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   Hôm nay Thứ tư, 06/11/2024 - Ngày 6 Tháng 10 Năm Giáp Thìn - PL 2565 “Tinh cần giữa phóng dật, Tỉnh thức giữa quần mê, Người trí như ngựa phi, Bỏ sau con ngựa hèn”. - (Pháp cú kệ 29, HT.Thích Minh Châu dịch)
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 Thiền Phái Trúc Lâm Việt Nam Thế Kỷ 20-21

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Chương 6 - SOURCE ORIGINELLE DU BUDDHADHARMA

SOURCE ORIGINELLE DU BUDDHADHARMA

Ce texte ne se veut pas une argumentation ni une prise de position dans les querelles d’interprétation des différentes lignées du bouddhisme, mais plus simplement un exposé de ce que je ressens dans ma pratique religieuse. Certains passages sembleront de ce fait peu précis, alors que certains autres seront plus longuement explicités. La prise en compte de ces éléments devrait aider le lecteur à mieux cerner mon point de vue.

La plupart des bouddhistes sont fiers de constater que le bouddhisme est considéré comme la Voie de l’Éveil et de l’Émancipation. Mais comment se réalise cet éveil et de quoi se libère-t-on ? Peu de gens le savent réellement. S’ils ne comprennent pas cette question fondamentale, méritent-ils d’être considérés comme disciple du Bouddha ?

Pour comprendre réellement la réalisation originale de l’Éveil, il est nécessaire de remonter le courant de l’histoire et de rechercher les raisons primordiales qui ont incité le Prince Siddhārtha à tout quitter pour s’engager dans cette quête spirituelle.

LES MOBILES DE LA QUÊTE SPIRITUELLE DU BOUDDHA

En lisant l'histoire du Bouddha, tout le monde se rappelle que le Prince Siddhārtha sortait de son palais par les quatre portes principales. Au cours de ses déambulations, il prit conscience des réalités de la vieillesse, de la maladie et de la mort. Il décida alors de tout quitter pour se consacrer à sa recherche spirituelle. Si on se limite à cette constatation, on n’aura qu’une vue trop superficielle et on ne comprendra pas que c’est là le problème crucial qui motiva sa quête spirituelle. Face à la réalité de la vieillesse, de la maladie et de la mort, Il se posa des questions : « Pourquoi depuis toujours l'homme accepte-t-il cette loi incontournable ? Y a-t-il un moyen de se libérer de ces trois souffrances ? » Ce sont les questions essentielles que toute l'humanité n'a jamais osé soulever jusqu'alors. Désormais, elles occupaient entièrement son esprit.

Tant qu’Il n’eut pas trouvé la solution, Il perdit tout goût pour les plaisirs de la vie. Le palais doré ne fut plus pour lui qu'une prison. Il était en proie à cette question qui l'agitait jour et nuit l'empêchant de bien manger et de bien dormir : « Y a-t-il un moyen de se libérer de la vieillesse, de la maladie et de la mort ? » Cette question hantait tellement son esprit qu’elle apparaissait en toutes lettres sans relâche devant ses yeux rendant son entourage malheureux et inquiet pour son état, mais Il demeura imperturbable. Pour trouver une réponse à cette énigme, Il avait dû renoncer aux délices de sa vie, fuir cette prison où régnait un luxe suprême afin de pouvoir mener à bien cette quête spirituelle.

« Y a-t-il un moyen de se libérer de la vieillesse, de la maladie et de la mort ? » La réponse à cette question constitua un objectif qui continuait à le tarauder sans cesse. Parfaitement conscient des multiples dangers et des difficultés diverses le guettant sur le chemin de la découverte, Il devait partir et trouver la solution, faute de quoi sa vie n’aurait été qu’un arbre mort, qu’un brin d'herbe desséché. Dans un tel contexte, rester dans le palais doré avec sa famille - jolie épouse et enfant sage -, et avec les odalisques et belles suivantes - courtisanes et filles d'honneur -, aurait été un non-sens, et le problème de la vieillesse, de la maladie et de la mort n’aurait jamais été résolu.

LA QUÊTE SPIRITUELLE ET L'ILLUMINATION

Son esprit était tellement assailli par ce questionnement : « Y a-t-il un moyen de se libérer de la vieillesse, de la maladie et de la mort ? » que le Prince Siddhārtha outrepassa tous les dangers. Quelles qu'aient été les circonstances, Il ne se découragea point. Il alla trouver les grands maîtres spirituels de son temps, tels que Ᾱlāra Kālāma** et Uddaka Ramputta** qui lui apprirent successivement les quatre états de Méditation du Calme mental* et les quatre états de Concentration sur le Néant* dont le dernier est la sphère de ni-cognition et de ni non-cognition*. Il réussit à les maîtriser rapidement. Comme l'obtention de ces états ne le satisfaisait nullement pour mener sa quête, malgré les propositions insistantes de ses maîtres spirituels, il décida de les quitter. Il essaya alors la méthode ascétique en espérant qu'avec la pratique de mortifications, Il pourrait atteindre son but. Malheureusement durant ses six années de pratique rigoureuse, Il ne parvint pas à son but. Il abandonna donc l'ascétisme douloureux pour adopter une vie religieuse plus conventionnelle. Il entreprit alors sa propre méditation sous l'arbre Bodhi* et entra graduellement dans des états profonds de méditation.

Après quarante-neuf jours et quarante-neuf nuits consécutifs de méditation, Il réussit à démêler la question qui l'avait hanté pendant onze ans. Il avait percé les mystères de Samsāra* et trouvé la clé pour se libérer de cet asservissement à la vieillesse, aux maladies et à la mort. Ainsi, Il avait transcendé les lois qui régissent la vie humaine depuis son commencement. Ce fut avec une exultation immense qu’Il déclara avoir atteint le Saṃbodhi* d'un être totalement éveillé nommé Bouddha. C'est ainsi qu'Il apporta la réponse à ses doutes : « Pourquoi l'homme devrait-il subir indéfiniment la vieillesse, la souffrance et la mort ? » et « Y a-t-il un moyen de se libérer de la vieillesse, de la maladie et de la mort ? » Désormais, le Bouddha va enseigner le Dharma* à son prochain, lui permettant ainsi de se libérer de la loi universelle : vieillesse-maladie-mort. C'est pour cette raison que le bouddhisme est considéré comme Voie de l'Illumination et de l'Émancipation.

LE BOUDDHA EXPOSE LA RÉALISATION DE SON EVEIL

En premier lieu, le Bouddha est allé à Isipatana**, le parc aux cerfs, témoigner de son Éveil auprès de ses cinq compagnons d'ascétisme dont Koṇḍaῆῆa est le principal du groupe. La naissance, la vieillesse, les maladies et la mort constituent Dukkha* -Souffances.

Dukkha ne se produit pas de façon fortuite, mais provient de racines profondes dont les principales sont l'attachement, la colère, l'ignorance, l'orgueil, la suspicion et la vue erronée, regroupés avec d'autres causes accessoires en Samudaya* - Origines de dukkha.

Pour éliminer l'origine de dukkha sera Nirodha* - Cessation de dukkha, plus connu sous le nom de Nirvāṇa.

Pour supprimer toutes les origines de souffrance, il faut recourir à la pratique du Noble Sentier Octuple* - Magga*.

Dukkha est le fruit dont la graine est Samudaya. Cette Production Interdépendante* de cause à effet engendre le cycle sans fin de morts et de renaissances.

Nirodha est l’effet, Magga la cause. Cette Interdépendance*, une fois disparue, conduira à la cessation de Saṃsāra.

Bouddha a consacré des années à sa quête de la vérité sur la vieillesse, la maladie et la mort. Pourquoi alors les hommes se résignent-ils à les accepter et à toujours continuer ainsi ? Le Bienheureux a bien vu que ces souffrances prennent naissance à partir de Kleśa* - l'attachement, la colère, l'ignorance... Dans cette conjoncture, en coupant les racines de ces poisons mentaux, l'arbre qui porte la naissance, la vieillesse, la maladie et la mort ne pourra plus survivre. Cependant il faudra, pour cette coupe, la hache bien tranchante qu’est le Noble Sentier Octuple... Cette vue ou compréhension authentiquement juste, relevant au niveau transcendant d'un être illuminé, fait partie des quatre Nobles Vérités* constituant les premiers enseignements de Bouddha.

Dans d'autres circonstances, le Bienheureux expose les douze Origines Conditionnées* comme un cercle à douze anneaux qui tourne en trois temps dans le passé, le présent et le futur, entraînant sans répit l'existence humaine dans le cycle de renaissances. L'enchaînement des phénomènes commence par :

1 De l'ignorance [p/Avijjā ; v/Vô minh] dépendent les formations mentales.
2 Des formations mentales [p/Saṇkhāra ; v/Hành] dépend la conscience.
3 De la conscience [p/Viῆῆāṇa ; v/Thức] dépendent le mental et le physique.
4 Du mental et du physique [p/Nāmarūpa ; v/Danh sắc] dépend la réceptivité des six sens.
5 De la réceptivité des six sens [p/Salāyatana ; v/Lục nhập] dépend la sensation.
6 De la sensation [p/Phassa ; v/Xúc] dépend la perception.
7 De la perception [p/Vedanā ; v/Thọ] dépend la manifestation du désir.
8 Du désir d’attachement [p/Taṇhā ; v/Ái] dépend la saisie ou préhension.
9 De la préhension [p/Upādāna ; v/Thủ] dépend l'existence.
10 De l'existence [p/Bhava ; v/Hữu] dépendent les processus de la naissance, de la vieillesse, de la maladie et de la mort.
11+12 Naissance-vieillesse-maladie-mort [p/Jāti-Jāra-Vyādhi-Maraṇa ; v/Sanh-lão-bệnh-tử].


C'est bien l'enchaînement de la cause à l'effet, et de l'effet à la cause de Saṃsāra* - tout le processus de la naissance, de la vieillesse, des maladies et de la mort - qui se reproduit sans cesse. Si on arrive à couper le premier anneau, l’Ignorance, tous les autres anneaux du cercle se briseront. Ou encore, si nous coupons les deux anneaux médians qui sont le désir d'attachement et la préhension, les derniers se rompront également, et le Saṃsāra cessera. Ainsi, les douze Origines Conditionnées se subdivisent en deux processus, la concaténation qui entraîne le Saṃsāra et la suppression l’ordre inverse qui interrompt le Saṃsāra. Le méditant bien entraîné dans la Vision pénétrante* réalise l'éveil sur la vraie raison de l'existence humaine et fait dissiper l'Ignorance, d’où la suppression du cycle à son anneau initial. La personne qui délaisse l'attachement aux plaisirs, se libère de l'appropriation. Ces deux derniers anneaux du temps présent étant ainsi tranchés, la cause qui engendre la re-naissance disparaîtra. C'est alors que se brisera le cercle à anneaux des douze Origines Conditionnées.

À partir des deux cas précités, le Bouddha a exposé clairement l'origine et l'aboutissement d'une énigme qui fut au centre de sa quête pendant de nombreuses années. Il a affirmé qu'une vision comme celle-là est aussi vraie que le jour et que sa mise en pratique, de façon conforme, donnera des résultats incontestables. Ainsi le Tathāgata* a résolu l'énigme de sa quête spirituelle. Il va alors donner son enseignement aux gens qui ont manifesté la détermination de résoudre le problème de leur naissance et de leur mort. Sa découverte est d'une telle importance que depuis des siècles jusqu'alors, personne, dans toute l'humanité, n'avait osé songer à le résoudre. Une telle découverte sans précédent ne peut être que l’œuvre d’un être doué d'un courage extrême, d'une volonté de fer pour oser poser le problème et soulever la question. Pour cet être extraordinaire, c'est précisément le doute mené à l'extrême qui est à l'origine de son Illumination. Dorénavant, il est bien évident que la clé est maintenant devant nous, il nous suffit de tendre la main pour la prendre afin de pouvoir ouvrir la porte de l’éveil.

DEVANT UN PHÉNOMÈNE S'OFFRENT PLUSIEURS PRATIQUES DE BUDDHADHARMA

Un même phénomène peut être appréhendé de manières différentes selon le Dharma pratiqué. Comme l'essentiel est de faire se dissiper l'ignorance et d’aider les êtres sensibles à se délivrer des différents attachements, le Bhagavant* dispense, pour chaque niveau de compréhension, un enseignement spécifique d'observation et de pratique.

Le maître zen Vân Môn**, pour illustrer cela, se présenta devant un auditoire et montra sa canne en disant : « Les personnes ordinaires voient la canne comme une réalité. Les Auditeurs - Śrāvaka*- l’analysent comme un rien. Les Éveillés Solitaires - Pratyeka-buddha*-, rompus aux exercices de l’Interdépendance Conditionnée* la perçoivent comme une chimère. Les Bodhisattva* la considèrent vide dans sa nature propre. Les Maîtres zen* la voient telle qu'elle est. Aussi, pendant la marche, ils ne font que marcher, et quand ils s'assoient, ils ne pensent qu’à s'asseoir et ne s'écartent pas de cet état. »

Quand les gens ordinaires aperçoivent la canne, ils la croient réelle et commencent à distinguer le beau du laid, puis à aimer ce qui est beau et à détester ce qui est laid. Quand nous aimons quelque chose, nous désirons qu'elle nous appartienne. Cela se nomme le désir de la préhension. Le désir et la préhension conditionnent ainsi l'existence et la naissance-vieillesse-maladie-mort de la prochaine vie. C’est bien en cela qu’ils sont à l’origine du Saṃsāra. Pour dissoudre ce désir d'attachement, le Bhagavant enseigne aux Deux Véhicules* d'utiliser la vision pénétrante* pour reconnaître, à la vue d'une canne, qu'elle est impermanente, aujourd'hui encore bien conservée, demain usée et décomposée pour redevenir néant. Si l'on regarde les choses aussi profondément que cela, l'attachement à celle-ci disparaîtra. Se basant sur la discrimination des phénomènes qui se transforment et se dégradent au cours du temps, on arrivera à se libérer de ce désir de préhension.

Dans le même but de rompre cet attachement, le Bhagavant apprend aux Pratyeka-buddha à observer la canne selon les douze Origines Conditionnées*. La canne prend forme à partir de l'interaction des quatre éléments fondamentaux tels que la terre, l'eau, le vent et le feu. La canne existe grâce au concours de certaines conditions et disparaît une fois que celles-ci ne sont plus réunies. Elle n'est alors pas plus vraisemblable qu'une chimère. Les Pratyeka-buddha voient alors la canne comme une illusion et n'éprouvent plus d'avidité. L'attachement étant ainsi tranché, le Saṃsāra cesse aussitôt.

Les Bodhisattva possédant la connaissance parfaite des Origines Conditionnées n'ont plus besoin de s'y référer pour leurs analyses. En voyant la canne, ils savent que celle-ci n'a pas d'entité intrinsèque réelle, car toutes choses apparentes sont de l’ordre de la vacuité. Avec une telle vision des phénomènes, les Bodhisattva n'éprouvent plus le désir d'attachement à la canne. Ainsi se termine le Saṃsāra.

Quant aux Maîtres zen, lorsqu'ils voient la canne, ils considèrent exactement ce qu'elle est, c’est-à-dire telle quelle est. Pourquoi ? Parce que pour celui qui a réalisé l'essence du zen, l'esprit* ne court plus après les phénomènes. L'esprit restant en équanimité, la canne apparaît tout simplement comme une canne.

Par ailleurs, le suivi de la dégradation dans le temps jusqu'à l'anéantissement de la canne constitue le concept conventionnel enseigné par Bouddha. En suivant ce concept préétabli, on refuse, au temps présent, l'existence « réelle » de la canne. C’est une vision profonde qui transcende la réalité. Cependant, la dépendance temporelle de ce concept risque de rendre pessimistes les pratiquants des Deux Véhicules*. Quant aux Pratyeka-buddha, ils observent la canne selon la Production interdépendante*, c’est-à-dire non réelle comme une illusion, quoique substantiellement existante. C'est aussi une vision modèle du Bouddha qui permet de voir dans l'espace l'interaction entre les entités individuelles. Parler de l'interdépendance des phénomènes, c'est reconnaître que l'objet est « rien » en « lui-même ». Et, comme il est non réel, comment sa nature pourrait-elle être vraie ? De là, on peut réfuter la valeur substantielle de la canne.

Le concept de l'Interdépendance Conditionnée*, issu de l'enseignement de Bouddha, revêt également une apparence annihilable.

Quant au Bodhisattva, il n'a plus besoin d'utiliser cette vision pénétrante car, avec son esprit bien exercé, lorsqu'il regarde la canne, il reconnaît immédiatement qu'elle est « rien ». Cependant, il s'agit également d'un modèle déjà conçu et tiré de l'enseignement du Bouddha.

Le Maître zen opère tout autrement. Quand il voit la canne, il retient simplement l'objet d'une canne, sans laisser s'infiltrer aucune autre pensée et aucune sorte de modèles établis. L'observation de l'existence de la canne telle quelle est se fait avec un esprit d’ainsité*.

Le mental et son objet d'identification, ainsi que la réciprocité, ne subissent aucune interface. Comme l'esprit n'émet aucune pensée, comment la perception du vrai ou du faux pourra-t-elle exister ? Et comme cette dernière n'est pas engendrée, que reste-t-il du désir d'attachement ou de répugnance ? Ainsi, sans désir d'attachement, il n'y aura pas d'appropriation ou de préhension. Il s’en suivra alors la libération des souffrances liées au cycle de la naissance-vieillesse-maladie-mort. L'essentiel, pour le Maître zen, est que, lors du contact avec les phénomènes extérieurs, son esprit n'engendre pas de pensée. C'est pourquoi le dernier vers du psaume du maître de Trúc Lâm "La réjouissance spirituelle dans la vie quotidienne" énonce : "Avec l’esprit non-discriminant vis-à-vis des phénomènes extérieurs, il est inutile de parler du thiền*". C'est décidément la définition la plus concrète du zen.

Le sublime du zen est de pouvoir évacuer tout concept même s'il est aussi juste que les paroles de Bouddha et d'être libéré de toutes interprétations pré-acquises pour regarder les choses telles qu'elles sont, sans émettre aucune sorte de raisons supplémentaires. On est alors en présence d’un être libre et pondéré dont la connaissance ne subit aucune entrave. C'est pourquoi le maître Zen Đạo Giai disait : « En naissant, n'aspirez pas au paradis, et en mourant, ne craignez pas les enfers. Surfez avec détachement sur les trois Mondes*, en surpassant toutes les entraves ».

Après l’exemple de la canne, prenons celui de la rose. En la voyant, les êtres profanes émettent des pensées comparatives concernant, par exemple, la beauté de la fleur, en faisant défiler dans leur mémoire les images du passé afin de les comparer avec celles du présent. Si l'apparence de la rose présente ici et maintenant est inférieure à l'image ancienne, la fleur est jugée laide. En revanche, si elle est supérieure à celle du passé, elle sera décrétée jolie. Cette faculté discriminante nous oblige à retourner sans cesse dans le passé, à trier sans relâche dans notre mémoire une multitude de critères de comparaison. Si à la fin, nous trouvons que la rose est jolie, le désir d'attachement se réveille en nous, nous chercherons à l'acquérir, et si au contraire, elle est laide, l'aversion nous la fera rejeter. Cette façon d’observer la rose relève de la perception sensorielle. Distinguer le beau du laid relève de l'intégration sensorielle qui entraîne le désir, l’attachement et la préhension. Tout ceci conditionne l'origine du cycle de la naissance-vieillesse-maladie-mort de la vie prochaine.

Pour supprimer l'attachement et la préhension, Bouddha enseigna aux Dviyāna* d'observer au cours du temps (la perception temporelle) l'évolution de la rose, épanouie aujourd’hui, fanée demain, pétales détachées le lendemain et tige nue le surlendemain. À partir de la forme présente, la fleur subit sa propre dégradation jusqu'à l'anéantissement complet. Alors rien n'est plus vraisemblable lorsqu'on évoque le beau et le laid (l’intégration sensorielle). L'esprit étant préservé de ce concept dualiste, les sentiments d'affinité ou de répulsion n'auront pas de support pour se développer (Non-attachement). Sans attachement, l'appropriation ne pourra pas prendre corps (Non-préhension). Ainsi, grâce à la contemplation de l'Impermanence*, l'avidité et la préhension disparaîtront, et le Saṃsāra sera rompu.

Les Pratyeka-buddha observent la rose selon la perception spatiale du Bouddha. La rose épanouie est intrinsèquement non réelle, sa forme est réalisée grâce à la configuration de ses pétales et de ses étamines. Elle ne possède pas d'entité propre et se nomme ainsi du fait de l'interaction de plusieurs éléments. Comme elle est conditionnée par cette Production Interdépendante, elle ne peut être considérée que comme une illusion. Par cette vision d'une rose « irréelle », la notion du beau et du laid n'est pas engendrée. Débarrassé de ce concept corrélatif, le désir ne trouvera pas d'attache. Que faire alors de la préhension sans attachement ? C'est grâce à la méditation des Origines Conditionnées que les Pratyeka-buddha arrivent à se défaire de leur désir. Le non-attachement implique donc la cessation de la préhension. Ainsi le Saṃsāra n’est plus alimenté.

Les Bodhisattva excellent dans la contemplation de la Production Interdépendante. Il leur suffit d’une simple mise en présence de la rose (la perception sensorielle) pour reconnaître immédiatement qu’elle est dénuée de nature propre. Cela permet d’affirmer que tout ce qui s’apparente à des formes définies est vacuité. Sans nature intrinsèque, pas de choix à faire entre le beau et le laid (l’intégration sensorielle). Pas d’affect, pas de préférence dans l’attachement. Sans attachement, pas d’engendrement de la préhension. Donc, cessation du Saṃsāra.

A travers ces quatre visions provenant des êtres profanes, des Srāvaka, des Pratyeka-buddha et des Bodhisattva, nous n'avons pas pu identifier la nature fondamentale de la rose. La discrimination des phénomènes s'effectue, soit en se basant sur les illusions du passé, comme le font les êtres ordinaires, soit en se projetant dans le temps futur, comme font les Srāvaka, soit en découpant l’objet en puzzle dans l’espace, comme font les Pratyeka-buddha, soit en suivant le modèle établi, comme font les Bodhisattva. Toutes ces visions, bien qu'elles soient différentes les unes des autres par leur manière de réaliser le Saṃbodhi*, restent toutefois dépendantes des sentiers déjà tracés. Elles ne peuvent ainsi faire ressortir la nature de l’existence réelle des phénomènes.

Quant à la vision du Maître zen, elle est toute autre. Les facultés d'analyse ou de discrimination n'étant pas sollicitées, la rose observée apparaît telle quelle, c'est-à-dire une rose. La fleur est donc identifiée exactement comme elle est apparue. Sans esprit discriminant servant à établir des corrélations, il n'y a pas de formulation de valeurs (l'intégration sensorielle). Sans critères de valeurs, l'affect n'est pas suscité, l'attachement n’est pas produit. Du non-attachement découle la non-réalisation de la préhension. Tout cela conduit à l’extinction du Saṃsāra. La distinction du beau et du laid constitue un concept dualiste qui opérera d’une manière identique pour les sentiments d'amour/aversion ou de préhension/abandon. Tant qu'on garde encore ce concept dualiste, la source du Saṃsāra ne pourra pas se tarir.

Lorsque le Maître zen observe un phénomène, son esprit reste en équanimité. Les pensées n'étant pas émises, les choses sont vues dans leur réelle ainsité. Ainsi, en visitant le maître zen Thiền Lão, le roi Lý Thái Tông lui demanda :
- Ô Vénérable, depuis combien de temps habitez-vous cette montagne ?
Le moine répondit :

Je ne vis qu'au moment présent.
Qui donc reconnaît les saisons d'antan ?

[Chỉ biết ngày tháng này
Ai rành xuân thu trước ]

Le roi poursuivit :
- Quelles sont donc vos tâches quotidiennes ?
Le moine dit :

Bambou vert bleuté, fleurs dorées quel que soit le paysage.
Nuages blancs, lune claire dans toute leur plénitude.

[Trúc biếc hoa vàng đâu cảnh khác
Trăng trong mây trắng hiện toàn chân ]

Qu'il est merveilleux de voir les choses selon leur propre nature. Si nous les observons avec un esprit détaché et serein, sans immixtion d'aucune sorte de sentiments, le concept dualiste vrai/faux, beau/laid, difficile/facile sera dépossédé de son emprise. A ce stade, rien ne nourrit la discussion.

C’est ce qui a conduit la fameuse Linh Chiếu** à dépasser les points de vue de chacun de ses parents Bàng Long Uẩn** dans cette stance : « Ceci n'est ni facile ni difficile, manger uniquement quand on a faim, dormir uniquement quand on a sommeil. » Vivre quotidiennement avec cet esprit d’ainsité*, résoudre selon les besoins des circonstances les problèmes qui surgissent sans esprit calculateur, n'ériger aucun concept, voilà ce qui permet de dire : « Quand j’ai faim, je mange et quand j’ai sommeil, je dors. » Cette vision juste du moment présent se résume ainsi: «Voir juste et comprendre juste.»

QUESTIONS ÉNIGMATIQUES ET EXERCICES DE KŌAN : L’ESSENTIEL DU BOUDDHISME

Le questionnement spirituel se déroule lors de l'entrevue avec le Maître zen pendant laquelle l'adepte lui soumet des questions. Il s'agit d'un ou de plusieurs sujets considérés comme essentiels mais non encore éclaircis au cours de sa quête spirituelle. Le rôle du maître n'est pas d'apporter des solutions, mais de consolider la recherche consciente de l’adepte qui s’intensifie dans le temps pour devenir omniprésente. Le doute une fois poussé à l'extrême, absorbe complètement la conscience du méditant jusqu'à ce que celui-ci oublie tout son environnement, et finit un jour par faire sa "percée" et explose. C'est alors l’éveil, la découverte de l'énigme d'une quête nourrie depuis longtemps. Pour le méditant, il s'agit de la réalisation de la conscience zen*.

La pratique de Kōan relève d’une méthode similaire. Une question énigmatique choisie à partir des sūtra ou de l'enseignement des Patriarches est proposée au disciple zen qui médite longuement et de plus en plus profondément, jusqu'à oublier de manger ou de dormir, au point de provoquer la maturation de conscience avec cette explosion subite qu'est l'éveil correspondant ainsi à la résolution du Kōan. Citons l'exemple de ce Kōan "Toute chose est réductible à l'Un, à quoi l'Un est-il réductible? ". Le doute, nourri dans l'esprit pendant une longue durée, devient tellement intensif que tout autre chose s'évapore de la conscience, hormis ce Kōan qui y règne à lui seul. Voilà l'élément primordial qui amène l'adepte à la réalisation de l’Illumination.

LE SUCCÈS DE L'EXERCICE DU KŌAN  RÉSIDE DANS LA MÉDITATION

Le Bouddha a pu analyser sa quête spirituelle qui l'avait habité pendant onze années consécutives grâce à la pratique de la méditation, et ce depuis son apprentissage avec les maîtres réputés de son temps jusqu'à ce qu'il ait pu réaliser le Sambodhi* au bout de quarante neuf jours et quarante neuf nuits au pied d’un arbre pippal*. Le Saṃbodhi ne survint pas de façon fortuite, mais au prix de nombreuses années d'effort et de concentration aboutissant à l'état non-mental*. C'est seulement lorsque la force du samādhi* est devenue très puissante que la concentration sur un Kōan peut trouver sa force d'éclosion.

Selon la description des sūtra, lorsque le Bodhisattva, assis au pied de l'arbre bodhi*, orienta son esprit vers son passé, Il vit une infinité de ses existences antérieures, réalisant le pouvoir supranaturel qu'est la mémoire des vies antérieures*. Ensuite son esprit s’orienta vers la question de la naissance et de la mort des êtres, Il découvrit instantanément les causes karmiques qui déterminent leur renaissance dans les différents mondes, réalisant la vue céleste ou la vision du saṃsāra*. De même, lorsque son esprit se pencha sur les moyens de libération du saṃsāra, Il appréhenda parfaitement les voies conduisant à la cessation du saṃsāra, réalisant l'extinction des souillures ou des passions* qui masquaient l'Illumination.

Lorsque la force du calme mental se réalise, la Sagesse trouve davantage de facilité pour son développement, comme cela est indiqué dans l'Enseignement sur "l’éthique bouddhique*, la concentration mentale* et la connaissance parfaite*".

L'observance des préceptes éthiques constitue le premier moyen capable de réduire les perturbations environnantes, facilitant ainsi la concentration précise sur un sujet à méditer. Le Samādhi est l'état de calme mental qui n’est ni troublé par le frémissement des " désirs des cinq sens*" ni entraîné par le courant des "sept sentiments"*. Il reste aussi inébranlable qu'une montagne. C'est seulement à ce stade que nous pouvons acquérir la force suffisante pour briser le mur d'ignorance qui obscurcissait notre esprit depuis d’innombrables existences, et appréhender parfaitement le problème que nous cherchons à résoudre. Cela a pour nom la Connaissance parfaite. D'où l'importance de ces trois conditions de l'Émancipation: Sīla, Samādhi, Paῆῆa.

Cependant, le pratiquant zen n’aborde pas dans l'ordre les préceptes éthiques, la concentration mentale et la connaissance parfaite. Ainsi quand il se concentre sur un objectif spirituel, il tient à l’écart toutes les autres préoccupations externes. Cela constitue le Sīla. Il ne se laisse pas troubler par les phénomènes extérieurs (Samādhi). Durant ce calme mental, il vit avec sa sagesse transcendantale, le Paῆῆa. Ce Paῆῆa est la reconnaissance du non-né* qui se réalise dans l'état de calme mental. Celle-ci est encore nommée la reconnaissance du Soi*. Cet état de non-né étant notre propre guide intérieur, le fait de vivre en unicité avec ce "Maître" tout en gardant le contact direct avec tous les événements environnants, nous procure une vision authentique sur les choses. Aussi le deuxième patriache Huệ Khả** a-t-il dit un jour à son maître Bodhi-Dharma** :
- Mon esprit est libéré de tous les états conditionnés.
Le premier patriache chinois lui réplique:
- Prenez garde de ne pas tomber dans le vide!
Huệ Khả s'explique:
- En pleine conscience à tout instant, comment peut-on tomber dans le vide? Bodhi-Dharma lui reconnut l'authenticité de sa réalisation de soi.

Lors du contact quotidien avec les phénomènes extérieurs, si notre esprit ne se laisse pas entraîner par eux et ne subit aucune entrave de leur part, nous atteignons la concentration mentale ; le samādhi qui n’est pas tributaire de la posture assise de méditation ni de l’entrée et de la sortie de la méditation est alors appelé le grand samādhi.

Avec un esprit non-né, non-annihilable, omniprésent et omniscient*, nous accédons à la Connaissance transcendantale. Ce Paῆῆa, cette Connaissance intuitive, nous appartenant depuis la nuit des temps et ne provenant de nulle part, est aussi appelée Connaissance directe ou Compréhension du non-né. Une fois que notre guide a été retrouvé, tous les problèmes deviennent transparents. Dès cet instant, notre perception des choses sera une vue sans discrimination. Tel est le mode de vie du maître zen.

LA MÉDITATION : DÉCOUVERTE, CRÉATION

Méditer signifie éveiller en soi l'esprit d'investigation à l'égard d'un problème essentiel en maintenant l'effort jusqu'à ce que la question finisse par s’éclairer. Le résultat obtenu constitue la découverte d'une énigme qui était occultée jusqu'alors. L'essentiel du zen est donc cette découverte encore nommée le Saṃbodhi* qui est, en fait, le passage de la méconnaissance à la connaissance. En fonction de l'enjeu du sujet à méditer, l'éveil aura des portées différentes. Il en est de même pour les recherches scientifiques. La découverte du savant pourra être plus ou moins importante selon la portée du sujet de sa recherche.

« Hiéron**, le roi de Syracuse avait demandé à un bijoutier de lui fabriquer une couronne royale en or. Comme il doutait de l'honnêteté de cet artisan qui avait utilisé l'amalgame or-argent pour la réaliser, il alla demander l'avis d’Archimède** pour savoir s'il y avait un moyen de découvrir la supercherie sans abîmer la couronne. Le savant eut beau réfléchi pendant longtemps : il ne trouva pas la solution. Un jour, en prenant son bain, Archimède se rendit compte que ses membres immergés dans l'eau perdaient une partie de leur poids. C'est ainsi qu'il découvrit le principe qui porta son nom: " Tout corps plongé dans un liquide subit une poussée verticale, dirigée de bas en haut, égale au poids du liquide déplacé. " Si heureux de sa découverte, il quitta hâtivement sa salle de bains et courut dans la rue en s'écriant "Eureka, Eureka !", c’est-à-dire : « J’ai compris, j’ai compris ! »

La pomme de Newton** qui tombe est un événement fortuit qui aida le physicien à découvrir le principe de l'attraction universelle. Un jour, il était assis sous un pommier en train de réfléchir aux mathématiques. Soudain, une pomme tombant juste devant ses yeux le fit réfléchir sur la force qui attire vers le sol tout objet dans l'air sans l’éjecter en dehors de la Terre. Il se posa alors cette question : "Quelle est donc cette force qui dirige le mouvement de la Lune autour de la Terre, ainsi que celui des planètes du système solaire? " Ce fut les premiers pas de la découverte de la loi de la gravitation universelle qui identifiait la pesanteur terrestre aux attractions entre les corps célestes.

Ces deux histoires nous permettent de comprendre que la découverte des savants naît du fait que la concentration sur un sujet déterminé conduit à la résolution complète du problème. Il en est de même pour l’adepte zen qui, face à une quête de haute importance, se concentre tout autant, lui aussi, jusqu’à la réalisation subite de l’Eveil. Cette illumination est une réalité scientifique ne provenant pas d’une imagination mystique. C’est pourquoi le but du méditant est d’atteindre cet Eveil. Celui-ci n’est autre que la découverte ou la création et non l’enlisement ou la cristallisation du méditant qui devrait attendre jusqu’à la mort pour connaître enfin le résultat de sa pratique. C’est pourquoi, par pratique de méditation, on devra entendre détermination, courage et persévérance, c’est-à-dire oser prendre le risque de mourir afin de pouvoir apprécier ce qu’est la vie.

La méditation forme des hommes courageux capables de découverte ou de création. Elle constitue la pratique essentielle dans la Voie de l'Éveil et de l'Émancipation de soi.

AUCUNE DÉPENDANCE À L'ÉGARD DES ÉCRITURES, UNE TRANSMISSION SPÉCIALE  EN DEHORS DE L’ENSEIGNEMENT

S’interroger sur une question et la suivre suffisamment longtemps jusqu'à ce qu'elle arrive à maturité et explose d'elle-même, voilà ce qu'est l'Eveil. La méthode ne relève pas de l'enseignement issu des sūtra, d'où " aucune dépendance à l'égard des Écritures". La mise en pratique du zen ne se base ni sur "les quatre Établissements de l'Attention* ni sur la méditation sur "la Production Interdépendante*", ou encore sur "la vacuité des êtres et des phénomènes*"..., mais consiste simplement à ne pas laisser notre esprit être envahi par les événements extérieurs. Pour se faire, il ne faut pas émettre de pensées à l'égard des phénomènes extérieurs, d'où "une transmission spéciale en dehors de l’Enseignement". Néanmoins, tant que persistent des questions, l'assujettissement au langage demeure. Dans la tradition zen, affirmer "aucune dépendance à l'égard des mots et lettres" signifie que la récitation ou la prière des sūtra ne sert pas de base pour la pratique.

Aucune poursuite ou aucune discrimination de l’esprit envers des phénomènes extérieurs signifie qu’il s’agit bien "de la transmission spéciale en dehors de l’Enseignement" constituant en réalité le point capital de l'enseignement bouddhique zen. L’essentiel des sūtra consiste à apprendre aux pratiquants à ne pas poursuivre les événements extérieurs et à ne pas s’y s'attacher, ce qui dès lors permet la pacification de l'esprit. Cependant parvenir à cet état, exige du pratiquant l’apprentissage de plusieurs dharma tels que le non-attachement, la méditation sur "l'Impermanence, les impuretés du corps"...afin de pouvoir protéger son esprit des souillure.

L'ultime finalité de l'Enseignement bouddhique réside dans la pratique du zen, à savoir que ce dernier ne suit aucun modèle établi, mais plutôt le chemin de la création. Bien qu'il s'agisse de la voie de création, le zen ne se détourne point du but final de l'Enseignement. C'est pourquoi, tout en faisant mention "de la transmission spéciale en dehors de l’Enseignement", Bodhidharma avait en fait légué au Patriarche Huệ Khả** les quatre tomes du Laṅkāvatāra Sūtra*, et que le cinquième Patriache Hoàng Nhẫn** avait, quant à lui, donné des instructions à Tổ Huệ Năng** sur le Vajracchedikā Sūtra*. Le zen vise directement la voie tracée jadis par Bouddha depuis le premier moment où il a posé la question cruciale : "Pourquoi, depuis toujours, l'humanité accepte-t-elle la naissance-vieillesse-maladie-mort comme une loi incontournable? …Y a-t-il un moyen de se libérer de ces souffrances?" Ce fut la quête que le Bienheureux a nourrie jusqu'au jour de son Illumination.

Aussi, de nos jours, pouvons-nous également nous interroger: Puisque dans les sūtra, il est écrit que "tous les êtres possèdent la bouddhéité*", quelle est donc cette bouddhéité? Si nous poussons ainsi la recherche jusqu'au jour de notre Eveil, comme l'avait fait jadis le Bienheureux, la concordance entre les deux réalisations ne sera plus à démontrer. C'est pour cette raison que la méthode s’intitule " la Voie de l'Esprit de Bouddhéité*". Ainsi, quoiqu'il n’y ait "aucune dépendance à l'égard des Écritures et une transmission spéciale en dehors de l’Enseignement ", le zen représente sans aucun doute le pivot du bouddhisme. C’est le garant de la diffusion de la lignée Buddhacittā*, l'héritier de la Loi authentique bouddhique*, le porteur du flambeau de Buddhadharma*.

GRANDE QUÊTE, GRANDE REALISATION, PETITE QUÊTE, PETITE REALISATION

Selon l’importance de notre quête intérieure, la réalisation de l’Eveil sera grande ou petite. L'interrogation "Avant notre naissance, qui sommes-nous?" est une grande question. Une fois ce problème dépouillé de ses attributs, nous découvrons cet être omniprésent en nous depuis des multitudes d’ères cosmiques*, en d'autres termes nous retrouvons notre "vrai visage originel*" ou la reconnaissance de notre bouddhéité*...

Il peut s’agir aussi de simples questions telles que "Pourquoi les pratiquants bouddhiques devraient-ils choisir le végétalisme comme régime de base ?", ou "Pourquoi devraient-ils pratiquer la méditation?" Nous sommes en présence de ces questions dites minimes pour lesquelles toute réponse sera révélatrice de la portée de notre engagement petit ou grand.

Cependant, ces quêtes et leurs réalisations ne ressemblent pas à la pratique du Kōan*. De nos jours, certains adeptes observent cette pratique avec une telle intensité qu’elle risque de provoquer la surtension ou l'agitation mentale. Cependant, ils sont fiers de considérer la pratique comme issue directement du zen, de la méditation des patriarches, etc., alors que le Bouddha lui-même n'a pas émis de Kōan, pas plus que le premier Patriarche chinois Bodhidharma**, ni le sixième Patriarche Houei Neng**. Cette pratique du Kōan n'était autre qu'un moyen créé et enseigné par les patriarches chinois à l'époque de la dynastie Song**. Pour nous qui pratiquons le bouddhisme, il est primordial de pouvoir reconnaître le vrai sens profond du dharma et de ne pas tomber dans des rituels sclérosants.

CONNAISSANCE ACQUISE, CONNAISSANCE DIRECTE

Dans l’enseignement bouddhique, on distingue deux types de Connaissance. L'une, nommée Connaissance acquise, s'obtient grâce à l'étude de l'Enseignement bouddhique ou à la lecture personnelle des sūtra. Son acquisition est due à l'apprentissage auprès des maîtres ou amis éclairés, ou encore par ses propres moyens d'assimilation. Elle provient des interactions de nos sens avec l’environnement, lesquelles sont ensuite cryptées en mémoire. Ce codage est tout à fait périssable et n’engendre pas de connaissance qui soit vraiment nôtre. En revanche, l'autre Connaissance, dite directe, naîtra d'un esprit qui, une fois totalement pacifié et apaisé de toutes les afflictions, parviendra à la clairvoyance grâce à la pratique de la Concentration mentale, d'où le nom de Connaissance innée*. Cette dernière enfouie jusque-là dans notre inconscient se manifeste une fois dégagée de toutes les afflictions qui nous ont entravées.

Ainsi comme l’énonce le Patriarche Tổ Bá Trượng**: " Si la terre de l'esprit est vacuité*, le soleil de Connaissance brillera". Jadis, le Bhagavant avait pu découvrir l'énigme de sa grande quête grâce effectivement à cette Connaissance. En pratiquant la méditation pendant de nombreuses années, son esprit fut parfaitement pacifié. Puis en posture assise sous l'arbre bodhi*, Il médita sans interruption pendant quarante neuf jours et quarante neuf nuits, et réalisa la Connaissance suprême à la quarante neuvième nuit. Pour cette raison la lignée Thiền* a toujours préconisé le développement de cette Connaissance intuitive, car il s'agit bien de la nôtre issue de nous-mêmes. C’est une entité non-née et non-annihilable.

Prêtons attention à la conversation suivante entre les deux maîtres zen Nham Đầu Toàn Khoát** et Tuyết Phong Nghĩa Tồn**:
Nghĩa Tồn confia :
- Je ne suis pas encore tout à fait serein.
Toàn Khoát répondit :
- Si réellement vous êtes ainsi, faites-moi part de toutes vos perceptions. Si elles sont justes, je vous les confirmerai. Si elles sont fausses, je vous aiderai à les éliminer.
Nghĩa Tồn dit :
- Quand je suis arrivé chez maître zen Diêm Quan**, il montait sur l’estrade pour donner le sermon sur le sens de la Vacuité des formes*. Je découvris tout de suite l'accès.
Toàn Khoát coupa :
- À partir de maintenant et pour trente années encore, évitez d'en parler !
Nghĩa Tồn continua :

- J'ai lu les stances du maître zen Động Sơn** lors de sa traversée d'un ruisseau :
Serait-il louable de chercher ailleurs ?
En s'éloignant , on oublie son propre Soi.
Si " Lui " présent est bien " Moi ",
" Moi " sans doute n'est pas " Lui ".
( " Lui " est le reflet de " Moi " sur l'eau.)

[ Rất kỵ tìm nơi khác,
Xa xôi bỏ lãng ta,
Va nay chính là ta,
Ta nay chẳng phải va.]

Toàn Khoát répliqua :
- Avec cette perception, il n'est même pas possible de se libérer soi-même.
Nghĩa Tồn poursuivit :
- À un autre moment, j'ai demandé au maître zen Đức Sơn**: "Aurais-je ma part de contribution dans le développement de notre lignée ch’an*?"
Đức Sơn m’a donné un coup de bâton en disant:
- De quoi parlez-vous?
A ce moment, j'ai eu le sentiment d'être comme un tonneau percé.
Toàn Khoát s’écria:
- N'avez-vous pas entendu que toute chose provenant de l'extérieur ne peut pas être le vrai trésor intérieur ?
Nghĩa Tồn insista :
- Comment dois-je faire au juste dans l'avenir?
Toàn Khoát répondit :
- Si après, vous vouliez diffuser la Voie de l’Eveil suprême, il faudrait d'abord que vous arriviez à vivre en pleine conscience tous les mouvements émanant de votre for intérieur, à ce moment là, nous pourrions nous unir afin de couvrir le Ciel et la Terre!

A telle enseigne, Nghĩa Tồn réalisa sa compréhension ultime, se prosterna aussitôt en signe de remerciement et se releva en s'écriant :
- Mon cher frère, c'est seulement aujourd’hui ici à Ngao Sơn** que je crois pouvoir réaliser ma Voie !

Ce n'est pas seulement dans la tradition zen que l'on s'intéresse à cette Connaissance immédiate, mais on la retrouve également dans toutes les Écritures sacrées. Lisons maintenant sommairement une partie du quinzième chapitre du Sūtra du Lotus de la Loi merveilleuse*, nommé « Les Bodhisattva surgis du monde terrestre » :
« À cette époque, des Mahā-Bodhisattva venus des autres univers, se levèrent tous ensemble et s'adressèrent au Bhagavant dans une attitude respectueuse, les mains jointes :
- Ô Bhagavant! Nous serions très heureux, avec votre assentiment, d’être en mesure de bien protéger, de bien psalmodier, de bien recopier et de bien faire offrande de cette Loi merveilleuse dans cet univers Sahā*. Lorsque le Tathāgata* sera entré au Nirvāṇa, nous promettons de rester dans ce monde afin de pouvoir la prêcher largement.
Alors Bhagavant leur répondit:
- Chers Vénérables, il est inutile que vous vous occupiez de cette tâche. Dans ce monde terrestre, il existe également des Mahā-Bodhisattva aussi nombreux que le sable de mille fleuves Gange réunis. Chaque Bodhisattva disposant de soixante milliers d'acolytes sera prêt, une fois que je trépasserai, à accomplir la protection, la psalmodie et la propagation de ce Sūtra.
A peine le Bouddha eut-il prononcé ces paroles que ce monde Sahā se mit à trembler, de ces crevasses apparues au sol, il sortit un flot infini de Bodhisattva... »

Le Sūtra du Lotus n'a pas nommé précisément, dans ses textes, les deux Connaissances acquise et directe, mais utilise des métaphores pour nous les suggérer. Littéralement, le Bodhisattva est l'être sensible et illuminé et celui qui aide à amener les autres êtres sensibles à l'Eveil, c'est à dire que les êtres, une fois parvenus à l’Eveil, cherchent à aider également leurs semblables à atteindre l’Eveil. Les Bodhisattva provenant d’autres mondes désignaient l’éveil comme une Connaissance venant de l’extérieur. Le Bhagavant leur avait refusé la protection et la diffusion de ce Sūtra du Lotus en ce monde, car le but de cette Loi merveilleuse est de nous montrer la bouddhéité, cet état-de-Bouddha inné en nous, une Connaissance ne venant point de l'extérieur. Les Bodhisattva surgis de la Terre du Sahā représentaient l’Eveil issu de l'intérieur, la Connaissance directe. C’est justement celle-ci qui n’est autre que la Sagesse du Bouddha*. Ce fut la raison pour laquelle le Bhagavant avait réservé aux Bodhisattva du Sahā la précieuse tâche de divulguer le Sūtra du Lotus dans ce monde.

Nous avons pu constater que les Canons des Écritures et le Zen ont souligné l'importance de cette Compréhension immédiate. Bien que ces deux Connaissances aient été présentées de manière différente, l'adepte bouddhiste devrait avoir la subtilité nécessaire pour faire cette distinction. Néanmoins, pour le début de sa pratique, le novice a besoin de cette Connaissance acquise, comme l'a enseigné le texte canonique sur l'acquisition des trois Connaissances grâce à l’apprentissage suivant: "apprendre, analyser et appliquer*". La Connaissance acquise nous guide sur la bonne voie et nous encourage dans la pratique. Cependant, elle relève d'un savoir non immuable qu'il faut surpasser afin de pouvoir accéder au stade du Non-né de la Connaissance*.

MEDITATION, SOURCE ORIGINELLE DU BOUDDHISME

La Méditation zen suit scrupuleusement la pratique en laquelle Bouddha a lui même excellé jadis, mais semble ne pas se plier à l'Enseignement du Tathāgata*. Le Zen ne pratique ni le Sūtra des Quatre Etablissements de l’Attention* ni les cinq Édifices de la Vision pénétrante de l’esprit* de la Voie des Deux Véhicules*.

Le Zen ne suit pas non plus l'apprentissage de la méditation sur la Production Interdépendante* ou sur la Vacuité de tous les phénomènes conditionnés*. De même, il ne suit pas la méthode de méditation Concentration-Vision Pénétrante du Mahāyāna* de la Voie du Grand Véhicule*.

Néanmoins, le Zen a mis en application directe la pratique du Bouddha qui a débuté avec le questionnement originaire sur les conditions existentielles de l'homme: "Pourquoi l'homme devrait-il subir le processus de naissance- vieillesse-maladie-mort ? Existe-t-il des moyens pour s'en libérer ?" Le Zen utilise cette méthode de questionnement comme le guide premier pour le méditant durant toute sa vie de pratique, et cela jusqu’à ce que l'énigme du problème se découvre subitement comme ce fut le cas pour Bouddha au moment de la réalisation de son Eveil. En suivant parfaitement la Voie tracée par Bouddha, la méditation zen peut être considérée comme " l'héritier de la Voie de l'Esprit-Bouddhéité* ".

Nous pourrons reconnaître cette dernière à travers les récits de plusieurs maîtres zen.

Le maître zen Nghĩa Huyền Lâm Tế**, alors qu'il était encore disciple du patriarche Hoàng Bá**, n'avait pu poser aucune question à son maître, et cela durant les trois années pendant lesquelles il avait séjourné à la communauté. Le Vénérable Trần Tôn Túc Đạo Minh**, qui était son chef d'études, lui proposa une audience auprès du Maître.
Nghĩa Huyền lui demanda :
- Quelle question dois-je lui poser?
Le Vénérable lui suggéra :
- Quelle est l'essence du bouddhisme?
Nghĩa Huyền alla voir le maître et l'interrogea comme on le lui avait conseillé. À peine eut-il fini de poser sa question que Hoàng Bá lui administra trois coups de bâton. Trois fois de suite, il fut renvoyé avec le même traitement. Le pauvre Nghĩa Huyền, plein de chagrin pensa à quitter la communauté. Le Vénérable lui conseilla d'aller faire ses adieux au Maître. Celui-ci lui recommanda d'aller chez maître Chi à la montagne Đại Ngu**. À son arrivée chez maître Đại Ngu, celui-ci lui demanda:
- D'où venez-vous?
- De chez maître Hoàng Bá.
- Quel enseignement vous a-t-il donné?
- Je l'ai interrogé trois fois de suite sur le sens ultime du Buddhadharma* et chaque fois j'ai reçu des coups. Je ne sais quelle faute j'ai pu commettre.
Đại Ngu dit :
- Ce vieux Hoàng Bá a agi comme une grand-mère au cœur compatissant. Il vous a montré l’essence de l'Enseignement. Voulez-vous encore savoir en quoi vous étiez fautif ?
À cette remarque, "l'œil du satori*" de Nghĩa Huyền s'ouvrit, il s'écria:
- Après tout, il n'y a pas grand-chose dans l'enseignement de Hoàng Bá !
Đại Ngu le saisit par le collet et lui dit :
- Petit diable (qui pisse sous le van), il y a un instant vous ne saviez pas encore si vous étiez ou non fautif, et maintenant vous déclarez que l'enseignement de Hoàng Bá est bien sommaire ! Qu'avez-vous donc compris? Parlez vite! Parlez vite!
Nghĩa Huyền Lâm Tế, sans ajouter un mot, lui flanqua trois coups au flanc. Đại Ngu desserra son étreinte et dit :
- Votre maître est Hoàng Bá. Cette affaire ne me concerne en rien.
Nghĩa Huyền s'inclina et retourna ensuite chez Hoàng Bá.

L'essence du bouddhisme, problème soulevé par le Vénérable Trần Tôn Túc dans l’enseignement prodigué à Nghĩa Huyền, est une question de grande importance. En saisissant cette essence du bouddhisme, on comprendra plus aisément l'Enseignement contenu dans les trois Corbeilles*.

Hoàng Bá, éminent maître, en n’adressant aucun mot à Nghĩa Huyền, mais en lui infligeant trois coups de bâton, s'était servi d'un stratagème pour l’obliger à vivre corps et âme avec sa question posée. En recevant les coups de bâton dès la première entrevue, il avait dû souffrir dans toutes ses entrailles, rendant le doute encore plus vif. Après quelques journées d’inappétence et d’insomnie, il fit une deuxième tentative et subit le même traitement qui avait brisé toute sa résistance. Pourquoi le maître ne daignait-il pas répondre à la question? Ce refus laissa des traces profondes dans son subconscient.

À la troisième visite, en guise de réponse, il obtint toujours des coups. Etant dans un état extrême de tourment spirituel qui le sidérait, il fut découragé au point qu'il dut quitter le lieu. Durant son voyage vers Đại Ngu, l'énigme sur l'essence du bouddhisme avait envahi et habité tout son être. Pourquoi cette question essentielle avait-elle mérité une telle bastonnade ? Cette dernière l’avait tellement envahi que son esprit n'avait plus de possibilité d'émettre aucune autre pensée. Elle occupait la totalité du champ de sa conscience. Il suffisait dès lors d'un simple rappel des paroles de Đại Ngu telles que "ce vieux Hoàng Bá a agi comme une grand-mère au cœur compatissant. Il vous a montré l’essence de l'Enseignement. Vous voulez encore savoir en quoi vous étiez fautif !", pour que l'énigme vole en éclats. Nghĩa Huyền Lâm Tế avait dès lors parachevé sa recherche. Il réalisa le sens du stratagème de son maître en s'exclamant : "Après tout, l'enseignement de Hoàng Bá se réduit à peu de chose !". Cette affirmation marquait l'aboutissement d'une longue recherche dans son questionnement. Cet état de maturité est appelé réalisation de conscience zen*.

Le maître zen Tuyên Giám à Đức Sơn** possédait une grande connaissance des Canons des Écritures auxquels il accordait une croyance absolue. Un jour, il fut exaspéré en apprenant qu'il existait une autre voie rapide et simplifiée pour la réalisation spirituelle : « Les moines pratiquent les postures du Bouddha pendant des milliers de kappa*, apprennent ses conduites parfaites pendant des myriades de kappa, sans pouvoir devenir Bouddha. Quelques esprits malins du Sud osaient prétendre "qu'en visant directement l'Esprit humain, on retrouve sa nature innée et on devient Bouddha". En signe de reconnaissance au Bhagavant, se dit-il, je devrais faire une expédition jusqu'à leur repaire afin de pouvoir les exterminer tous. »

C'était cet ardent dessein de protéger la Loi authentique qui lui fit se poser la question : "Pourquoi les pratiquants zen osent-ils affirmer que le retour direct à l’Esprit humain permet la rencontre de soi avec sa bouddhéité?" En projetant d'aller réprimer le zen, la semence du doute avait dû grandir en lui. Se dirigeant vers le Sud, il rencontra, en premier lieu, le maître zen Sùng Tín** à Long Đàm.
Il l'interrogea aussitôt :
- J'ai longtemps entendu parler de Long Đàm - l'Étang du Dragon. Maintenant à mon arrivée, je ne vois ni Étang ni Dragon.
Sùng Tín répondit calmement :
- Vous vous approchez en effet du site.
Dès cet instant, l'orgueil de Tuyên Giám se dissipa complètement. Le dessein de pourchasser les démons l’ayant quitté, le doute naquit en lui :"Comment reconnaître sa propre nature-de-Bouddha innée ?"

Il décida de s’intégrer à la communauté afin de faciliter sa recherche. Cette quête de la bouddhéité le tourmenta sans relâche. Un soir pendant qu'il se tenait debout auprès du Maître, ce dernier lui demanda :
- Il se fait déjà tard. Pourquoi ne rentrez-vous pas?
Il salua le Maître et se retira, mais à peine sorti, il revint aussitôt en disant :
- Il fait nuit dehors.
Le maître alluma une chandelle et la lui tendit. Au moment où celui-ci allait la prendre, le maître la souffla. Aussitôt, Đức Sơn Tuyên Giám réalisa sa conscience zen et s'inclina respectueusement.
Le maître demanda :
- Qu'avez-vous compris?
Il répondit :
- Désormais, je ne me permettrais plus de douter de l'enseignement des grands maîtres zen de ce monde.

Le doute de Đức Sơn partit de cette affirmation : "En retrouvant sa nature innée, on devient Bouddha." Ce doute prit forme à partir du moment où il commença à transporter avec lui tous ses ouvrages bouddhiques, les sūtra pour aller au Sud afin de pourchasser les esprits malins. Une fois qu’il avait compris que les maîtres zen étaient loin d'être de ceux qu'il croyait, il se soumit mais garda encore un doute : "Comment accéder à la réalisation de cette bouddhéité en reconnaissant simplement sa nature innée?" Lorsque Sùng Tín lui suggéra de se retirer et qu’il lui répondit qu’il faisait nuit dehors, son cœur charriait encore de l’insécurité.

L'obscurité évoquée par Đức Sơn s'apparentait à celle de la nuit, mais reflétait également un cœur suspicieux et ombrageux. Sùng Tín connaissant son souci, lui tendit la chandelle allumée; mais, à peine Đức Sơn avait-il touché cette dernière que le Maître l'éteignit en soufflant. Ce geste subit provoqua la dissolution de son doute. Ce fut alors la grande réalisation, c'est-à-dire la reconnaissance de sa pure nature-de-Bouddha intérieure, sans recourir à aucune intervention extérieure. Pour Đức Sơn, cette perception directe ou immédiate de la Bouddhéité constitua ainsi une réalité en soi insoupçonnable. C'est la raison pour laquelle il confia à son maître que "désormais, il ne se permettrait plus de douter de l'enseignement des grands maîtres zen de ce monde ". Đức Sơn avait donc accompli la grande quête de sa vie monastique, nommée Grand Eveil.

Le moine zen Trí Nhàn à Hương Nghiêm** séjourna à la communauté du maître Linh Hựu à la montagne Qui Sơn**.

Un jour, ce dernier lui demanda :
- J'ai entendu que lorsque vous étiez encore chez feu maître Bá Trượng**, vous étiez capable d'apporter dix réponses à une question posée ou une centaine pour une dizaine posée. Cela suppose que vous avez une connaissance susceptible de percer le mystère de l’origine du Saṃsāra. Pourriez-vous m’expliquer maintenant ce qui se passa pour vous avant que vous ayez été mis au monde?"
Ainsi interrogé, il ne sut quoi répondre. De retour dans sa cabane, il fouilla dans tous ses ouvrages étudiés sans pouvoir trouver une quelconque réponse. Il se lamenta : " Le gâteau dessiné n'apaise pas un estomac vide."
Il revint voir maître Qui Sơn pour l'implorer d'expliquer. Celui-ci lui répondit :
- Si je vous le montre maintenant, vous allez me le reprocher plus tard. D'ailleurs, en quoi ce que je dis vous regarde-t-il ?
Il rentra déçu et mit au feu tous ses documents acquis jusqu'alors : "Désormais, il est bon de cesser d’encombrer mon esprit de toutes les Lois bouddhiques, je vais tâcher simplement de mener une vie de moine qui ne s'occupe plus que de son quotidien".

Il fit alors ses adieux à Qui Sơn et alla se fixer à Nam Dương, près de la tombe de Quốc sư Huệ Trung**. Un jour, alors qu'il était en train de désherber, il ramassa un caillou qu'il jeta contre le bambou. Au bruit sec produit par le choc, son esprit s'éveilla subitement.
Il éclata de rire et proféra ce gāthā*:

Un bruit m'a fait oublier toute ma connaissance acquise,
Aucune pratique rituelle n'est alors nécessaire.
La mouvance des choses révèle la voie ancienne,
Sans toutefois tomber dans l'ornière d’une morne quiétude.
Aucune trace n'a été laissée,
Majestueusement maintenus au-delà de toute forme et de tout son,
Ceux qui parviennent à cette Vérité,
font partie de la très haute sphère.

[Một tiếng quên sở tri
Chẳng cần phải tu trì
Đổi sắc bày đường xưa
Chẳng rơi cơ lặng yên
Nơi nơi không dấu vết
Oai nghi ngoài sắc thinh
Những bậc đã đạt đạo
Đều gọi thượng thượng cơ ]

Sur cette question de savoir "ce qui se passa pour lui avant qu'il ait été mis au monde", Trí Nhàn avait été interpellé par maître Qui Sơn. C'était une grande énigme de pouvoir retrouver ce qui s’est passé avant la naissance. Bien évidemment, il n'avait pu trouver la réponse dans aucun ouvrage. En imposant cette question à Trí Nhàn, Qui Sơn l'obligea à vivre intensément avec elle. En l'emportant avec lui dans son refuge en montagne, Trí Nhàn laissa tout de côté afin de s'y adonner pleinement. À la différence des Kōan qui sont pratiqués de nos jours, il avait nourri cette énigme pendant des mois, des années jusqu'à ce qu’elle mûrisse complètement.

Le simple bruit du caillou contre le bambou suffit à déclencher son éveil. C'était la résolution du problème posé par le maître concernant : "ce qui se passa pour lui avant qu'il ait été mis au monde". En effet, il avait retrouvé son vrai visage originel*. Il se libéra alors du cycle du Saṃsāra. En observant que Trí Nhàn était doué d'une intelligence remarquable et d'une sensibilité exquise, Qui Sơn savait qu'il s'agissait d'une connaissance issue d'une formation non immuable et qu'il faudrait l'aider à s'en débarrasser afin qu’il puisse sortir du Saṃsāra.

De nos jours, nous sommes très fiers de notre propre intelligence, croyant que nous pouvons la manipuler à l'infini et nous oublions qu'elle est à l'origine du Saṃsāra. Trí Nhàn avait pu ainsi découvrir sa propre nature innée, sans forme ni apparence, mais présente à tout instant, en dévoilant ceci : " Aucune trace n’a été laissée. Sa propre nature innée est majestueusement maintenue au-delà de toute forme et de tout son."

L'Eveil évoqué ici est la reconnaissance en soi du non-né, non-annihilable, encore appelée la libération dans le futur du processus de la naissance-vieillesse-maladie-mort. C'est bien la voie empruntée jadis par le Bhagavant.

À travers ces trois récits, nous avons constaté que la Méditation applique le même principe que celui utilisé par le Bhagavant. La cause première est la recherche de l'origine du Saṃsāra, l'effet produit est la libération du cycle des renaissances. Le Bouddha Śākyamuni avait pratiqué et réussi ainsi. Les moines zen avaient, eux, pratiqué de la même manière et obtenu le même résultat. Au départ, le Bhagavant souleva un doute spirituel qui, à la fin, se transforma subitement en Illumination. Les moines zen partirent en quête et posèrent leur question essentielle aux maîtres. A la fin, ils arrivèrent en fait à obtenir l'Eveil par leurs propres moyens. C'est pour cette raison que nous osons déclarer que "le Zen constitue la source originelle du bouddhisme".

PAS DE HIERARCHIE DANS LA RÉALISATION DE LA CONSCIENCE ZEN

Pour les méditants zen, tant qu'il y a encore du doute, il y a de l'ignorance spirituelle. Une fois le doute éclaté, survient l'Eveil. De l'ignorance à l'Eveil, il n'y a pas de grade. Autrement dit : "Visant directement l'esprit humain, on retrouve sa nature innée et on devient Bouddha". L'ignorance relève des êtres profanes, l'Eveil relève de Bouddha. Aucun degré n’est apparu entre les deux. À la différence de la Voie de Dviyāna*, dans laquelle il existe des états de Concentration - Vision pénétrante à atteindre dont la réalisation est tout à fait graduelle. Aussi peut-on démarrer avec le premier état de la Méditation*, le deuxième état de la Méditation*, et même accéder à la Sainte Voie* depuis la première étape Sotāpanna* jusqu’à devenir à la fin un Arahat*. Grâce à l’existence de la gradation, il est facile de progresser et de reconnaître son niveau.

En ce qui concerne la voie du Boddhisattva, on peut aussi distinguer dans sa progression l'accomplissement de différents stades, tels que les dix Croyances*, les dix Assises*, les dix Perfections de Vertu*... jusqu'aux dix Terres*, enfin, l'Iso-Illumination*, l'Illumination merveilleuse* correspondant à la réalisation de l’ Eveil (Bouddha).

Bien que soient évoqués les "dix tableaux d’illustration de dressage du buffle*" dans la lignée thiền*, ceux-ci ne décrivent que les différents états de conscience du pratiquant depuis le début jusqu'à la fin de sa réalisation. Ces tableaux ne servent qu’à illustrer temporairement, de façon concrète, l'évolution de l’Esprit du pratiquant et non la gradation de sa propre réalisation.

LA RÉALISATION DE L’EVEIL NE PROVIENT PAS DE LA GRÂCE DIVINE

En Méditation zen, le pratiquant se pose avec détermination pour sa recherche spirituelle, la question essentielle qui le tourmente sans cesse tant que l’énigme n’est pas dévoilée. La durée de cette recherche peut être longue ou courte. Parfois la recherche se décante pendant très longtemps dans le subconscient, mais quand les circonstances favorables sont réunies, l’Eveil jaillit instantanément. Cet Eveil est la résolution d'un problème qui hanta jadis le méditant tout comme ce qui se passa lors de l'Eveil du Bouddha. Le Bhagavant obtint l'Illumination à partir de sa question sur la naissance-mort, question qu'Il avait soulevée depuis le début de son questionnement. L'Eveil résulte d'un long travail de recherche et de pratique persévérante. Cette dernière ne s'écarte pas du but fixé au départ. Lorsqu'on parle de l'Eveil subit, on évoque plutôt le caractère brusque de la révélation, mais c'est aussi grâce au suivi de la pratique quotidienne que l'Eveil peut éclore soudainement.

Cet Eveil n'est certes pas de l’ordre de la bénédiction ou de la grâce divine, mais résulte plutôt d’un entraînement régulier de la pratique. Il en est de même pour l'invention des savants. Leur découverte n'est autre que le fruit de nombreuses années de recherche sur un sujet longuement étudié. Le méditant ne doit donc pas vivre dans l'attente d'un Eveil, mais plutôt garder cette concentration attentive qui, une fois les conditions réunies, déclenchera subitement l'Eveil.
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Pour conclure, il semble exister des points de divergence entre la Méditation zen et l'Enseignement de Bouddha, comme l’illustre l’affirmation zen de la « transmission spécifique en dehors de l’Enseignement… », laquelle a semé le doute dans certains esprits qui croient que le Zen n'appartiendrait pas véritablement au bouddhisme, ou même constituerait son propre "enfant-monstre". En approfondissant nos connaissances sur la Méditation zen, nous découvrons au contraire, que c'est plutôt elle qui a ravivé l'esprit bouddhique. La Méditation zen respecte de façon absolue l’objectif d'Eveil et d'émancipation fixé par le Bhagavant. En effet, le but du méditant est l'Eveil. Sans Eveil, la tâche pour lui n’est pas encore accomplie. Si l'Illumination est représentée par le phare, les pratiquants zen seront des navigateurs dont le regard est rivé sur lui.

La Méditation zen ne suit pas les règles conventionnelles des Canons des Écritures, mais dispose d'une voie propre semblable à celle choisie par Bouddha. L'essentiel du Zen est de raviver la connaissance immédiate innée en nous. En la redécouvrant, nous reconnaissons la bouddhéité, et en la cultivant à la perfection, nous obtiendrons l'Illumination et l'Emancipation. Cette connaissance transcendantale est de même nature que la Sagesse réalisée par Bouddha au pied de l'arbre bodhi.

La découverte ou la création sont les préoccupations principales du Zen. Autrement dit, la réalisation selon une formule déjà établie ne pourra être considérée comme une découverte. Pour qu’il y ait découverte, il faudra tourner et retourner le problème jusqu’à ce que l’Illumination se réalise. C'est pour cette raison que la Méditation ne peut pas être absente sur le chemin de l'Eveil. Comme il s'agit de la découverte, la Méditation est l'esprit même de la créativité. L'invention, la création, la confiance en soi constituent la base fondamentale de la Méditation. Ces trois caractéristiques sont propres à l'homme civilisé et à la société épanouie.

Chương 5-ORIGINE DES CONFLITS, SOURCE DES SOUFFRANCES

CHAPITRE V
L’ATTACHEMENT : ORIGINE DES CONFLITS, SOURCE DES SOUFFRANCES

Durant notre vie, nous nous plaignons tous, pauvres ou riches, de nos propres souffrances. Nous en sommes conscients tout en ignorant leur cause originelle.

Lorsque le commun des mortels souffre, il reste impuissant. Il ne sait qu’implorer la pitié de Bouddha, des dieux, ou encore se lamenter.

Un bouddhiste refuse d’accepter une telle attitude, mais alors il doit chercher à remonter jusqu’à l’origine de ses souffrances. A tout effet correspond nécessairement une cause. Quelle est donc la cause de nos souffrances ? C’est l’attachement acharné qui est la vraie cause de tous conflits et souffrances. Le lâcher-prise les fait disparaître. Nous verrons plus clair en lisant un extrait du Puῆῆa** sutta.

PRÉCEPTES FONDAMENTAUX DU PUÑÑA SUTTA

Lorsque Bouddha séjournait au monastère du richissime Anāthapiṇḍika** dans le jardin du Prince Jeta**, dans la capitale Sāvatthi**, Ārya Puῆῆa** vint Le solliciter, pour qu’Il lui transmette les bases de l’enseignement qui lui permettrait de pratiquer assidûment dans la forêt. Bouddha lui dit :
- Si les yeux voient les formes, les poursuivent et s’y attachent, c’est la souffrance. De même, si les oreilles entendent des sons, le nez sent les odeurs, la langue goûte les saveurs, le corps ressent au toucher, l’esprit poursuit son objet mental et s’ils s’y attachent, c’est la souffrance et l’éloignement du Nirvāṇa. En revanche, le non-attachement à ces perceptions supprime la souffrance (rapprochement du Nirvāṇa).
Bouddha demanda à Puῆῆa :
- Après  avoir compris ceci, où comptez-vous aller pour vous perfectionner ?    
Ārya Puῆῆa lui répondit : 
- Ô Bhagavant*, je vais à l’île Sunaparanta se trouvant dans la mer de l’Est. 
- Les habitants de ce pays sont violents et méchants, ils vont vous réprimander et vous insulter. Qu’en pensez-vous ? 
- Ô Bhagavant, je pense qu’ils sont encore bons, car ils ne me frappent pas avec leurs mains. 
- Ils vont vous frapper avec leurs mains. Qu’en pensez-vous ?
- Ô Bhagavant, je pense toujours qu’ils sont encore bons, car ils ne me lancent pas des morceaux de terre et des pierres. 
- Ils vous lancent des morceaux de terre et des pierres. Qu’en pensez-vous ?
- Ô Bhagavant, je pense toujours qu’ils sont encore bons, car ils ne me donnent pas de coups de bâtons.
- Ils vous frappent avec des bâtons. Qu’en pensez-vous ?
- Ô Bhagavant, je pense toujours qu’ils sont encore bons, car ils ne me pourfendent pas avec des couteaux tranchants. 
- Ils vous pourfendent avec des couteaux tranchants. Qu’en pensez-vous ? 
- Ô Bhagavant, je pense toujours qu’ils sont encore bons, car ils ne me tuent pas.
- Ils vous tuent. Qu’en pensez-vous ? 
- Ô Bhagavant, je pense toujours qu’ils sont vraiment bons, car ils m’auront aidé à me débarrasser de ce corps souillé et misérable. 
Bouddha acquiesca :
- Vous pouvez alors rejoindre ce pays pour sauver ceux qui ne sont pas encore sauvés. 
Ārya Puῆῆa rejoignit ce pays, y effectua trois mois de retraite sans incident particulier, accéda à la Triple Connaissance*. Il permit ainsi aux cinq cents pratiquants laïcs et cinq cents pratiquantes laïques de se libérer de leur attachement en appliquant le Dharma.

EXPLICATION  DÉTAILLÉE DE LA PRATIQUE DU DHARMA

Nos yeux perçoivent les formes. Dès que nous nous mettons à poursuivre ces formes jusqu’à l’attachement, la cause de la souffrance apparaît. Pourquoi en est-il ainsi ? Parce que nos yeux ne perçoivent pas les objets de façon uniforme, car chacun de nous a acquis des habitudes ancrées dès le plus jeune âge, ce qui crée des différences de vues. Avec de telles divergences, si nous demeurons persuadés d’être détenteurs de l’unique vérité, toute querelle sera inévitable. La dispute engendre l’affliction, l’attachement engendre la souffrance.

Prenons l'exemple de cinq femmes présentes ensemble dans une boutique de tissu. Elles sont devant un même tissu de même texture teinté en cinq coloris différents. Chaque femme a une préférence pour l’un des coloris. L’une ayant choisi le tissu vert décrète que le vert est beau, et l’autre préférant le tissu rose insiste pour dire que le rose est plus joli… Si chacune d’elles affirme que le coloris choisi est vraiment le plus magnifique, cela risque fort de provoquer une dispute. Assurément, il sera difficile de l’éviter. Or, la dispute est source de colère et de haine, ce qui a pour conséquence la souffrance. Qui donc peut s’affirmer capable d’arbitrer les préférences pour tel ou tel coloris ? Où se trouve donc la vérité ?

Si nous admettons que chacun puisse avoir une vision personnelle, que la perception de la beauté est une notion subjective et non absolue, nous serons plus tolérants les uns envers les autres en évitant ainsi des querelles inutiles. C’est faire preuve de sagesse, car nous éviterons ainsi toute survenue de malheur.

Si les yeux voient les formes et les poursuivent, c’est le désir d’attachement. S’il y a désir, la préhension s’ensuivra. Le désir d’attachement et la préhension sont les germes de la souffrance et de la renaissance pour toute vie future. Par ailleurs, le désir d’attachement est également source de conflit dans notre vie présente. Supposons que nous soyons attirés par la beauté d’un coloris ; d’autres peuvent l’être aussi. En sachant que si nous l’emportons, nécessairement, les autres y perdront. Si chacun désire accaparer à tout prix les choses à son profit, la lutte sera inévitable. Or, tout conflit fait souffrir, et les afflictions engendrées constituent l’origine de tout éloignement du Nirvāṇa.

Pourquoi nos oreilles qui captent les sons et s’y attachent sont-elles aussi à l’origine de nos souffrances ? C'est parce que notre perception n’est pas identique à celle des autres. Suite à l’accumulation de différences propres à chacun, nous formulons des jugements distincts. Par exemple, en écoutant ensemble le même sermon, il y a des gens qui l’apprécient ou le critiquent, ou encore d'autres qui préfèrent tel ou tel passage. De même, à l'audition d'une oeuvre musicale, le professionnel peut émettre des critiques alors que l'amateur l'appréciera avec ferveur. Notre écoute et notre appréciation dépendent, là aussi, de nos habitudes. Si nous considérons notre perception comme vérité, celle des autres devrait l’être également. Les deux vérités confrontées entraînent obligatoirement la polémique engendrant la souffrance. L’attachement est donc la souffrance.

Un adage populaire dit que « la vérité provient uniquement de ce que nous avons pu constater par la vue et l’ouïe ». Cependant, si nous poursuivons les sons, nous risquons alors de souffrir, car il existe des paroles excellentes ou médiocres, bonnes ou mauvaises, élogieuses ou pleines de réprobation . Si les compliments nous procurent de la joie, si les critiques provoquent notre colère, si la bonne opinion nous donne satisfaction, et si la mauvaise opinion engendre le mécontentement, tout cela est source de souffrance et a pour conséquence l’éloignement du Nirvāṇa.

Le nez sent les odeurs et les poursuit jusqu’à l’attachement engendrant la souffrance. Pourquoi? La même odeur est différemment perçue par chacun de nous. Elle peut être parfumée ou mal odorante selon nos accoutumances. Prenons le cas du durian**. Son odeur est appréciée par les connaisseurs et dérangeante pour les néophytes. Où donc est la vérité ?  Si chacun pense détenir la vérité, la polémique sera inévitable. Prenons un autre exemple : l’odeur de la saumure**. Celle-ci pourra être parfumée pour les uns et tout à fait repoussante pour les autres , des non connaisseurs. Comment savoir apprécier la vérité à sa juste valeur? Nous avons la triste habitude de nous fâcher lorsque quelqu’un taxe de puante une odeur que nous aimons beaucoup. C’est là que réside la cause de conflits dont la conséquence est souffrance.

Si nous nous laissons capter par ces odeurs, nous risquons d’être leurrés très facilement et entraînés jusqu’à notre perdition. Cela fait également partie du cortège désir d'attachement, possession et source de Saṃsāra*.

La langue savoure le goût et le poursuit jusqu’à l’attachement, lequel engendre la souffrance. Pourquoi en est-il ainsi ? Le goût est perçu différemment à travers nos propres perceptions qui sont enregistrées selon nos habitudes antérieures. Et malgré cette constatation reconnue, si chacun considère que son goût est le plus aiguisé, la discussion qui s’ensuit sera sans fin.

Prenons le cas d’une personne qui aime saler ses aliments, qui agrémente un potage selon son goût et qui le fait goûter à une personne habituée aux plats non salés. Cette dernière ne peut que le délaisser. Deux personnes ont goûté le même potage et émis deux appréciations tout à fait divergentes. De quel côté se situe la vérité ? Si nous demandons à une tierce personne de prendre le même potage, comment prédire si son avis se rapprochera de celui de la première ou de la seconde personne, compte tenu de ses préférences. L’attachement personnel au goût amènera inévitablement à la dispute. Il existe des familles où maris et femmes, parents et enfants ont des goûts différents. Si nous obligeons par contrainte les autres à adopter notre goût, ils seront malheureux. Imposer ses goûts avec force est source de mésentente. C’est alors l’origine de la souffrance.

Celui qui est prisonnier des exigences de son goût en souffrira jusqu’à la fin de ses jours. Un menuisier avec son petit salaire journalier et ayant des exigences culinaires onéreuses n’aura pas suffisamment de moyens pour satisfaire ses autres besoins et sera obligé de travailler sans répit. L’attirance des bons plats équivaut à un désir d’attachement aux saveurs, et l’attachement engendrera l’appropriation, source de souffrance dans la vie future et d’éloignement du Nirvāṇa.

De même, poursuivre les sensations provenant du contact avec le monde environnant est source de souffrance. Pourquoi ? Cette perception dépend de la constitution physique de chacun. Enfermées dans une même pièce à 18° C, la personne de forte corpulence la trouvera tempérée, et la personne maigre tremblera de froid. Cette dernière ira refermer la fenêtre pour conserver la chaleur, alors que la première voudra l’ouvrir pour aérer. Ainsi, elles pourront en venir aux mains. Encore une fois, l’attachement à notre perception personnelle génère facilement des affrontements. Une cohabitation conflictuelle sera source d’afflictions et de souffrance.

Plus encore, poursuivre jusqu’à l’attachement les plaisirs charnels est source de fracture familiale, et germe de souffrance interminable du Saṃsāra.

Quand le mental est face à son objet, s’il le poursuit et s’y attache, il engendrera la souffrance. L’objet mental est le cumul de toutes les images du monde extérieur enregistrées au fur et à mesure dans le cortex cérébral. Le mental basé sur ces signaux cryptés émet des jugements sur toutes les choses survenant exactement comme si les objets étaient vus à travers les verres de lunettes colorées. Les habitudes familiales, les conditions socio-culturelles constituent autant de particularités propres à chacun. Elles jouent le même rôle que le port de lunettes de couleurs différentes. Garder son idée fixe ou imposer sa vision aux autres est une chose inacceptable, car cette idée fixe entraînera des situations conflictuelles quotidiennes. Que de couples divorcés, de fratries séparées, de reniements des enfants par leurs parents ! Tout ceci est dû à ces divergences de vue ou à la non-acceptation de l’avis des autres.

Prenons le cas du couple, il est quasiment impossible que mari et femme soient toujours du même avis, puisque l’épouse est souvent confinée aux tâches ménagères et à la fréquentation d’autres femmes, alors que le mari a des relations extérieures, plus souvent entre hommes. Les habitudes acquises de part et d’autre sont tellement différentes qu’il leur est alors difficile d’avoir des perceptions identiques. Exiger qu’ils aient des vues similaires relève de l’illogisme.

De même, la compréhension entre parents et enfants est-elle aussi délicate, car leurs expériences sont vécues dans des générations différentes. Si le fils pense exactement comme son père, sa vie aura forcément rétrogradé d’une vingtaine ou d’une trentaine d’années. Pour vivre en harmonie avec les autres, il est nécessaire de faire preuve de plus de compréhension et de lâcher-prise à tout attachement personnel pour pouvoir profiter de la paix et du bonheur dans la vie.

Si le mental s’agite en suivant ses pensées perturbatrices, afflictions et souffrances ne cesseront de nous tourmenter. Si nous désirons garder la sérénité de l’esprit, nous devrons arrêter toute poursuite des objets mentaux. C’est alors la cessation de la souffrance et l’approche du Nirvāṇa.

Ce qui a été présenté ci-dessus n’est autre que l’explication détaillée de la pratique d’ārya Pūrna**, lequel a pu saisir de façon concrète et simple l’enseignement du Bouddha. En pratiquant ce Dharma durant trois mois seulement, Pūrna a pu accéder à la Triple Connaissance surnaturelle* et aider ainsi des milliers de bouddhistes laïcs à se libérer de leur attachement.

QUELLE EST LA RAISON DE LA REALISATION SPIRITUELLE SI RAPIDE DE PUÑÑA ?

Tout d’abord, il a su appliquer avec justesse la pratique de la Voie authentique. C’est pourquoi il obtint des résultats si rapides. Nos six sens sont à la source de nos péchés, mais ils sont aussi à la base même de notre libération. Ils seront nos « six brigands *» si nous nous trompons sur leur nature. En revanche, ils seront nos « six pouvoirs surnaturels » si nous savons rester vigilants et éveillés. Si nous ne saisissons pas le fondement de notre réalisation spirituelle et si nous nous attachons aux formes, nous n’aboutirons à rien, même si nous y consacrons toute notre vie. Comment pourrions-nous mettre fin à tous nos soucis et à toutes nos peines si, dans la pratique, nous restons dans la dualité du vrai et du faux, du gain et de la perte ? Tant que nous resterons dans cette alternative, nous serons loin du Nirvāṇa.

Il a aussi fait montre d’un esprit courageux, sans crainte des dangers.

Au Bouddha qui lui demandait l’endroit qu’il avait choisi pour continuer paisiblement la poursuite de la Voie, Puῆῆa répondit : « je vais à l’île Sunaparanta se trouvant dans la mer de l’Est ». Le Bouddha le mit immédiatement en garde contre la férocité et la cruauté des gens de ce pays. Ārya Puῆῆa** ne s’embarrassa aucunement. Il continua à affirmer très calmement sa ferme intention de s’y rendre. Le Bouddha voyant sa volonté inébranlable et sa compassion, accepta d’autant plus qu’il savait sa réussite assurée. Il lui dit : « Il est très souhaitable que vous y alliez pour sauver les gens qui ne l’ont pas encore été ».

C’est par cette volonté imperturbable à braver l’adversité, mais aussi grâce à sa grande générosité et à sa tolérance envers le monde qu’il atteignit très vite sa réalisation spirituelle. Quel que soit l’attitude hostile des gens à son endroit, il ne gardait aucune haine et aucun désir de vengeance envers eux. Qu’en est-il pour nous ? Le courage et la témérité devant le danger sont souvent absents. Notre ego une fois blessé, nous en voulons à ceux qui l’ont touché. Quand pourrons-nous atteindre alors la libération ?

BRAHMAJĀLA SŪTRA Sūtra du filet de Brahma

Dans la même optique d’enseignement, dans le Brahmajāla sūtra*, chaque fois qu’il est question des opinions erronées des non-bouddhistes*, le Bouddha a toujours dit : « Seul le Tathāgata* connaît parfaitement leurs erreurs, allant même jusqu’à déceler le fondement de leurs croyances, montrer comment ils s’y attachent et quelles sont les conséquences de cet attachement. En revanche, le Tathāgata ne se laissant prendre par aucun attachement, parvient à la libération complète. Vis à vis des sensations, le Tathāgata reconnaît leur apparition et leur disparition, les désirs d’attachement aux sensations et les risques de leur emprise, et trouve les moyens de s’en libérer. Avec la sagesse obtenue par la vision profonde, le Tathāgata atteint l’Eveil » (Brahmajāla dans l’Āgama sūtra* des textes longs).

À la lecture de ce passage du Sūtra, nous voyons clairement que Bouddha connaît tous les mécanismes profonds de l’attachement des non-bouddhistes et bien au-delà. Avec l’esprit inconditionné, Il a pu se libérer totalement. Le Bouddha a parfaitement discerné que l’attachement conduit aux afflictions avec tout son cortège de souffrances. Il a montré une connaissance profonde des dharma et, avec le lâcher-prise total, Il se délivre du cycle de Saṃsāra.

Dans le passage suivant, Bouddha a montré la connaissance parfaite de l’apparition et  de la disparition des sensations ainsi que de la façon de s’en libérer…

Pour qu’il y ait sensation, il faut le contact des six organes des sens avec les six objets de connaissance. Ce contact engendre les sensations, les désirs d’attachement, la possession qui sont générateurs de souffrances dans notre vie présente et sources de notre re-naissance dans la vie future. Grâce à sa sagesse infinie, le Bouddha observe avec équanimité toutes les sensations heureuses ou malheureuses dont la nature intrinsèque provient d’un assemblage non réel, non permanent et éphémère. C’est pourquoi, Il ne se laisse pas capter par le désir et s’en libère aisément.

Plus loin, dans le même Sūtra, Bouddha dit ceci : « Les brahmanes et certains pratiquants religieux professent que le monde est permanent et soutiennent que le Nirvāṇa* est la vie présente. Pour l’affirmer, ils se basent essentiellement sur l’interdépendance des six organes des sens sans lesquels il n’y aurait pas d’existence possible. »

Face aux sensations des six organes des sens, le moine, lui, possède la connaissance juste du processus interne de leur genèse, de leur extinction et des désirs d’attachement et de préhension qu’ils génèrent. Il ne pourra donc pas tomber dans l’engrenage des perceptions erronées et ainsi il s’en libèrera. Les non-bouddhistes*, par leurs six organes de sens en contact avec leurs six objets de connaissance, perçoivent des sensations qu’ils prennent pour vraies et s’y attachent fermement. Si les autres éprouvent des sensations différentes des leurs, ils les considèrent comme fausses. C’est à cause de cet attachement à soi que les uns se mettent facilement à se disputer avec les autres, que tels groupes s’opposent à tels autres. Il en résulte des discussions et des protestations futiles n’ayant pour conséquences que afflictions et haine ! Avec leurs opinions partiales et superficielles, les non-bouddhistes ne peuvent pas résoudre d’une manière satisfaisante les problèmes de façon globale.

En revanche, les personnes qui, à travers le contact éprouvent des sensations et reconnaissent que leur vraie nature naît grâce au phénomène de la Production Interdépendante* et disparaît selon le principe de l’Impermanence*, eux, peuvent résoudre les problèmes d’une manière satisfaisante. Le désir d’attachement conduira à produire du karma négatif et le lâcher-prise permettra de sortir du carcan de l’attachement mental et d’atteindre enfin le Nirvāṇa.

On trouve également dans les textes longs de l’Āgama Sūtra*, un exemple cité par Bouddha : l’histoire des aveugles touchant un éléphant. Un jour, devant sa cour au complet, le roi exprima le souhait de savoir comment les non-voyants perçoivent le monde extérieur. Il invita des aveugles et les mit en présence d’un éléphant. Une fois que ces personnes furent en place, le roi et les ministres vinrent assister à cette expérience.

Le roi demanda au chef du protocole de placer les non-voyants en deux rangées de part et d’autre de l’éléphant.

Le chef du protocole dit aux aveugles :

- Devant vous, il y a un éléphant. Veuillez vous avancer et le toucher. Vous devez décrire la morphologie de cet animal au roi et à tous les dignitaires ici présents. Celui qui arrivera à faire une description exacte sera bien récompensé. 

Alors, tous les aveugles se précipitèrent pour toucher l’animal. Celui qui toucha le pied déclara que l’éléphant ressemblait à une colonne ; celui qui toucha le ventre annonça qu’il était comme un tambour ; celui qui toucha la queue prétendit qu’il était comparable à un balai… Bref chaque aveugle décrivit l’animal à sa manière. Chacun affirma que son opinion personnelle était correcte et prévalait sur celle des autres. Personne n’était d’accord avec personne. Puis tous les aveugles se disputèrent bruyamment ! Finalement ils prièrent le roi et les ministres d’arbitrer leur litige et de désigner celui qui avait raison.

Dans ce cas que pouvaient donc répondre le roi et ses ministres, eux qui pouvaient voir l’éléphant tout entier avec leurs yeux de voyants ? Ils pouvaient dire : « Vous avez tous raison et vous avez tous tort ! » Les aveugles se satisferaient-ils de cette réponse ? Bien sûr que non. Ils ne lui accorderaient aucune valeur. Pourtant, nous savons que la description de chaque chose ne peut être juste et fausse, car il n’existe pas de chose à la fois juste et fausse. Le roi et les ministres voyaient l’éléphant dans sa totalité. Ils ne pouvaient se résoudre à accepter qu’un aspect partiel puisse représenter intégralement l’animal.

Dans l’exemple ci-dessus, les aveugles, représentant les hommes que nous sommes, ne perçoivent qu’une parcelle de vérité et s’enferment sans scrupule dans leur point de vue égotiste, source de conflits avec les autres. Le roi et les ministres représentent le Bouddha et les Boddhisattva qui, ayant acquis « l’Éveil » et perçu la vérité absolue, réalisent le non-attachement et ne prennent parti pour aucun groupe. C’est pourquoi le Bouddha qualifie cet état d’esprit de l’Omniscience* et de la Connaissance supérieure de tous les dharma*. Ainsi Bouddha conclut : « Le Tathāgata est conscient de tout sans y être attaché en vue d’obtenir la libération parfaite. »

Nous, les hommes, au contraire, nous sommes habitués à vivre dans les illusions. C’est pourquoi chaque fois que nous estimons que quelque chose est digne d’intérêt, nous en faisons une fin en soi dont la vérité doit être proclamée à tous. Si quelqu’un nous contredit, nous lui répliquons vivement qu’il est dans l’erreur. C’est à ce stade que naissent des rivalités qui s’enveniment chaque jour davantage, créant ainsi des désagréments de plus en plus nombreux.

En revanche, si nous reconnaissons que notre point de vue ne représente qu’une partie ou qu’une facette de vérité, alors nous pouvons admettre que chacun a partiellement raison. Être prêt à accepter les vues des autres, jouer la complémentarité est une attitude positive, tandis que s’opposer systématiquement aux autres est une attitude négative. Dans ce monde, si chacun de nous adoptait une telle vision, la vie serait réellement plus heureuse.

Dans différents sūtra, Bouddha a énoncé cet enseignement à propos du respect et de la défense de la vérité: « Si quelqu’un aborde un sujet et que je l’ai approuvé, ceci ne constitue que ma propre opinion ». Une personne qui pense ainsi saura respecter la vérité.

En revanche, « si à propos d’un sujet que j’ai approuvé, je donne raison à ceux qui adhèrent à mon point de vue et donne tort à ceux qui voient différemment », je ne respecterai ni ne défendrai la vérité. La plupart d’entre nous appartiennent à cette deuxième catégorie de personnes qui ne savent pas respecter la vérité. C’est cette attitude partiale qui nous pousse à nous donner toujours raison à nous-mêmes et tort à autrui qui est notre maladie de toujours.

VAJRACCHEDIKĀ PRAJÑĀPĀRAMITĀ SŪTRA Sūtra du Diamant tranchant de la Sagesse transcendante

Avec le même esprit que dans le Brahmajāla Sūtra*, dans le Sūtra du Diamant*, l’ārya Subhūti** a posé deux questions fondamentales au Bouddha:
- S’il y a des hommes ou des femmes aspirant à la réalisation de l’Eveil Suprême et Parfait*, comment feront-ils pour obtenir la concentration mentale et la maîtrise de l’esprit ?
Le Bouddha répondit d’abord à la première question sur la concentration mentale :
-  Si des hommes ou des femmes sages aspirent à réaliser l’Eveil Suprême et Parfait, il faudrait que leur esprit ne s’attarde nulle part, que ce soit dans les formes, le son, l’odeur, le goût, la sensation tactile ou l’objet mental. Sans s’attarder à de telles apparences, ils pourront alors réaliser l’Eveil Suprême et Parfait.

En effet, Bouddha nous a enseigné que dans la voie de la réalisation de l’Eveil, chaque fois que nos six sens se trouvent face à ses six objets de connaissance, il ne faudra pas nous laisser attacher par ces derniers. Car c’est justement ce non-attachement qui constitue l’Eveil.

Dans l’Āgama Sūtra*, Bouddha a dit : « Le Tathāgata sait tout mais ne s’y attache pas ». Et Il précise: « Ce non-attachement est l’Eveil ». Lorsque la réalisation de l’Eveil est totale, le non-attachement est manifeste, et c’est justement ce lâcher-prise total qui facilite la réalisation du calme mental.

C’est ainsi que le sixième Patriarche Huệ Năng**, lorsqu’il écoutait le cinquième Patriarche commenter ce passage du Sūtra du Diamant, réalisa sa compréhension suprême. Il s’écria d’émerveillement :

- Qui aurait douté que notre nature propre est depuis toujours pure et sereine ! Qui aurait douté qu’elle englobe tout ! Qui aurait douté qu’elle est non-née et immuable !...

Le sixième Patriarche a vu que, non seulement nos six sens ne sont pas liés aux six objets de sens, réalisant ainsi l’émancipation totale, mais encore que notre propre nature, pure et sereine de toujours, englobant tout, non-créée et non-annihilable, apparaîtra dans toute son évidence  … C’est ainsi qu’il entra directement  dans le Corps du Dharma* sans passer par la voie de libération des Deux Véhicules*.

Jusqu’ici, nous avons constaté que dans les Canons Āgama et Prajῆāpāramitā, il est toujours indiqué que, dans la pratique de la libération de toute emprise et dans la réalisation de l’Eveil, la tâche essentielle est le non-attachement des six sens à l’égard des six objets de connaissance. Être libérés ou emprisonnés dans le cycle du Saṃsāra, cela est dû au simple fait que nos six sens sont libres ou encore attachés à leurs objets de sens.

Tout pratiquant qui poursuit la Voie de la libération devrait comprendre clairement ce point essentiel.

ŚURAṂGAMA SŪTRA Sūtra de l’héroïque

Dans le Śuraṃgama Sūtra*, on retrouve la même approche que dans les précédents sūtra. Après avoir écouté Bouddha expliquer « le sens de la deuxième décision », Ārya Ānanda** fit cette demande : « Que le Grand Miséricordieux ait pitié de nous qui avons succombé à l’emprise des sens, qu’Il veuille bien nous apprendre leurs pièges et la manière de les déjouer, pour que dans le futur tous les êtres humains puissent être délivrés du cycle du Saṃsāra, sans tomber dans les Trois Mondes*... »

A cet instant, Ārya Ānanda, ainsi que tous les auditeurs, ont entendu de la bouche des Tathāgata* des dix directions* de l’univers, aussi nombreux que les poussières des étoiles, ces paroles adressées à tous: « Parfait, Ānanda ! Si vous voulez connaître l’origine de l’ignorance constituant le nœud initial de la chaîne vous conduisant au Saṃsāra, sachez que ce ne sont que vos six sens* et rien d’autre ; Si vous voulez connaître également la nature suprême de l’Eveil vous permettant d’atteindre l’émancipation, la sérénité et la joie, le calme silencieux, avec des réalisations merveilleuses, sachez que ce sont aussi vos six sens, et rien d’autre » (Śuraṃgama sūtra traduit par Tâm Minh).

Ainsi, non seulement Bouddha, mais aussi tous les Tathāgata dans l’univers désignent les six sens comme l’origine du cycle du Saṃsāra et aussi celle de la délivrance. L’ignorance est l’attachement aveugle de nos six sens nous entraînant dans le cycle du Saṃsāra. La bouddhéité est la nature éveillée de nos six sens nous menant à la sérénité et à la délivrance… Après avoir compris cette notion fondamentale, nous n’avons plus de doute dans la recherche de notre voie de la délivrance qui repose alors sur une base solide.

Ārya Ānanda, n’étant pas encore tout à fait convaincu de ce qu’il avait appris, s’incline devant Bouddha en lui demandant:

- Comment se fait-il que le mobile qui déclenche à la fois le cycle de Saṃsāra ou la sérénité et la joie, les merveilles de l’instant, demeure toujours nos six sens et rien d’autre ?
Bouddha lui répond : 
- Les organes des sens et les objets de connaissance proviennent de la même source, leur attachement et leur lâcher-prise sont de même nature ; la connaissance discursive est aussi illusoire que les scintillements au firmament. Ānanda, grâce aux objets des sens, a vu se manifester la reconnaissance consciente par les organes des sens. Grâce à ces derniers, ont pu surgir les formes des objets des sens. La forme des objets vus et la perception visuelle des objets n’ont pas d’identité propre, à l’image des roseaux à flèches s’appuyant les uns sur les autres. Ainsi, au niveau de la connaissance, si vous y introduisez l’esprit discriminant, naît l’ignorance*. En revanche, la connaissance détachée de toute conscience discriminante procure la sérénité authentique du Nirvāṇa, épurée de toute souillure » (Śuraṃgama Sūtra traduit par Tâm Minh).

Dans cette partie, Bouddha explique clairement que les organes sensoriels, les objets des sens ainsi que les consciences des sens sont tous trompeurs comme des scintillements dans le firmament, comme des faisceaux de roseaux sans appartenance propre, s’appuyant les uns sur les autres. L’attachement à tout objet "non-réel" sans nature propre et la considération que la perception sensorielle est vraie, constituent la source de l’Illusion* nous entraînant dans le cycle du Saṃsāra. Être conscient de toute chose mais sans esprit discriminant est la perfection sans souillure et la sérénité du Nirvāṇa. Car un faux tronc d’arbre ne peut donner que des branches, fleurs et fruits factices. Admettre comme vrai tout ce qui est faux est l’illusion. Reconnaître comme faux tout ce qui n’est pas vrai signifie l’Éveil. Ainsi en se basant uniquement sur les six sens, l’attachement et l’ignorance mènent au cycle du Saṃsāra tandis que le lâcher-prise et l’Eveil conduisent à la délivrance. Il n’y a pas d’autres alternatives. 

L’ATTACHEMENT, C’EST L’IGNORANCE

La vie est un flux en perpétuel mouvement qui ne s’arrête pas une seule seconde ni à aucun endroit précis. Or, nous nous efforçons de la maintenir toujours présente et intacte à des fins personnelles. Cette tendance à vouloir la conserver est issue de l’ignorance qui vient du fait que nous n’en percevons pas la vérité. Étant donné que notre corps non-permanent est soumis au cycle de la naissance, de la vieillesse, de la maladie et de la mort, lequel d’entre nous acceptera-t-il sans souci de vieillir, de souffrir de la maladie et de mourir ? En fait, nous voulons rester toujours jeunes, en parfaite santé et vivre éternellement. Hélas, ce désir irréalisable nous rendra malheureux. C’est pourquoi la vieillesse, la maladie et la mort nous sont autant de souffrances. En revanche, si nous sommes conscients de la loi de l’Impermanence*, nous ne serons pas aussi malheureux quand viendront la vieillesse, la maladie et la mort. Le malheur, s’il existe, proviendra de la déchéance de notre corps, et non pas de l’insatisfaction de ne pouvoir préserver notre vie. Ainsi, celui qui est conscient de l’importance du non-attachement, verra son malheur atténué.

Notre erreur constante est de considérer tout ce que nous voyons, entendons, sentons, goûtons, touchons et pensons comme infaillibles. Nous sommes persuadés de la véracité de nos visions et de nos pensées, et si une autre personne a la même conviction, nous serons vite confrontés à deux visions et à deux pensées divergentes. Ceci mènera sûrement à une dispute qui pourra, sans arrangement équitable, aboutir à de la violence physique. À un petit niveau, c’est une querelle entre individus ; à un niveau moyen, ce sera entre familles ; et à un plus grand niveau, ce sera entre nations. La mèche du conflit une fois allumée, le feu du malheur se répandra partout. L’attachement à notre ego provient de notre ignorance face à la vérité. Aussi, le bouddhisme préconise-t-il d’utiliser la lumière de l’Eveil pour dissiper les obscurités de l’ignorance afin de délivrer l’humanité de la souffrance. Ce salut n’a pas de forme et ainsi ne pourra pas être perçu concrètement. Cependant son utilité profonde et durable est inestimable.

En tant que profane, l’homme ne considère comme réel que ce qui est concret et comme dénué de réalité ce qui ne l’est pas. Prenons l’exemple d’une famille pauvre dans laquelle le père, chef de famille, doit gagner sa vie en pédalant sur un cyclo. Il gagne quotidiennement trois mille à cinq mille đồng*. Étant alcoolique, il gaspille tous les soirs les deux tiers de son gain aux bars. Il ne lui reste qu’une petite somme pour nourrir sa famille qui tombe vite dans le besoin. Pour leur venir en aide, nous leur apportons chaque jour quelques kilos de riz. A quel moment estimerons-nous pouvoir les faire sortir de la misère ? L’unique façon efficace est de persuader avec tact le mari d’abandonner l’alcool. Une fois qu’il se sera repenti et aura cessé de boire, sa famille sera sortie de la difficulté pour longtemps. Le conseil donné au mari de cesser de boire n’a rien de concret, mais il a une portée incalculable. Pour apporter le salut aux êtres vivants, Bouddha nous a clairement enseigné que l’attachement issu de l’ignorance est source de malheurs et qu’il nous fait plonger dans la mer de souffrance. Une fois l’Eveil réalisé et l’attachement abandonné, nous retrouverons la sérénité éternelle.

En résumé, tous les textes commentés ci-dessus nous ont présenté explicitement les causes fondamentales de notre souffrance, le Saṃsāra, ainsi que l’origine de notre délivrance, le Nirvāṇa. Nos six organes sensoriels constituent le moteur principal qui nous tire vers le haut ou vers le bas. En nous appuyant par ignorance sur la perception sensorielle de nos six sens et en y fixant notre attachement, nous créons la source de nos malheurs et de notre renaissance. En revanche, reconnaître avec lucidité la limite et le caractère obtus de nos six facultés, sans aucun préjugé, nous conduit à la sérénité et à la délivrance. La voie du perfectionnement de soi est très simple, le bonheur comme le malheur dépend de l’état éveillé ou non de nos six organes sensoriels. Ne cherchons pas un quelconque endroit lointain pour trouver le bonheur ou fuir le malheur. Contrôler nos six facultés de sens de telle sorte qu’elles ne suivent pas et ne s’attachent pas aux six objets de connaissance, c’est trouver la vraie délivrance.

Un moine s’est adressé un jour à un maître zen :
- En quoi consiste la délivrance ?
Le maître lui a répondu :
- Quand les organes sensoriels ne s’attachent pas aux objets de connaissance, c’est la délivrance.
Cette phrase est à la fois simple et réaliste. L’attachement est l’emprisonnement, la fin de la liberté. Le non-attachement est la liberté, la délivrance, ce qui n’a rien d’étonnant. D’autant plus que les organes sensoriels et les objets de connaissance ne constituent que de formes d’assemblage muables. Si on réalise que le contact des organes de sens avec leurs objets de connaissance est chose virtuelle et muable, il est possible de prendre de la distance vis-à-vis de son ego et des phénomènes extérieurs. C’est alors l’émancipation totale.

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 FIN DU CINQUIEME CHAPITRE
 
 
 

Chuong 3- LE LOTUS DANS LA TOURBE

CHAPITRE III LE LOTUS DANS LA TOURBE
 
Beaucoup de moines et de laïcs bouddhistes pensent que nous ne pouvons pas atteindre l’Éveil et devenir Bouddha. Ils arguent que le Bouddha est venu au monde dans des circonstances exceptionnelles et prédestinées avec sa nature fondamentalement pure et divine, tandis que nous, nous sommes nés avec nos désirs aveugles et charnels, nos erreurs innombrables, dans une époque de décadence spirituelle avec notre nature faible et l’esprit obtus… 
Si tel est le cas, comment pourrons-nous devenir Bouddha ? Si nous souhaitons le devenir, nous devons considérer le prince Siddhārtha** comme un être humain comme nous et essayer de suivre son exemple.

LE PRINCE SIDDHĀRTHA DANS SON ROYAUME 

Quand il résidait au palais royal, le prince fut très sollicité par toutes sortes de plaisirs des sens. Il était entouré de belles épouses, de jolies servantes et de charmantes créatures. Il avait en tout trois épouses : Yasodhara**, Gapika et Urganika.

Il était pris dans un flot continuel de musique douce et de chansons mélodieuses. Il bénéficiait de la sollicitude attentive de son père. Le roi lui fit construire de somptueux palais, un pour chacune des quatre saisons et veilla à ce qu’il ne s’ennuie pas, ne fût-ce qu’une minute. Le prince vécut jusqu’à l’âge de dix-neuf ans dans ce paradis terrestre.

LE PRINCE RECHERCHE LA VERITE
ET DEVIENDRA BOUDDHA

Il lui a suffi d’être une fois témoin de la vieillesse, de la maladie et de la mort pour que ces réalités l’obsèdent continuellement. Il se demanda alors pourquoi on doit, en ce monde, depuis des générations, accepter d’être malade, de vieillir et de mourir sans en connaître la fin. Il décida alors énergiquement de rompre ce cercle préétabli. C’est pour cela qu’il passa des nuits blanches, l’esprit préoccupé et tourmenté afin de trouver une voie de salut pour lui-même et pour tous les autres êtres vivants. À partir de ce jour, beauté et sons mélodieux devinrent pour lui sans attraits. Les aliments ne furent plus appétissants. Tout devint fade, sans saveur. Il demeura indifférent à tous ces plaisirs éphémères et trompeurs. Il prit la ferme décision de quitter le palais afin de chercher la voie de l’émancipation. Ce chemin apparut devant lui parsemé de dangers multiples qui mettaient sa vie presque toujours en danger. Il accepta ces épreuves avec courage et volonté. Il quitta sa famille à l’âge de dix-neuf ans.

Après de nombreuses d’années passées à errer dans les forêts profondes à se perfectionner, à se dépouiller de ses attributs royaux jusqu’à transformer complètement sa forme physique, après avoir surmonté tant d’épreuves et d’écueils de toutes sortes, il a su garder intacts et sans failles son courage et sa volonté.

Les enseignements religieux en cours à son époque ne l’ayant pas satisfait, il décida d’essayer une autre voie, celle de la mortification ascétique. Malgré tous les supplices qu’il s’infligeait à lui-même, il n’arrivait pas à atteindre son but. Il se résolut alors à adopter la voie du juste-milieu, et après quarante-neuf jours et nuits de méditation, assis sous l’arbre Bodhi*, il atteignit l’Illumination et devint Bouddha sous le nom de Śākyamuni**. Parcourir ce chemin lui  demanda onze années.

Après l’Illumination, Bouddha observa les différentes étapes du développement des fleurs de lotus dans le lac. Certaines sont pleinement épanouies, d’autres encore en jeunes boutons immaculés, d’autres en formation dans l’eau et certaines pousses encore cachées dans la tourbe. Toutes ont la capacité de s’épanouir merveilleusement et d’exhaler un parfum agréable. Pourtant, à l’origine, elles se développent dans la boue, mais après avoir absorbé la brume matinale et avoir été exposées au soleil, leur floraison est égale en couleur et en parfum. Le Bouddha pense que les êtres humains sont comme les lotus, ils sont nés et ont grandi dans l’ignorance mais, une fois éveillés, ils peuvent parvenir à l’Illumination sans difficulté. C’est pourquoi il a choisi la fleur de lotus comme emblème de la vie et de son Enseignement. Le Sūtra du Lotus* en est la représentation la plus concrète.

BOUDDHA ASSIS SUR LE TRÔNE DE LOTUS

En ayant parcouru l’histoire de Bouddha, chacun sait que le Bodhisattva* arrivé au pied de l’arbre bodhi* étala l’herbe en guise de siège et atteignit l’éveil sous ce même figuier. Aujourd’hui, si nous voulons vénérer Bouddha en nous appuyant sur les textes historiques, nous devons Le représenter sur un trône d’herbe. Pour quelle raison, de nos jours, toutes les pagodes L’honorent-elles assis sur un trône de lotus ? Cette posture représente en fait le symbole de sa propre personnalité.

En effet, dans son passé de prince, Il se laissa, Lui aussi, gagner par les plaisirs des sens, comme un bourgeon de lotus enfoui dans la vase. Le moment où le Vénéré abandonna palais et famille pour chercher la Voie correspond au bourgeon sortant de la boue tout en demeurant encore dans l’eau. C’est au cours de la période où il méditait sous l’arbre bodhi qu’Il atteignit l’Eveil et que la fleur de lotus émergea de l’eau, ouvrit largement ses pétales et répandit son parfum suave.

La fleur de lotus représente aussi l’égalité entre tous les êtres. En tant que germe de lotus, n’importe quel bourgeon possède cette faculté de se hisser hors de la boue, de l’eau, pour fleurir et exhaler un parfum exquis. En tant qu’être humain, toute personne possède la capacité d’échapper à l’emprise des plaisirs des sens, de s’éveiller à la pratique et d’atteindre le but de la Voie. Devenir Bouddha n’est réservé à personne en propre, mais accessible à quiconque aspire à se délivrer du conditionnement de la vie terrestre, et possède la détermination de parvenir à l’éveil. Pour cette raison, la réalisation du Bouddha est nommée l’Eveil suprême et parfait*, c’est-à-dire sans état supérieur, mais accessible à tous. Le Bouddha emploie également cette image de la fleur de lotus pour rappeler à ses disciples que, vivants dans un monde plein de vicissitudes, ils peuvent parfaitement trouver le salut* par leur clairvoyance.

Les stances bouddhiques énoncent :

58- Parmi les repoussants détritus
Jetés sur les rives marécageuses,
Aussi est l’endroit où fleurit le lotus
Parfumant et embellissant la pensée humaine.

59- De même, au milieu de l’humanité
Souillée, contaminée, aveugle, profane,
Le disciple du Parfait Eveillé
Doit briller de sa clairvoyance.

(Dhammapada Sutta* stances 58 et 59.)
         
[58- Như giữa đống rác nhớp
          Quăng bỏ nơi bờ đầm
          Chỗ ấy hoa sen nở
          Thơm sạch đẹp ý người.
 
 59- Cũng vậy, giữa quần sanh
         Uế, nhiễm, mù, phàm tục
         Đệ tử bậc Chánh Giác
         Sáng ngời với trí tuệ].

Bien que sa croissance ait lieu dans un endroit sordide, la fleur de lotus demeure parfumée et belle. De même, vivant dans un monde souillé et obscur, le bouddhiste doit utiliser avec perspicacité la clairvoyance afin de réaliser la nature-de-Bouddha et aider autrui sur la Voie. Le côté remarquable de la fleur de lotus est d’être née dans le marécage boueux tout en restant pure. La noblesse du pratiquant, bien que plongé dans le monde des plaisirs et des tentations, est d’arriver à réaliser la voie à travers cette existence terrestre. La rose et l’orchidée, bien qu’elles exhalent davantage de parfum que la fleur de lotus, ne sont pas citées car elles poussent sur un sol propre. Si le prince Siddhārtha était une personne céleste descendue sur Terre pour parfaire son éveil, cela n’aurait revêtu aucune valeur particulière. Arriver justement à se délivrer de ce monde où règne l’emprise des sens, c’est là l’action d’un Personnage Valeureux.

LE POISSON ÉCHAPPÉ DU FILET

Sous la dynastie Song** en Chine, vivaient deux moines nommés Thâm et Minh. Leur activité religieuse les amena un jour à traverser en barque le fleuve Hoài [Huai Jiang]. Pendant la traversée, ils virent un gros poisson s’échapper du filet qu’un pêcheur était en train de tirer.

Le vénérable Thâm applaudit et lança ce compliment :
-  Excellent ! comme un maître zen.
Le vénérable Minh ne partagea pas cette opinion et dit :
-  Mieux eût valu ne pas entrer dans le filet. Il est trop tard d’attendre d’être pris au piège pour s’en échapper.
Le vénérable Thâm lui répondit :
-  Frère Minh, vous n’avez pas encore compris.
Ils cheminèrent plus d’une lieue avant que Minh, brusquement, comprit son erreur et s’en repentit.

Que nous apprend ce récit ? Lequel des deux poissons est admirable ? Celui qui saute hors du filet ou celui qui évolue librement en dehors ?

L’enseignement du dharma nous apprend que s’échapper de la souffrance qui nous entoure est un acte éminemment remarquable. Ceci révèle la force extraordinaire de l’individu qui s’en délivre. Nul ne parlerait de libération si celui-ci n’évoluait hors du filet et, sans sauter, lui-même ne saurait pas mesurer sa propre force pour y réussir.

Par ailleurs, tout individu est un réceptacle rempli de trois poisons fondamentaux de l’esprit* et des "six brigands*", lorsque les six organes de sens* se laissent entraîner par les six objets de sens*.

Comment pourrait-il arriver à vaincre ses ennemis intimes et ses démons extérieurs s’il n’est pas un être hors du commun ? Ce sont tous des poissons, et pourtant combien d’entre eux sont pris au piège du filet sans pouvoir se débattre et finissent dans le panier du pêcheur ! Celui-ci est le seul à sauter hors du filet. N’est-il pas semblable à l’être qui s’est libéré du Saṃsāra ?

A supposer que nous soyons déjà sanctifiés en naissant, la pratique du dharma n’aurait pas de raison d’exister. Les phénomènes ont une forte emprise sur nous. Toute contrariété nous met en colère parce que nous portons en nous toutes sortes de mauvaises habitudes, que nous sommes emplis de convoitise, de colère et d’ignorance. Se libérer de tous ces obstacles est une entreprise extrêmement difficile. Celui qui y parvient mérite d’être loué. C’est pourquoi le Maître Suprême Tuệ Trung a composé cette stance intitulée "Libération du Saṃsāra" :

Mû par notre avidité, nous devons subir nombre d’adversités,
Lâchons donc prise pour nous délivrer du saṃsāra,
Quittons cette rive, et rejoignons celle du Bouddha,
Chaque fois les attaches ôtées, nous serons libérés tout de bon.

          [Đã từng ham muốn phải long đong
          Ném quách mà ra khỏi bụi hồng
          Buông thỏng bờ kia lên Phật Tổ
          Một lần phủi giũ một lần xong].

À poursuivre les désirs matériels de ce monde, nous souffrons et peinons. Si nous osons tout rejeter d’un seul trait et nous affranchir de leur emprise, nous ferons alors preuve d’un courage extraordinaire. Ainsi, nous pouvons lâcher-prise et accéder enfin à la demeure du Bouddha.

Il faut cependant le faire avec courage et détermination et s’engager dans la voie sans se retourner. Ne prenons pas la mauvaise habitude d’être indécis ou hésitant, de trancher sans détacher, d’avancer à reculons, de n’arriver à rien sauf à nous attirer les moqueries des personnes cultivées et sensées. C’est là le sens d’une parole souvent émise par nos maîtres zen : « Tuez sans vous retourner*. » Faites preuve d’une détermination sans faille et vous réussirez quelle que soit la difficulté rencontrée.

TRẦN NHÂN TÔNG, LE ROI, LE MOINE 

Le roi Trần Nhân Tông** né en 1258, accéda au trône à l’âge de vingt ans, quitta sa famille à quarante et un ans afin de devenir moine et s’éteignit à l’âge de cinquante et un ans [1308]. Durant ses vingt années de règne, bien qu’il fût assis sur son trône doré, qu’il possédât un palais incrusté de joyaux, et qu’il pût jouir de plaisirs sensuels en surabondance, il se montra grand maître dans l’art de diriger le pays et de protéger son peuple.

Par deux fois, au risque de sa vie il commanda lui-même l’armée qui réussit à repousser les envahisseurs. Il assuma entièrement son devoir de grand défenseur du pays et de protecteur bien aimé de son peuple.

À l’âge de quarante et un ans, une fois sa mission accomplie, il abdiqua en faveur de son fils afin de pouvoir se consacrer à la vie monastique.

Dans son jeune âge, il avait déjà assimilé en profondeur le Dharma que lui avaient enseigné son père et son maître Tuệ Trung Thượng Sĩ**. Il ne lui suffisait plus, dès son ordination, qu’à mettre en pratique ce qu’il avait appris.

Pendant dix années, sous son nom de dharma « L’ascète de la forêt de bambous » [V/Trúc Lâm Đầu Đà], il avait, par son dynamisme inouï, favorisé la diffusion de la Loi authentique. Dans le milieu monastique, il forma des moines capables de gérer la communauté bouddhique. En public, il enseigna à tout son peuple la pratique des Dix Préceptes* permettant ainsi à l’Enseignement bouddhique d’être divulgué dans tout le pays. Il accomplit sans relâche près de son peuple, pendant toute sa vie, la mission de propagation du Buddhadharma* et d’instruction bouddhique.

A l’approche de sa mort, se reposant au pagodon Ngọa Vân au sommet d’une montagne de la région Yên Tử, il demanda à faire venir Bảo Sát. Au premier jour du onzième mois lunaire, à minuit précise, sous un ciel illuminé d’étoiles, il demanda :
-  Quelle heure est-il ? 
Bảo Sát répondit :
-  Il est minuit.
Par un geste de la main, il ordonna d’ouvrir la fenêtre pour regarder dehors. Puis il dit : 
-  Il est temps que je parte.
Bảo Sát lui demanda : 
-  Où allez-vous maintenant très vénéré Maître ?
Il lui répondit par une stance :

Tout Dharma est non-né,
Tout Dharma est non-mort.
Si nous comprenons bien cela,
Tous les Bouddhas seront omniprésents.
Aussi n’y a-t-il pas de va et vient !

[Tất cả pháp chẳng sanh,
Tất cả pháp chẳng diệt.
Nếu hay biết như thế,
Chư Phật thưòng hiện tiền.
Nào có đến có đi ?]

Bảo Sát questionna de nouveau :
-  Qu’y aura-t-il s’il n’y a ni naissance ni mort ?
Le Patriarche secoua sa main et dit :
-  Cessez de divaguer ! 
Puis il se mit en position du lion assis et s’éteignit.

À travers les trois étapes de sa vie, nous constatons qu’il vécut pleinement chacune de ces étapes. Durant son règne, il s’effaça devant son devoir envers son pays et son peuple. Devenu moine, il s’impliqua complètement à perfectionner la pratique du Dharma et consacra toute sa vie au service du Saṅgha* sans ménager sa peine. Aussi, a-t-il pu remplir brillamment la fonction de moine tout comme celle de roi. Cette réussite en tout domaine est le fruit de son attitude déterminée et active.

On pourrait croire qu’il avait, à un moment de sa vie, enfreint les préceptes bouddhiques car, comme tout roi dans son palais, il avait bénéficié des jouissances sensuelles et, pendant la guerre, il était parti au front au commandement de ses troupes. Néanmoins une fois résolu à s’adonner à la Pratique, il avait rompu avec tout son passé et menait une vie de moine ascétique sous le nom de dharma " le grand Ascète". Grâce à cette volonté ferme, il parvint en dix années à réaliser la compréhension ultime de la naissance et de la mort. Cette conduite exemplaire nous enseigne qu’il ne faut pas manifester de la peur devant les erreurs commises par ignorance, mais surtout qu’il ne faut pas adopter d’attitudes ambiguës, une fois entrés dans les ordres.

Notre Patriarche a bien saisi le sens profond de la Voie et l’a toujours respecté avec assiduité durant sa vie de moine. Nous le comprenons davantage en lisant cette stance qui est la conclusion de son poème « Le bonheur de la Pratique durant la vie présente » [v/ Cư Trần Lạc Đạo] :

En ce monde, la joie de la Pratique consiste à savoir s’adapter en toutes circonstances de la vie.

         Manger lorsqu’on a faim, se reposer lorsqu’on est fatigué.
          Ne cherchons pas ailleurs les trésors qui sont déjà en nous.
          Sans esprit discriminant devant toute nature, il est inutile de parler du zen.

          [Trong đời vui đạo hãy tùy duyên
          Đói đến thì ăn, mệt nghỉ liền
          Nhà mình báu sẵn thôi tìm kiếm
          Đối cảnh không tâm chớ hỏi thiền].

Même vivant au cœur de ce monde, la compréhension parfaite de la Voie nous permet d’apprécier la vie avec sérénité et joie. Face à l’impermanence des choses, on s’adapte selon les circonstances : manger lorsqu’on a faim, se reposer lorsqu’on est fatigué. Pour ce faire, il suffit de ne pas s’attacher aux événements pour ne pas en souffrir.

Bouddha est en nous. Ne nous fatiguons pas à Le chercher ni à l’Est ni à l’Ouest. Notre sagesse réside dans l’absence d’agitation manifestée devant les événements extérieurs. Agir ainsi c’est déjà la méditation. Il n’est point utile de la chercher ailleurs. Le pratiquant reconnaît que la bouddhéité est en lui. Pour que la nature-de-Bouddha puisse se manifester en lui, il suffira que son esprit ne poursuive pas les événements extérieurs.

Ceci est une voie de pratique toute simple, toute concrète, et pourtant bon nombre de personnes peinent à lui faire confiance et à accepter de la suivre. Ils ne croient qu’au Bouddha régnant à l’Ouest et s’ingénient à célébrer des cérémonies en vue d’acquérir des mérites et d’être accueillis par Lui dans sa Terre Pure*. Pour cette raison, le Patriarche Lâm Tế** avait déclaré : « Les ignorants se moquent de moi, les sages me reconnaissent ». Ils se sont moqués de l’aspect à la fois subtil, concret et réaliste de la Pratique, laquelle ne permet aucun doute possible.

Ainsi, il n’est pas étonnant qu’autant de respect et d’admiration aient pu être manifestés pour un roi qui avait réussi à atteindre l’Eveil en seulement dix ans. Pour cette raison, la cour royale le vénéra en lui attribuant le titre de "Roi éveillé ayant maîtrisé toutes les passions".

LE PRINCE SIDDHĀRTHA ET LE ROI TRẦN NHÂN TÔNG

Le Prince Siddhārtha** n’a jamais été confronté aux difficultés de la vie. Face à la vieillesse, la maladie et la mort, il décida de partir en quête d’une voie possible et capable de briser la loi inexorable qui gouverne la vie humaine depuis la nuit des temps. Au prix de onze années de vie errante de forêts en montagnes, s’imposant une nourriture frugale jusqu’à la limite de ses forces physiques, il découvre la clé pour se libérer du cycle des naissances et des morts. Il atteignit alors l’Eveil*. C’est Lui qui a trouvé la voie menant vers l’Eveil et la Libération, rompant ainsi le Saṃsāra* qui régit notre existence, et il nous en a montré la pratique. Son œuvre reste unique jusqu’à la fin des temps.

Le roi Trân Nhân Tông** hérita de l’enseignement du Bouddha. Son cheminement en fut plus aisé et plus évident. Il lui suffit d’allumer son flambeau au contact de celui du Bouddha. Pour cette raison, il n’avait pas à s’infliger des peines pour découvrir la voie. Il n’avait qu’à suivre celle déjà tracée et la mettre en pratique pour réussir. Cependant, ce ne fut pas si facile malgré les indications précises. Vouloir les appliquer lui demanda beaucoup de hardiesse. Il lui fallait s’armer fermement pour couper ses menottes d’or et ses chaînes de perles. Se libérer de ses attaches sentimentales lui demanda beaucoup de courage.

Tous les deux avaient une vie protégée dans l’enceinte de leurs palais royaux. Ils y étaient entourés par une cour de belles courtisanes, enveloppés par les airs musicaux d’instrumentistes virtuoses et par des mélodies sirupeuses, enivrés par des senteurs parfumées et captés par des saveurs raffinées. Néanmoins, ils ont eu l’audace de s’échapper de ce cocon avec désintéressement et sans regret. Ils ont réussi ce qui était difficile à réaliser, laissant ainsi à la postérité un exemple exceptionnel et hors du commun. Ils étaient comme deux jeunes pousses de lotus recouvertes par la fange des cinq désirs des sens*. Ils s’élançaient au-dessus de l’eau pour s’épanouir et révéler leur fraîcheur et une beauté éclatante. Ils répandaient sur le monde le parfum d’une quintessence éthérée.

Ces images sont des guides dans la pratique de la Voie afin d’y avancer sans hésitation ni doute. N’étant pas des saints hommes, tous les deux ont été entourés par les passions de ce bas monde. La particularité de leur cheminement, c’est d’avoir pris conscience très tôt de la nécessité de s’en libérer, exerçant pour se faire leur courage le moment venu. De toutes ces expériences, nous pouvons tirer profit. Comment ne pas se sentir peiné par le spectacle de la vieillesse, de la maladie et de la mort ? Comment ne pas se sentir fier en proférant des serments au risque de sa vie ? Pour éprouver cela, il suffirait que nous nous servions de notre sensibilité pour mener à bien notre pratique, et pouvoir transformer habilement notre fierté afin de la mettre au service de la réalisation de la Voie. Oserions-nous nous engager avec détermination, nous récolterions sans aucun doute les fruits de cet engagement. Nous aussi sommes de jeunes pousses de lotus embourbées dans la vase des cinq désirs de sens*. S’en extraire pour prendre son envol, est-ce si difficile ? Nous ne possédons pas de palais royaux ni de ravissantes courtisanes … Tous ces plaisirs étant pour nous difficiles à acquérir, il nous serait plus facile de nous en libérer. Nous en serions allégés. Il suffirait d’un petit saut léger pour s’en sortir. Pourtant, nous ne cessons d’atermoyer. Ceci est la marque de notre faiblesse. Elle nous contraint à errer éternellement dans le Saṃsāra*.

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La fleur du Lotus dans la tourbe,
symbole de la pureté en toutes circonstances de la vie.
 

Chuong 4 - LE BODHISATTVA REDOUTE LA CAUSE

CHAPITRE IV
 LE BODHISATTVA REDOUTE LA CAUSE,
 L’ÊTRE HUMAIN REDOUTE LES EFFETS

Tout être humain recherche le bonheur et redoute la souffrance. Un profane n'aspire qu'aux conséquences bienheureuses sans se soucier de celles provoquées par ses mauvais actes. À l’opposé, une personne bien consciente de la cause de la souffrance, essaie de semer des graines de joie autour d'elle.

Lequel de ces deux êtres a raison ?

Même un naïf peut comprendre qu’il est illusoire d’espérer des résultats positifs sans avoir pris la peine auparavant de créer des conditions favorables et que, s’il continue à semer le vent, il récoltera forcément un jour ou l’autre la tempête. Donc, sans mauvaises intentions, pas de conséquences malheureuses. Une bonne conduite, et la joie viendra systématiquement à nous. Un homme sage doit veiller à ses actes, ne retenir que les bons et rejeter les mauvais. Si, durant toute sa vie, il n'a effectué que des actions bienfaisantes, évitant les mauvaises, sa vie n’en sera que plus belle et plus paisible.

Au contraire, un individu qui ne pense qu'à commettre des actions malfaisantes, délaissant les bonnes, ne recueillera inévitablement que des malheurs, en dépit de toutes ses vaines prières.

Pour cette raison, bon nombre de bouddhistes connaissent par cœur ce précepte de Bouddha « Le Bodhisattva redoute la cause, l’être humain redoute les effets ».

DISTINCTION ENTRE LE BODHISATTVA ET LE PROFANE

Le Bodhisattva* est un être éveillé qui voit l'origine de la souffrance et celle du bonheur. Pour éviter la souffrance et accéder au bonheur, il convient d’éviter de semer la souffrance et d’essayer de répandre paix et joie. Ainsi, sans mauvaises graines semées, pas de mauvais fruits recueillis. L’action bienveillante ne pourra apporter que du réconfort. Telle est la conduite d’une personne éveillée.

Le profane, quant à lui, manquant de lucidité, ne vise que les conséquences. En recherchant le bonheur tout en fuyant le malheur, il ne cherche pourtant pas à nourrir les semences du bonheur et à éviter les germes de la souffrance. Lorsque celle-ci survient, toute prière sera vaine car toute cause a déjà réalisé son effet. Comment cet homme pourrait-il cueillir le fruit de son bonheur s’il n’a rien fait pour ensemencer les bonnes graines ?

Tout ceci illustre les attitudes contradictoires entre le profane et l’être éveillé. Toutefois, pour tous ceux qui sont capables de délaisser leurs illusions ou de cultiver leur esprit éveillé, il leur suffit de bien choisir la cause. Qui ne pourra pas le faire ? C’est cela un acte réalisé en pleine conscience. Aussi sommes-nous tous capables de réaliser les actes de Bodhisattva et de délaisser toutes les spéculations d’un être profane.

LE BODHISATTVA REDOUTE LA CAUSE

Un Bodhisattva est un être illuminé. Il est aussi celui qui aide les autres à s’éveiller. De ce fait, il cherche à supprimer toutes les causes de la Souffrance qu'il reconnaît parfaitement et qu'il redoute.

Face à la cupidité et à l'avarice qui sont sources de malheurs, le Bodhisattva pratique la générosité et la charité, ce qui permet de dire que cette pratique aide à transformer les malheurs.

Face au laisser-aller et à la vanité, négation de toutes les vertus, le Bodhisattva s'applique à observer l'Éthique Bouddhique*, ce qui permet de dire que la pratique de cette Éthique aide à lutter contre le non-respect des règles.

Face à la colère, cause de nombreux péchés, le Bodhisattva se perfectionne en pratiquant la patience et l'humilité, ce qui permet de dire que cette pratique aide à neutraliser la rancœur.

Face au laxisme et à la paresse, sources de tous les vices, le Bodhisattva pratique la persévérance, ce qui permet de dire que cette pratique aide à maîtriser la torpeur.

Face à l’agitation de l’esprit, source de la perturbation et de l’obscurcissement de l’esprit, le Bodhisattva se perfectionne en pratiquant la méditation-concentration, ce qui permet de dire que la méditation aide à éradiquer l’agitation mentale.

Face à l'ignorance, source du cycle des naissances et des morts, le Bodhisattva perfectionne la Connaissance transcendantale*, ce qui permet de dire que la Sagesse aide à vaincre l’ignorance.

Si le Bodhisattva se perfectionne dans la pratique de ces six Perfections*, c'est pour faire tarir les six sources de tous les maux obscurs et dangereux qui entraînent l'homme dans un cycle de souffrance sans fin. L’éradication totale de ces six causes conduit à l’émancipation et à l’éveil.

La pratique de ces six Perfections représente la voie de la réalisation de Bodhisattva jusqu’à l’Éveil où il devient réellement Bodhisattva. C’est la partie de la pratique du Bodhisattva essentiellement centrée sur son propre éveil.

LE COMMUN DES MORTELS REDOUTE
LES CONSÉQUENCES DE SES ACTES

Le commun des mortels fait preuve d’ignorance* : il redoute la souffrance sans en connaître la cause. Devant la douleur, il s’affole, supplie, appelle à l’aide, mais il ne s’interroge pas sur la cause originelle de cette souffrance. Quand celle-ci est passée, il se comporte comme si rien ne s’était produit sans chercher à s’améliorer.

Ce que redoutent le plus les êtres vivants et ce qui leur fait peur, c’est :

- D’être assassinés. Pour autant, ils n’abandonnent pas toute idée d’attenter à la vie d’autrui. En gardant un tel projet en eux, comment peuvent-ils éviter en conséquence d’être tués par les autres ?

- D’être volés, dépossédés de leur fortune sans pour autant cesser de convoiter les biens d’autrui. Il est évident que la situation inverse est tout aussi concevable.

- D’avoir peur que leurs femmes et enfants soient violés alors qu’ils convoitent celles et ceux des autres. Nourrir l’intention de déshonorer la famille des autres, c’est risquer en retour que les autres leur rendent inévitablement la pareille.

- D’être trompés par des paroles mensongères ou diffamatoires tout en éprouvant du plaisir à berner et à dire du mal des autres. Une telle attitude entraînera des conséquences identiques inévitables.

- D’avoir terriblement peur d’être la risée d’autrui quand ils sont ivres morts, sans pour autant cesser de boire de l’alcool. Tant que nous continuons à boire, nous devons accepter l’ivresse.

Telles sont les conséquences tant redoutées par les êtres vivants. Cependant, quelle inconscience de leur part lorsqu’ils n’évitent pas les causes qui engendrent ces conséquences ! C’est de cela qu’il s’agit quand on parle de l’Ignorance*, un caractère propre au commun des mortels que nous sommes.

LE BODHISATTVA CULTIVE LA BONNE CAUSE

Au service des autres, la mission du Bodhisattva est de mener tout être humain à l’Eveil. Pour atteindre ce but, il doit lui-même acquérir cinq qualités essentielles :

- Une connaissance exhaustive du Buddhadharma* (connaissance des Écritures des trois Corbeilles*). Comment pourrait-il en effet guider les autres sur la voie de l’Éveil et mener ainsi à bien sa mission s’il ne connaissait pas parfaitement l’enseignement bouddhique ?

- Des connaissances solides en psychologie, sociologie, sciences physiques… (connaissance des matières) qui l’aident à surmonter les obstacles dans sa tâche de diffusion de l’enseignement bouddhique.

- Des connaissances médicales (méthodes thérapeutiques) qui lui permettront de guérir les malades. Ceux-ci, ayant recouvré leur santé, seront disponibles pour écouter et pour suivre l’enseignement bouddhique avec sympathie et avec tout leur coeur.

- Il doit également exercer avec talent certaines professions ou métiers (connaissances techniques). En effet, pour mieux aider les gens, il est indispensable d’exercer avec maîtrise telle ou telle profession, tel ou tel métier afin de pouvoir ensuite instruire ses semblables et contribuer au développement économique du pays. En ce qui nous concerne, grâce à notre savoir faire, les autres viendront solliciter notre aide. C’est alors que se présente à nous l’opportunité qu’ils écoutent le message que nous souhaitons leur transmettre.

- Enfin, le Bodhisattva doit parler couramment plusieurs langues (connaissances linguistiques). Ainsi peut-il se faire mieux comprendre et mieux communiquer avec des personnes de conditions sociales et d’origines ethniques différentes. S’adresser à chacun dans sa propre langue facilite la transmission.

Lorsque le Bodhisattva possède ces cinq qualités essentielles, il lui devient possible de réaliser la bonne Cause qui est celle de guider les autres sur la voie de l’Éveil. Nous-mêmes, gardons-nous d’être la proie de l’idéal illusoire d’être au service d’autrui, alors que nous ne possédons réellement ni aptitude ni capacité pour réaliser cette bonne Cause. Dans ce cas, notre bonne volonté à aider les autres serait inefficace et inutile. Il nous faut donc acquérir avant toutes choses ces cinq qualités essentielles encore nommées les cinq Connaissances Supérieures du Bodhisattva*. Cette condition remplie nous permettra d’affirmer que nous possédons assez de bagages pour remplir notre mission qui consiste à guider les autres sur la voie de l’Eveil.

Une fois ces cinq conditions réunies, le Bodhisattva, dans sa mission de guide, doit aussi tenir compte de quatre réalisations pratiques :

- En premier lieu, il doit se tenir prêt à apporter une aide pécuniaire, matérielle et physique si nécessaire. Il pourrait, dès lors, réussir à susciter plus facilement la sympathie (Persuasion par les dons).

- En second lieu, le Bodhisattva doit toujours prononcer des paroles douces et affectueuses. Il est bon de se rappeler que même si nous avons rendu de nombreux services, il peut toujours se produire que, par maladresse, nous prononcions des paroles brutales ou méchantes. Les personnes que nous avons assistées peuvent alors céder à la colère ou se mettre à nous détester, ce qui n’était sûrement pas notre intention à l’origine. Il est bon d’avoir à l’esprit que seules les paroles aimantes permettent de se faire accepter et écouter (Communication avec des paroles aimantes).

- En troisième lieu, le Bodhisattva doit s’engager sans hésitation à aider avec efficacité les gens qui sont dans le besoin. Il doit le faire non seulement en paroles mais aussi en actes et y engager toute son énergie. Grâce à cette aide dans la réalisation de leurs tâches manuelles, ces personnes pourraient, en retour, être plus disponibles à l’écoute et plus perméables au Saddharma* (Partage de l’habilité manuelle).

- En quatrième lieu, le Bodhisattva se doit de partager volontairement la vie des gens dans leurs activités professionnelles. La compréhension et la communication entre les collègues partageant les mêmes situations ou rencontrant les mêmes difficultés s’avèrent en effet beaucoup plus aisées (Partage de compétence professionnelle). Dans ce contexte, nous pouvons facilement transmettre l’enseignement du Saddharma.

Tels sont les quatre modes de partage et d’accompagnement* indispensables que doit posséder un Bodhisattva dans sa mission : conduire les hommes sur la Voie de l’Éveil.

L’ÊTRE HUMAIN NE SOUHAITE QUE LES BONS EFFETS

Sans se préoccuper de créer de bonnes causes, l’être humain espère obtenir de bons effets. Comment ces effets pourraient-ils survenir en l’absence de conditions favorables ? Malgré cette ignorance, l’être humain continue à espérer. Ainsi souhaitons-nous vivre très longtemps en bonne santé sans daigner avoir la moindre compassion envers tous les êtres vivants, hommes et animaux. On ne peut pas à la fois mépriser la vie d’autrui et exiger le respect de la sienne. On ne peut pas non plus aimer la richesse et espérer le soutien des autres tout en restant à l’écart des actions caritatives et en étant indifférent à la misère des autres. On ne peut pas souhaiter avoir une famille heureuse et digne de respect sans se comporter dignement envers ses proches. On ne peut pas non plus espérer ne pas être escroqué tout en bafouant l’honnêteté. Toutes ces attitudes reviennent en fait à vouloir aller à l’Ouest en prenant la direction de l’Est.

Il y a d’autres cas de figure :
- Ceux qui prient pour que leurs familles vivent dans l’harmonie, mais qui sont incapables de prononcer des paroles aimantes.
- Ceux qui souhaitent ne pas être l’objet de propos méchants, mais sont incapables de prononcer des paroles de paix.
- Ceux qui prônent la sincérité à leur endroit et ne l’exercent pas envers les autres.
- Ceux qui souhaitent que leurs biens ne soient pas exposés à la malhonnêteté, mais n’éliminent pas leur désir de posséder ceux des autres.
- Ceux qui espèrent ne pas s’attirer la haine des autres, mais ne savent pas pardonner.
- Ceux qui espèrent obtenir une intelligence clairvoyante, mais en gardant à tout prix leur vision erronée.

Tous ces nombreux désirs ne seront jamais exaucés, car on ne peut pas espérer cueillir les fruits sans avoir semé les graines. Ce sont purement des manifestations de désirs, marque de l’illusion humaine*.

DIFFÉRENCES ENTRE BODHISATTVA ET SATTVA

Face à la peur, un Bodhisattva et un Sattva* ont des attitudes différentes.

Le Bodhisattva reconnaît les causes de la souffrance et cherche par tous les moyens à les détruire. Tant que subsistent des germes de souffrance, le Bodhisattva est dans l’intranquilité. C’est pour cette raison qu’il applique sans relâche les six Perfections* pour éliminer tous ces germes. Une fois les graines de la souffrance éradiquées, il n’y aura pas de fruits à récolter. Le Bodhisattva, lui, n’aura donc jamais à se préoccuper des conséquences de ses actes. Compte tenu de sa posture, il ne craint pas les effets car il sait qu’ils n’ont pas lieu de se produire.

À l’inverse, le commun des mortels redoute les conséquences malheureuses sans tenter d’éliminer les causes. Plus il a peur, plus le malheur arrive. On pleure, on se lamente quand le malheur est là, mais l’on ne veut pas reconnaître les raisons qui l’ont engendré. Implorer le Ciel, incriminer la Terre, haïr le monde, ne sont que de vaines gesticulations qui souvent ne font qu’aggraver nos souffrances.

Aucun divin*, aucun Bouddha ne cherche à nous faire souffrir. C’est notre immense ignorance qui engendre les germes de notre malheur. Une fois les graines semées, nous en récoltons forcément les fruits. Pleurer, gémir, se lamenter accentuent notre souffrance.

Pour guider autrui sur le chemin de l’Eveil, le Bodhisattva doit être passé maître dans les Cinq Connaissances supérieures* et les quatre modes de Partage et d’Accompagnement* qui lui serviront de radeaux pour aller au secours des autres. Un Bodhisattva ne se complaît pas dans les désirs illusoires, mais pose un regard attentif sur la réalité. Il se doit d’être talentueux et vertueux avant de commencer à prodiguer l’enseignement et la pratique aux autres. Un Bodhisattva ne se contente pas de parler en théorie de compassion et d’amour pour son prochain. Un Bodhisattva est un homme d’action mettant sa sagesse et son talent au service des gens au cœur de la vie, à leurs côtés, en appliquant ainsi les troisième et quatrième modes d’accompagnement qui sont les partages de l’habilité manuelle et de compétence professionnelle.

Un Bodhisattva n’est pas une image que l’on vénère dans les pagodes, un personnage juché sur son trône de lotus ou chevauchant un lion, mais c’est une personne dotée d’un savoir-faire pointu, au corps marqué par l’effort qui s’affaire dans les ateliers d’usine ou dans les entreprises. Impliqué dans le travail, il partage avec les autres ses connaissances professionnelles, en appliquant la quatrième Connaissance de Bodhisattva qui est celle des connaissances techniques.

À l’opposé, le commun des mortels escompte des résultats merveilleux, mais ne contribue pas à créer des conditions favorables pour les obtenir. Comment pourra-t-il espérer cueillir de bons fruits s’il n’a rien semé ? Vouloir cueillir sans avoir semé, c’est faire d’une cueillette le résultat d’une tricherie, d’un vol, d’une immoralité. Supposons que nous ayons un voisin dont l’oranger ploie sous ses fruits. Nous les convoitons, puis nous nous mettons sans aucune gêne à les cueillir. Deux hypothèses se présentent à nous : soit le propriétaire nous surprend sur le fait et nous fracture le bras, soit nous arrivons à les subtiliser et à les ramener chez nous sans être pris la main dans le sac. Dans ce cas là, ce sont quand même des fruits du vol, de la malhonnêteté et du déshonneur. Qui espère cueillir sans semer nourrit des rêves illusoires, loin de la réalité. Appartiennent à cette catégorie, les paresseux qui ne veulent être que des profiteurs. Attendre le fruit sans avoir eu la sagesse d’en semer : c’est cela l’ignorance des Sattva.

Le Bodhisattva n’est pas différent du commun des mortels, hormis la vision des choses : regarder profondément les causes pour éviter celles qui sont génératrices de malheur et développer celles qui sont porteuses de bonheur, telle est l’attitude du Bodhisattva.

N’espérer que le bonheur et fuir le malheur sans vouloir chercher leurs causes, telle est l’attitude des Sattva. Un Bodhisattva et un Sattva ne sont pas très différents en tant que créatures. Leur différence réside dans le regard qu’ils portent sur les causes et les effets. Ils sont comme deux personnes se trouvant au même endroit : l’une ayant le regard tourné vers l’Est, l’autre vers l’Ouest. Si celle qui a le regard tourné vers l’Ouest accepte de regarder vers l’Est, il n’y aura plus de différence entre eux. Ainsi, tous les Sattva ont la capacité de devenir Bodhisattva. L’état de Bodhisattva n’est donc pas le privilège exclusif des Bodhisattva.

À travers tout ce texte, nous voyons que la distance qui sépare un Bodhisattva d’un Sattva n’est que de l’épaisseur d’un fil de soie ou d’un cheveu. Il suffira que le Sattva sache transformer la crainte des conséquences de ses actes en une véritable attention vigilante à leur cause profonde pour devenir un Bodhisattva. Vraiment, l’ignorance et l’Eveil ne diffèrent que par la position du regard. Un moine donnant les enseignements du Bouddha peut être considéré comme un Bodhisattva grâce à ses connaissances approfondies du Dharma.

Dans de nombreuses situations, un Sattva diffère peu d’un Bodhisattva :
- un médecin dévoué à ses malades pourrait être également un Bodhisattva s’il applique avec âme et conscience ses "Connaissances médicales".
- un ouvrier qualifié qui forme ses apprentis avec dévouement et désintéressement pourrait être probablement un Bodhisattva car il s’applique à la réalisation de ses "Connaissances techniques".
- un travailleur au champ qui adresse des paroles de morale authentique à ses compagnons pourrait lui aussi être un Bodhisattva excellant dans l’art d’Accompagnement à l’Eveil.

Un Bodhisattva est quelqu’un qui nous est très proche, mais qui se distingue de nous par sa faculté à identifier les mauvaises causes afin de les éviter et à nourrir les bons effets. Quant à nous qui comptons uniquement sur les bonnes conséquences de nos actes, nous ne nous donnons pas la peine d’examiner leurs causes profondes. En médecine, il existe aujourd’hui un adage : « Plutôt prévenir que guérir. » Cet adage peut s’apparenter à : « Plutôt avoir peur des causes que des effets de nos actes. »

Le bouddhisme est la voie amenant à l’éveil. Identifier clairement les causes de tout événement, c’est l’éveil ou le bodhi*. Nous qui suivons le chemin du Bouddha qui n’est autre que la Voie de l’Eveil, nous devons pratiquer la vision profonde des origines de tout événement afin d’éviter les mauvaises conséquences ; ceci constitue l’observance des Vœux de Bodhisattva, le Bodhisattvacaryā*. Puisque chacun de nous est capable de prendre en considération cette peur des causes, nous pourrons tous devenir des Bodhisattva.

botatVanThusSuLoi
Maῆjuśrī Bodhisattva
Emblème de la Connaissance intuitive.

 

Chuong 2-PRATIQUER

PRATIQUER LE BOUDDHISME
EN TOUTES CIRCONSTANCES

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Nombreux sont ceux qui pensent que la pratique du bouddhisme est réservée à une minorité de riches oisifs et guère aux pauvres ayant du mal à joindre les deux bouts et ne disposant pas de temps libre.

Autre préjugé : le bouddhisme ne concernerait que les malheureux, les déshérités souffrant de solitude ou de handicaps qui trouveraient dans la pratique une consolation à leurs souffrances. Il ne concernerait pas les nantis dans leur cocon familial qui baignent dans l’abondance et le luxe.

Enfin, quelques-uns pensent que c’est une opportunité de repentance réservée aux personnes qui ont fait preuve de cruauté, ont péché et veulent se racheter. Alors qu’eux qui se considèrent comme des personnes qui n’ont fait aucun mal à autrui, n’en ont pas besoin.  

Avec de telles conceptions, qui peut encore voir la nécessité de pratiquer le bouddhisme ? Toutes ces personnes ignorent qu’en nous cohabitent le bien et le mal. Si nous donnons libre cours à notre mauvais penchant en obéissant à notre instinct, nous perdrons toute dignité humaine et seront responsables de fautes innombrables.

Le pratiquant se doit de réduire la part de ses idées erronées et de développer son penchant au bien. Avec une telle observance, il pourra acquérir les qualités nécessaires pour la réalisation de bonnes œuvres envers son entourage. Alors pourrait-on dire quelles sont les circonstances nous empêchant de pratiquer le bouddhisme ?  

PRATIQUER LE BOUDDHISME
DANS LE TUMULTE DE LA VIE

Certaines personnes sont continuellement occupées à subvenir aux besoins de la famille. Dès l’aube, elles doivent être présentes sur le marché pour ne rentrer qu’à la nuit tombée. Ensuite, elles doivent s’occuper du repas du soir et du linge des enfants jusque tard dans la nuit. Elles n’ont pas de moment libre à consacrer à la pratique. Si on leur demandait de prier, de réciter des sūtra ou de dévider leur chapelet, elles en seraient incapables. Toutefois, la pratique à observer ici consiste à abandonner les mauvaises pensées, les paroles méchantes et les actions cruelles, pour ne nourrir que les meilleures pensées, les paroles aimables et les bonnes actions. Une telle pratique est accessible à tous puisqu’elle ne demande pas de temps disponible à lui consacrer.

Dans le commerce, si nous sommes honnêtes dans nos pensées, paroles et actions, nous gagnerons la sympathie de la clientèle qui, une fois satisfaite, fera prospérer nos affaires. Prenons l’exemple d’une commerçante qui affiche 1200 VNĐ* pour un objet qu’elle espère vendre à 1000 VNĐ. Malheureusement pour elle, le client ne lui propose que 300 VNĐ. Si la vendeuse n’est pas une pratiquante, elle pourra se mettre en colère, proférer des injures et s’engager dans une violente dispute. En revanche, si elle est pratiquante, elle n’a qu’à sourire et à répondre doucement : "C’est encore trop en dessous de son vrai prix pour que je vous le vende". Tout se passera tranquillement sans que personne ne soit froissé dans l’affaire, et le client pourra même revenir par la suite faire d’autres achats. Face à ces différends, si nous savons maîtriser notre colère, choisir des réponses modérées et adopter une attitude calme, cela reflètera une bonne pratique.

Quotidiennement, sur le marché, de tels différends ont sans cesse lieu. Aussi une bonne pratique du bouddhisme est-elle primordiale pour ceux qui vivent dans ce milieu. C’est pourquoi, selon les Anciens, "la pratique au sein du marché dans le tumulte est plus louable que celle dans la solitude des montagnes".

En tant que paysans portant la pioche pour aller aux champs, si nous pensons : "Soyons laborieux pour obtenir une bonne récolte afin de nourrir notre famille et, avec le surplus, venons en aide à nos compatriotes", une telle pensée constructive équivaut à une bonne pratique. Si la pousse est meilleure dans le champ voisin que dans le nôtre, nous n’allons pas éprouver de jalousie mais plutôt nous réjouir pour le voisin d’avoir eu une si bonne récolte, et sa famille d’avoir une vie plus confortable… De notre côté, efforçons-nous d’appliquer son savoir-faire. C’est là l’esprit d’un bon pratiquant bouddhiste.

Au cours des travaux de construction des digues et de labourage des champs, dès qu’il y a émission de pensées, si celles-ci s’avèrent mauvaises, nous tâchons de les éliminer immédiatement. En revanche, si elles sont bonnes, nous essayons de les développer. Cela est la bonne pratique. Ou bien, si à chaque coup de pioche correspond une invocation à Bouddha ou un acte accompli en pleine conscience, nous serons au cœur de la pratique.

Pour un écolier très pris par ses études, la pratique du bouddhisme ne doit pas constituer un obstacle. En allant à l’école, s’il pense : "Je dois bien travailler pour pouvoir aider mes parents quand ils seront âgés, acquérir une compétence pour mieux servir ma patrie dans l’avenir", il est déjà dans la pratique.

Si, à l’école pour ne pas décevoir ses professeurs qui se sont donnés beaucoup de peine pour enseigner, il sait écouter attentivement et retenir les leçons ; à sa manière, il pratique le bouddhisme.
Si, au lieu d’être jaloux des camarades mieux classés que lui, il les prend pour modèles pour s’améliorer, il possède l’esprit bouddhique. En bon pratiquant, il sait reconnaître ses erreurs pour se corriger immédiatement ou supporter les punitions sans plainte ni rancœur. Aux camarades moins instruits et ayant moins de moyens que lui, il sait fournir aides et conseils. C’est cela, une bonne pratique.

Si la société de demain est meilleure et plus rayonnante, ce sera grâce à "ces jeunes pousses de pratiquants". 

PRATIQUER LE BOUDDHISME DANS LA PAUVRETE

Quand nous sommes pauvres, notre pauvreté ne se manifeste que sur le plan matériel, et non en pensées, paroles et actions. Transformer les pensées et les actions négatives en positives, c’est pratiquer le bouddhisme. Ni temps spécifique ni argent ne sont nécessaires pour réaliser cela. C’est précisément cette vie de labeur qui nous offre cette opportunité, comme en témoigne l’exemple d’une personne harcelée par les difficultés qu’engendre la pauvreté et qui garde cependant un cœur droit, des paroles aimables et fait preuve d’honnêteté. De telles qualités humaines attirent sur cette personne la sympathie des gens et les incitent à lui venir en aide, atténuant ainsi ses difficultés.

À l’opposé, une autre personne dans une situation similaire mais dont le comportement est arrogant, les paroles désobligeantes, les manières brutales, a plus de chance d’entraîner l’antipathie et le rejet des autres gens. Sans aide, les difficultés lui seront de plus en plus dures à surmonter.

Avec un cœur pur, des paroles aimables et une conduite généreuse, nous trouvons toujours la paix et le bonheur, même dans la pauvreté. Un mari sachant faire des concessions à sa femme, une épouse respectant son mari, des enfants ayant de la piété filiale pour leurs parents et leur manifestant de la reconnaissance, cela révèle une vie familiale de partage et de communion harmonieuse.

PRATIQUER LE BOUDDHISME EN CAS DE MALADIE

En général, on considère la maladie comme un obstacle à la pratique du bouddhisme. C’est également une vue erronée. Si l’on considère que la psalmodie des sūtra, la pratique de la méditation assise constituent la pratique du dharma, la maladie avec l’incapacité de pratiquer ainsi risque  alors d’être vue comme un obstacle.

Cependant, si le but de la pratique est de prévenir la souffrance et de vaincre les pensées illusoires, on peut y parvenir, qu’on récite ou non les sūtra, qu’on fasse ou non zazen*. Si une personne gravement malade et grabataire arrive à se concentrer, malgré son état, sur l’invocation du Bouddha avec détermination, sans qu’aucun événement extérieur ne puisse la perturber, il s’agit de la pratique de la suprême persévérance selon la Voie de « la Terre Pure »*. Où est donc l’obstacle ?

Prenons un autre cas : celui d’un malade qui, plutôt que d’invoquer les noms des Bouddhas, préfère pratiquer la méditation-concentration, méditer sur son corps et y voir la source de ses souffrances, sa nature impermanente et impure, sans existence intrinsèque. Il s’est appuyé sur son corps malade afin de développer la vision profonde sur la vraie nature de sa personne. Ceci permet de réaliser la Sagesse et de s’approcher du Nirvāṇa*. Tel est la pratique de méditation bouddhique. Malheureusement, même un pratiquant habituellement appliqué, une fois malade, peut se démoraliser et devenir facilement insupportable pour son entourage, ce qui est pour le moins affligeant. Si nous nous donnons la peine de pratiquer quand nous sommes encore en bonne santé, nous trouverons suffisamment de force pour lutter au moment ultime, proche de la mort. Si nous changeons de direction au dernier moment, tous nos efforts auront été vains.

Pour nous bouddhistes, la maladie devrait être l’opportunité de concentrer toute notre énergie à la pratique, en gardant l’esprit clair sans être pris dans les pensées. Ainsi nous rejoindrons la nature-de-Bouddha, nous accéderons au Nirvāṇa* et nous échapperons au Saṃsāra*.

PRATIQUER LE BOUDDHISME CHEZ SOI

Un certain nombre de bouddhistes estiment qu’avec des préoccupations familiales, la pratique chez soi est difficile. Ils pensent que la vie dans les ordres, qui laisse plus de temps libre leur permettrait d’accéder plus facilement à la libération. Ce point de vue est inexact. Si vous considérez que la vie familiale est une surcharge de travail, rien ne vous assure que celle menée à la pagode soit moins chargée.

Les Anciens avaient indiqué qu’ "avant d’endosser la robe de moine, on se plaint d’avoir une surcharge de travail. Une fois la robe endossée, on trouve que la masse de travail est encore plus lourde". Ces remarques procurent un goût bien amer aux pratiquants bouddhistes. C’est justement en voulant éviter le génie du foyer* que l’on retrouve le représentant de l’allumelle*, c’est à dire qu’on passe d’un mal à un autre. N’avons-nous pas souvent entendu les plaintes des Vénérables, directeurs de pagode : « Administrer une pagode équivaut à être la bru de cent familles". La question reste posée. Ont-ils plus ou moins de travail ? Sont-ils plus sollicités ou jouissent-ils de plus de paix ?

L’essentiel de la pratique bouddhique est de bien saisir le sens de la pratique et d’être ferme dans ses convictions. Ces deux qualités étant réunies, on aura autant d’allégresse à pratiquer le bouddhisme chez soi que dans les ordres. Nous devrions avoir l’habileté de nous adapter aux différentes circonstances, sans exigence particulière afin de pouvoir nous adonner à la pratique. En fait, ces exigences ne seront que prétexte pour nous décourager, car des situations propices pourraient ne jamais se présenter à nous.

Il existe des bouddhistes ayant déjà de nombreux enfants qui s’obstinent à demander à entrer dans les ordres, laissant ainsi à leurs proches la charge de leur progéniture. Une fois leur aspiration satisfaite, et après un certain temps de pratique dans les ordres, ils apprennent que leurs familles ou leurs enfants connaissent des difficultés. Dès lors, ils se hâtent de retirer leurs robes jaunes et de réintégrer leur domicile. Cette décision relève d’un geste tout à fait impulsif.

PRATIQUER LE BOUDDHISME
EN TOUTES CIRCONSTANCES : TEMOIGNAGE

Autrefois, sous la dynastie Tang** en Chine, vivait la famille Bàng Long Uẩn** qui, grâce à la pratique du bouddhisme en famille arriva à se libérer des cycles des renaissances et des morts. Depuis, les mérites religieux de cette famille ont toujours été cités dans les milieux des pratiquants bouddhistes. Ainsi , de nos jours dans la pratique de la Voie de Terre Pure, on récite encore au cours de la prière du soir : "Il faut pratiquer la méditation bouddhique comme autrefois la famille Bàng ..."

Bàng Long Uẩn père était initialement disciple de Confucius**. Après avoir étudié le bouddhisme qui lui procura nombre de satisfactions intérieures, il partit pour mener sa quête spirituelle auprès des maîtres zen. Au début, il alla questionner le Maître zen Hy Thiên Thạch Đầu**: "Quel est l’être qui ne suit pas les phénomènes extérieurs?" De sa main, le Maître lui ferma la bouche. Il réalisa tout de suite sa conscience zen. Ensuite il alla poser la même question au Patriarche Mã Tổ Đạo Nhất**. Le Maître lui dit : "Quand vous arriverez à vider, en une seule gorgée, l’eau du fleuve Giang Tây [Jiang si] , alors je pourrais répondre à votre question". Bàng Long Uẩn réalisa encore plus profondément son esprit d’éveil.

La famille Bàng se composait de quatre personnes: Bàng et son épouse, un garçon et une fille. Leur maison se trouvait au pied d'une montagne et chaque jour avec des lattes de bambou, Bàng confectionnait des stores que sa fille portait ensuite au marché voisin pour les vendre. Leur vie fut modeste et simple, essentiellement consacrée à la pratique régulière de la méditation bouddhique. Un jour, pendant la réunion familiale pour le partage du dharma, le père dit : "C’est dur, dur, dur de grimper sur un arbre enduit de dix quintaux d'huile de sésame". La mère répondit : "C’est facile, facile, facile. Dans ma tête, il y a cent germes de pensées de notre Maître fondateur". Leur fille Linh Chiếu** s'exprima à son tour: "Cela n'est ni facile ni difficile comme manger lorsqu'on a faim ou dormir lorsqu'on est épuisé".

Selon le père, pratiquer le bouddhisme est aussi difficile que grimper sur le tronc d'un grand arbre sans aspérités et enduit d'huile. Au contraire, pour la mère, cette pratique est très facile, car elle voit partout les pensées du Maître. Quant à Linh Chiếu toute pondérée, pour elle, la pratique du bouddhisme n'est ni difficile ni facile, car si on arrive à surpasser les deux pôles du dualisme, l’esprit sera dans un état de calme et de sérénité. Quand on a faim, on mange ; quand on est fatigué, on dort. Il est facile de se méprendre sur les propos de Linh Chiếu en considérant que la méditation bouddhique est ce simple fait de manger lorsqu'on a faim ou de dormir lorsqu'on est fatigué, puis de se laisser vivre selon ses propres penchants. Rien n’est plus désastreux que de vivre ainsi! En réalité, Linh Chiếu voulait essentiellement indiquer que lorsque l’esprit est détaché de la dualité " difficile/facile, bien/mal, bon/mauvais, succès/échec "...on peut manger ou dormir en toute simplicité.

Pour exprimer la communion spirituelle parfaite entre les membres de sa famille, le père écrivit la stance suivante:

                Notre fils avec sa vie de célibat,
                Et notre fille qui ne se marie pas,
                Notre famille en parfaite entente
                Nous parlons ensemble du Non-né *.
 
              [Con trai không cưới vợ
                Con gái không gả chồng
                Cả nhà cùng sum hợp
                Đồng bàn lời vô sanh.]

Agé, il s'assit un jour sur le divan-lit central* et, pressentant l’approche de sa mort,  il demanda à sa fille Linh Chiếu : "Vas voir dans la cour de la maison si le soleil est au zénith et reviens me le dire". Linh Chiếu sortit et revint lui dire: "Le soleil y est presque, mais il est éclipsé par la lune. Père, vas regarder toi-même". Le père sortit, mais lorsqu'il rentra dans la maison, ce fut pour constater que sa fille était morte, assise en position du lotus, au centre du divan-lit. Il eut ces simples mots : "Ma fille est vraiment éveillée".

Après les obsèques de Linh Chiếu, il informa ses proches qu'il allait bientôt quitter ce monde. Un jour devant ses amis tous réunis, il se coucha, la tête posée sur les genoux de son grand ami Châu Mục Công et, fermant les yeux, il mourut. Apprenant sa mort, son épouse se rendit au champ et dit à son fils en train de labourer la terre avec le buffle attelé à la charrue:
-  Mon fils, ton vieux père "inconscient" et ta sœur "idiote" nous ont quittés!
Son fils lui répondit :
-  En est-il ainsi, mère !
Puis, en se tenant debout, il rendit son dernier souffle. La mère murmura :
-  Encore un « idiot » qui me quitte.
Après l'enterrement de son fils, elle se retira pour aller mourir dans la montagne.

Cette histoire reflète la maîtrise parfaite de la famille Bàng Long Uẩn dont les membres arrivent à vivre sereinement leur mort. Le père confectionna des stores, sa fille les vendit au marché, son fils travailla au champ et son épouse s’occupa des tâches ménagères, et tous étaient parvenus à se libérer de la naissance et de la mort. Et nous, pourquoi cherchons-nous des prétextes de toutes sortes afin de justifier notre incapacité à nous adonner à la pratique ?

À l’époque de la dynastie des Trần au Vietnam, le roi Trần Thánh Tông**  et Tuệ Trung Thượng Sĩ** montrent qu’un roi et un ministre sont tous deux capables de pratiquer efficacement le bouddhisme ce qu’illustre l'histoire suivante. À l'occasion de la cérémonie commémorative de la mort de sa mère Hoàng Thái Hậu, le roi invita tous les dignitaires à un banquet. Parmi les invités figurait également Tuệ Trung Thượng Sĩ. Le roi pria chacun d'écrire une brève stance pour mieux appréhender leur vision du Buddhadharma*. Ayant lu des nombreuses stances formulées, le roi ne fut pas satisfait. Il demanda alors à Thượng Sĩ de composer la sienne. Voici ce que le ministre écrivit d'un seul trait de plume :

                Toute vision fait suite à une autre vision,
                Tout comme frotter ses yeux provoquent des papillotements.
                Et lorsque ces corps lumineux auront disparu,
                Les yeux retrouveront alors leur vision nette.
           
                [Kiến giải trình kiến giải
                Như dụi mắt thấy quái
                Dụi mắt thấy quái rồi
                Rõ ràng thường tự tại].

Après avoir lu ces vers, le roi composa la suite :

            Une fois que les yeux ont retrouvé leur vision nette,
            Si nous les frottons de nouveau, les papillotements réapparaissent.
            Visibles ou non, ces corps lumineux ne sont que des illusions,
            Qui disparaissent d’eux-mêmes.

 
              [Rõ ràng thường tự tại
                Cũng dụi mắt thấy quái
                Thấy quái chẳng thấy quái
                Quái ấy ắt tự hoại].

Notre propre perception des choses est illusoire comme ces papillotements apparaissant devant nos yeux irrités. Lorsque nos yeux retrouvent leur état normal, ces corps lumineux ont disparu. Notre vue redevient claire et nette. Il en est de même pour notre esprit troublé par la vision erronée des choses. Lorsque celle-ci aura disparu, notre esprit retrouvera, à ce moment-là, sa clairvoyance.

Le roi Thánh Tông et son ministre Thượng Sĩ perçurent ensemble la même vision des choses bien que leurs propos aient été inversés. Le ministre déclarait qu’en frottant les yeux, ceci provoque des papillotements, et lorsque le trouble disparaît, la vue redevient normale. Le roi, lui, affirma que les yeux voient nettement avant d’être frottés, mais qu’après les frottements, la vision devient trouble. C’est justement à l’apparition de ces papillotements que nous devrons reconnaître qu’ils sont « non réels » et voués à disparaître. La vue retrouvera ainsi sa netteté initiale.

Quand le roi Thánh Tông tomba gravement malade, le ministre lui écrivit pour s'enquérir de son état. Le roi répondit par ces deux vers :

                    La fièvre me couvre de sueur.
                    Mais celle-ci ne mouille jamais le "lange maternel *".
 
                    [Hừng hực hơi nóng toát mồ hôi
                    Chiếc khố mẹ sanh chưa từng ướt].
 
Le ministre fut à son tour légèrement malade. Dans son domaine portant le nom de "Domaine nourri de vérité" (Dưỡng Chân Trang), il s'allongea sur son lit de bois selon la position du "Bienheureux", les yeux baissés. Voyant cela, ses serviteurs et concubines sanglotèrent. Le ministre rouvrit les yeux, puis se leva. Il demanda de l'eau pour se rafraîchir les mains et la bouche. Ensuite, il leur fit gentiment ce reproche: "Vivre ou mourir est tout à fait naturel, pourquoi avez-vous manifesté tant de chagrins et de regrets qui viennent troubler le calme de mon esprit?" A ces mots, il s’allongea et s’éteignit en toute sérénité.

D’un côté, un roi qui, lors de son agonie, malgré la souffrance de désintégration des quatre éléments de son corps*, a pu reconnaître quelque chose d’immuable en lui, "le lange maternel". De l’autre côté, un ministre, entouré de nombreux serviteurs et concubines, qui parvint néanmoins à quitter ce monde en toute tranquillité malgré les pleurs et les regrets de son entourage.

Si nous alléguons comme prétexte que les multiples préoccupations nous empêchent de pratiquer efficacement le bouddhisme, que penser alors de celles d’un roi voué à son peuple qui défendit son pays contre les envahisseurs du Nord et de celles d’un ministre entouré de ses nombreux serviteurs et concubines ? Or, ce roi et ce ministre ont pu pratiquer avec ferveur le bouddhisme. Au vu de ces deux attitudes exemplaires, nous n’aurons donc aucune excuse pour dire que la pratique du bouddhisme est trop difficile.

En résumé, en tant qu’êtres humains, nous sommes loin d’être parfaits. Nous devrions exercer la pratique de cette transformation en nous pour faire cesser les trois karma négatifs et cultiver constamment les bonnes actions engendrées par le corps, la parole et la pensée. Cesser les actes négatifs et accomplir les actes positifs constitueraient les conditions sine qua non à tout être qui aspire à se perfectionner.

Renoncer à la pratique bouddhique, c’est renier toute progression, refuser les choses merveilleuses et nobles, ou dédaigner la sérénité et le bonheur. Pour ceux qui se décident à s’élever et aspirent à une vie sereine et joyeuse, une famille heureuse, une patrie florissante, la pratique bouddhique sera la clé de la réalisation de toutes ces espérances. 

FIN DU DEUXIEME CHAPITRE