour lui.

Le bouddhisme admet que l'homme est le plus important et que les événements extérieurs ne sont que secondaires. Si l'homme est doué et bon, son environnement l’est aussi. En revanche si l’homme est médiocre et mauvais, les événements extérieurs le sont également, puisque l'environnement dépend de l'homme. Aussi le monde environnant ne peut être façonné que par la volonté de l’homme. Dans le langage bouddhique, l’homme représente "la rétribution principale/Chánh báo", les phénomènes extérieurs "la rétribution secondaire/Y báo". En effet, la maison dépend de son propriétaire. Pour bien comprendre les fondements de construction d’une maison, il est bon de connaître d’abord la personnalité du propriétaire. Le bouddhisme conçoit que, pour connaître l'univers, il faut d'abord connaître l'homme. La méconnaissance de la nature humaine conduit à la connaissance imprécise de l'univers. Le Bouddha a complètement pénétré la nature humaine après son Eveil, et du même coup il a pu saisir les lois de l'univers. La Méditation assise est propice à la découverte de la Vérité sur l'homme. Ceci est un point essentiel. Aussi est-il impensable de dire que la méditation assise est négative!

6.2 La Science A La Conquête De La Nature A-T-Elle Atteint Son Etat Suprême ?

L'univers est immense et illimité. En revanche, la vie humaine est tellement courte, la compréhension humaine limitée, comment l'homme peut-il prétendre connaître à fond l'univers ? De nos jours, nombreux sont ceux qui considèrent la science comme le sauveur de l'humanité, en apportant bien-être, confort et satisfaction aux besoins de l'homme. Le développement vertigineux de la science nous incite à la méfiance, quel sera donc l'avenir de l'homme ?, se demande t on incessamment.

En effet, la science est un couteau à double tranchant, d'un côté elle nous procure beaucoup d'avantages et de commodités, de l’autre elle nous amène à la destruction.

Actuellement, nous voyons partout des magasins gorgés d'ustensiles, d'appareils ultra modernes et sophistiqués, les routes bondées de voitures rutilantes. Mais en même temps se multiplient dans le monde des caches d'armes meurtrières, des bombes atomiques dévastatrices, des bombes à hydrogène, des bombes bactériennes, chimiques etc… prêtes à exploser dès l'enclenchement. Il est à craindre que la science ne cause plus de frayeur et d'angoisse à l'humanité qu'elle ne procure du bonheur aux humains. Dans ce cas, devrions-nous nous réjouir ou nous inquiéter face aux prodigieux progrès de la science ?

6.3 La Méditation En Coopération Avec La Science

Loin de mes intentions de vouloir expressément chercher à semer la panique, le désespoir, le désenchantement dans votre esprit en décrivant ces observations, je voudrais émettre quelques suggestions nous permettant de trouver ensemble un moyen efficace pour essayer de soigner le mal du siècle.

La science progresse trop rapidement. Les pays avancés rivalisent entre eux en spéculant sur la science, dans une course effrénée sans égale. Il arrivera un jour où la surproduction nécessite des compétitions en vue de trouver des débouchés, d'où rivalités entre les différentes nations qui en sortent soit vainqueur, soit vaincue. Etant donné que chaque pays avancé possède ses propres armes pouvant anéantir facilement l'ennemi, si le pouvoir gouvernemental se trouve entre les mains des dirigeants violents et surexcités, à quelles conséquences catastrophiques pourrait-on s'attendre? Il me semble que le meilleur remède efficace pour guérir cette maladie du siècle sera de toute évidence la coopération étroite de la Science avec la Méditation. En s'élançant à la conquête de l'univers, il est bon de se réserver un peu de temps pour s'asseoir tranquillement et s'éclairer soi-même. L'équilibre entre ces deux états extrêmes apporte de la vraie paix à l'homme. De plus les armes dangereuses laissées entre les mains des individus violents, impulsifs risquent de provoquer d'incalculables conséquences graves. En revanche, ces mêmes armes confiées à des êtres pondérés et compatissants constituent une source d'innombrables avantages. Il est plus à craindre la cruauté humaine que les armes terrifiantes proprement dite. Ne sera-t-il pas judicieux d'offrir un cœur compatissant et un esprit serein à l'ami possédant les armes dangereuses? A condition que le donneur soit un être vraiment vertueux et clairvoyant, maître de lui et qui affectionne tout le monde. Si l'on souhaite voir l'humanité de demain vivre dans la joie et le bonheur, il faut que la vertu et la science s'équilibrent.

CONCLUSION

Rien n'est plus précieux en ce monde que "la vie elle même". Aucune connaissance du monde n'est plus importante que la connaissance de "soi". Toute sa vie durant, Bouddha n’accomplit que ces deux tâches: "Chercher à reconnaître ce qui n'est pas réel et ce qui est vrai en soi et pouvoir enseigner aux êtres la pratique de la vision profonde leur permettant de reconnaître clairement la vraie nature de soi." Cette méthode qui consiste à réaliser une introspection jusqu’aux tréfonds de soi afin de mieux s’observer n’est autre que la pratique de la Méditation. L'essentiel pour l'homme est la reconnaissance de soi-même, et cela vaudra mieux que la connaissance entière des cinq continents et de l’univers. Il n’est pas une chose ordinaire que de sacrifier toute sa vie pour rechercher et découvrir cette énigme capitale. Guider les êtres vers cette quête est primordial. Conscients de l'urgence et de l'importance de cette recherche, nous sommes déterminés à consacrer toute notre vie afin de pouvoir réaliser la Méditation bouddhique Thiền Tông, et d’aider les autres êtres à s’accomplir également dans cette Voie. Voilà tous nos vœux et espérances.
 

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